Groupama : Amaguiz pas au gré de Fitch Ratings

L’agence de notation Fitch n’a pas succombé au charme de Cerise, la sémillante conseillère en assurances à la robe blanche à pois verts de Groupama. C’est désormais, avec deux points otés, de même que ses filiales du Gan, un placement spéculatif. Le 22 octobre, le groupe ne versera pas le coupon de ses titres « super-subordonnés » (des emprunts obligataires), représentant 63 millions d’euros. Il deviendra difficile à Groupama d’emprunter, si ce n’est à l’État, qui l’avait déjà renfloué de 300 millions d’euros. Pourtant, le Qatar était aussi venu à la rescousse en acquérant un ensemble immobilier sur les Champs-Élysées. Que faire ? De nouveau appel à l’ineffable Alain Minc, longtemps conseiller de la direction ?

Thierry Martel, Pdg de Groupama et successeur de Jean Azéma qui, sur les conseils avisés, comme toujours, d’Alain Minc, avait failli faire franchir le pas au groupe pour un saut dans le précipice, a bénéficié de la sollicitude de la Caisse des Dépôts (donc de l’État), du Qatar, et consenti à la vente de Gan Eurocourtage à Allianz.
Ce qui n’a guère suffi.

Ils ont beau faire, beau dire, les dirigeants de Groupama n’ont guère rassurés.
La fuite en avant de la gestion précédente, qui avait diversifié à l’étranger les investissements, pèse encore sur les résultats.

En fait, une fois de plus, assurances ou banques coopératives ou mutualistes, gangrénées par des conseillers et des patrons voulant faire de la finance (à leur profit surtout), démontrent qu’elles ne sont plus pilotées par des sociétaires soucieux d’une gestion de père de famille au profit des clients ou cotisants. 

Comme les Caisses d’épargne, ