H. P. Lovecraft : de l’anonymat à l’écrivain culte.

darkside.jpg

H.P. LOVECRAFT

 

On a beaucoup compare, à tort ou à raison, Edgar Allan Poe et H.P. Lovecraft.  Quelques similitudes mais les deux écrivains américains n’ont pas les mêmes fascinations, les mêmes mythologies.  Tous deux ont une influence considérable sur les générations d’écrivains d’horreur.

 

H.P. Lovecraft a peuplé mes nuits de créatures atroces et répugnantes, il m’a hanté et il continue à le faire avec ses mythologies venues d’autres planètes et auxquels certains humains vouent un culte sanglant et barbare, les plongeant dans la folie et les ténèbres.

Parfois il m’arrive de me demander si le Nécronomicon  n’est pas qu’un fantasme littéraire de l’auteur, si le livre diabolique n’est pas réellement ancré dans notre civilisation, dans nos peurs ancestrales.H.P Lovecraft est certainement le plus grand artisan du récit classique d’horreur.

Pour mieux connaitre le personnage, sa vie, son œuvre, je vous invite à consulter ce lien.  H.P. a beaucoup inventé. Il est le créateur d’une mythologie infernale, avec ses dieux, son langage et ses sanctuaires, son passé glorieux et son poète maudit, l’Arabe dément Abdul al-Azred auteur du fameux Nécronomicon.

 

Oui H.P. Lovecraft était raciste. Il ne faut pas omettre qu’à l’époque où il écrivait la SF est une littérature à fort potentiel, mais encore à ses balbutiements. En réalité, le racisme a longtemps marqué ce que l’on appelle aujourd’hui l’imaginaire, engendrant des cohortes de héros blancs, blonds, musclés, vaillants et courageux, en un mot comme en cent : de bons aryens. Si tous les auteurs n’étaient pas racistes, le racisme n’était pas particulièrement choquant pour autant dans un pays comme les USA, pratiquant la politique de la ségrégation et hanté par le Klu Klux Klan. L’objectif de cet article n’est pas de chercher des excuses à cet écrivain majeur, mais d’expliquer l’origine de son racisme, et la façon dont il a marqué son œuvre.

 

Le monde cosmique de H.P. Lovecraft a été développé à la fois dans le temps et dans l’espace : l’Antiquité des dieux noirs et des démons rampants côtoie les voyages stellaires d’entités aux intentions douteuses ; il n’est ni immuable ni statique.

 

Lovecraft a toujours pris soin de brouiller les pistes de son monde littéraire, mélangeant allègrement science et occultisme, traditions païennes et croyances monothéistes, pragmatisme et rêve. Cet univers aux frontières invisibles n’est ainsi matérialisé chez le Maître que par de nombreuses références occultes, des noms étranges, quelques cauchemars éveillés, tous inventés ou repris à d’autres auteurs. Ainsi retrouve-t-on dans les nouvelles du Maître de Providence des emprunts géographiques ou mythologiques aux mondes magiques de lord Dunsany ou d’Edgard Poe, aux ambiances sombres et gothiques d’Arthur Machen ou de Robert W. Chambers, aux univers chaotiques de Clark Ashton Smith ou de Robert E. Howard.

 

L’univers du Mythe de Cthulhu se situe ainsi sur trois plans : la réalité temporelle, la réalité spatiale et les rêves. Lovecraft fait fi des époques et explore les méandres du temps par la grâce de ses créatures plusieurs fois millénaires. Les murs de la cité des Anciens en Antarctique (Les montagnes hallucinées) ou de la Cité Sans Nom dans le désert proche-oriental (La Cité Sans Nom) sont couverts de gravures relatant les histoires de leurs bâtisseurs. Bâtisseurs si anciens que les hommes n’ont pas connaissance de leur existence mais qui furent pourtant bien plus évolués que nous ne le serons jamais…

 

Le temps chez Lovecraft n’a pas de prise. Herbert West (Herbert West, réanimateur), génie dément, réanime des créatures qui se vengeront de lui par-delà le temps. La Grand’Race de Yith fuit ses ennemis héréditaires dans le futur. Joseph Curwen, le sorciermaléfique immortel se moque bien du temps (L’affaire Charles Dexter Ward), de même que Cthulhu, mort et endormi à la fois. Quant à Yog-Sothoth, il personnifie ce temps lovecraftien corrompu, à la fois Clé et Porte. Yog-Sothoth connaît le passé, le présent et le futur, il peut les traverser comme de simples seuils. Finalement, nous pouvons constater que seuls les humains, êtres imparfaits et serviles, ne maîtrisent pas la dimension temporelle…

 

De fait, pour les humains, ils faut avoir recours à un artifice pour les visiter : un miroir magique, une drogue exotique, quelques sortilèges étranges lus dans l’abhorré Necronomicon…

 

A cet égard, Lovecraft peut être considéré comme l’un des précurseurs des courants de science-fiction temporelle, avec ses grandes traversées spatiales et ses étranges détours inter-dimensionnels.

 

Enfin, parlons de rêves. Ceux-ci tiennent une place particulière dans l’œuvre de HP Lovecraft  au point qu’il leur ait consacré un pan entier de sa littérature, communément appelé Contrées du Rêve. Ces textes, sans se départir de l’indicible angoisse qui s’insinue dans tous les écrits du Maître, sont parmi ses plus poétiques : Ulthar, Polaris, Sarnath, Kadath, Inquanok sont autant de mots qui éveillent chez le lecteur une sensation d’exotisme légendaire, de pays merveilleux. Hors du temps et de l’espace, ces lieux magiques et sombrement séduisants invitent au voyage. Par cette dimension onirique, Lovecraft s’affirme comme un auteur inspiré, dont l’univers n’est pas sans rappeler les mondes dangereux et virils de Robert E. Howard. Mais Howard nous raconte l’histoire de l’Humanité, Lovecraft se contente de la rêver. Il faut d’ailleurs rappeler que Lovecraft avouait qu’il rêvait plus qu’il n’écrivait.Quel dommage pour nous, pauvres lecteurs, de ne pouvoir visiter ces rêves emplis de cités éternelles, de lieux impies, d’entités décharnées…

 

Le temps, l’espace, les rêves. Trois notions importantes de l’œuvre du Maître de Providence qui lui donnent tout son sens. Et c’est ce qui effraie et séduit chez Lovecraft : l’impression de maîtriser ce qui nous échappe totalement…

 

A croire que les légions cosmiques s’y donnent rendez-vous ?

 

Pourquoi un tel engouement pour la Terre ?

 

Ils semblerait, d’une part, que les humains sont un réservoir de ressources mentales et physiques facilement malléables et inépuisables ; de plus, les Grands Anciens aiment ceux qui les vénère et les humains sont friands de dieux en tous genre ; peut-être est-là ce qu’on appelle une alliance d’intérêt. Tout ceci explique certainement l’importance de la Terre mais nos petites intelligences ne sont pas suffisamment développées pour appréhender correctement les intentions de ces visiteurs de l’espace et du temps donc évitons les jugements hâtifs.

 

Source : Lovecraft, A Life de S.T.JOSHI.

 

Pour conclure cet article je vous propose de regarder une émission du 29 septembre 2005 « Permis de penser », diffusée sur ARTE et proposée par Laure Adler qui reçoit Michel Houellebecq, certainement l’écrivain le plus proche du l’univers lovecraftien.

 

Partie 1 :{dailymotion}x3ieb5{/dailymotion}  Partie 2 :{dailymotion}x3idoy{/dailymotion}  Partie 3 :{dailymotion}x3icwa{/dailymotion}          

9 réflexions sur « H. P. Lovecraft : de l’anonymat à l’écrivain culte. »

  1. Magnifique !
    ça donne envie de lire… mais que conseillez-vous donc comme premier Lovecraft à un lecteur comme moi qui ne connait de SF qu’Orson Scott Card, Alfred Van Vogt et Franck Herbert ? 🙂

  2. Bonjour Gosseyn.
    Des conseils :
    La couleur tombée du ciel.
    Les montagnes hallucinées.
    Et bien évidemment « l’appel de Cthulhu ».
    L’oeuvre de H.P. est à découvrir ou redécouvrir, écrivain torturé qui nous surprend au sein même de nos phobieset terreurs.
    Michel

  3. Bonjour Michel,

    je découvre grace à toi l’univers controversé de hp Lovecraft que je connaissais que de nom dans l’entre de mon vieux cerveau. ;D

    Par contre j’ai étudié Houellebecq et il est vrai que ce derneir a fait parler de lui et taxé de raciste anti- musulman, notamment lorsqu’il a déclaré que les juifs étaient plus intelligents que la moyenne en faisant ouvertement référence à la religion islamique.

    Mais il est à mon avis un excellent auteur et je vous conseille (si ce n’est pas déjà fait), de lire « la possibilité d’une île paru en 2005 chez Fayard, c’est un excellent roman qui traite du clonage, l’auteur décrit adroitement la transformation humaine et s’inspire en partie du mouvement « raelien » qui le fascine.

    Houllebecq égratigne bien souvent la société et n’hésite pas à traiter avec ironie les thème d’actualité tels que la pédophilie et les sectes.

    Merci pour cet article Michel et vais tenter de trouver un roman de lovecraft pour être plus objectif. 😉

  4. Bonjour Marocau.

    La parenthèse avec Michel Houellebecq n’est pas innocente. En 1991, Houellebecq a publié un remarquable essai sur H.P. Lovecraft « Contre le monde, contre la vie », d’ou sa présence sur mon article, de plus je suis un inconditionnel de son oeuvre.

    Michel Houellebecq possède ce don d’exposer avec une atroce lucidité les maux de notre époque, et insidieusement de retourner le couteau dans la plaie jusqu’à ce que nous acceptions de regarder en face « nos sales secrets ». D’ou la violence des réactions.

    Amicalement

    Michel

  5. Tout à fait les « sales secrets » et les dures réalités sont souvent durs à entendre puisqu’ils nous concernent directement. 😀

    Et les gens qui osent crier la vérité sont souvent très mal vus.

    Merci pour cette précision Michel, au plaisir de te lire…

  6. Oui Marocau. C’est ce que je fais lorsqu’on m’embête trop : je balance des vérités aux
    gens qui m’ont fait souffrir pendant des années et c’est ainsi que l’on ne m’aime plus et me tourne le dos. « Il n’y a que la vérité qui blesse »

  7. Marocau,

    J’ai eu l’occasion de voir, en film, l’adaptation de [b]La possibilité d’une île[/b]… J’ai été scotché tellement j’ai trouvé cela beau, mélancolique…

    Amicalement
    Gosseyn

    (PS : je suis revenu sur ton article, Michel, pour rechercher une idée de cadeau à mettre sur ma liste de noël… !!)

Les commentaires sont fermés.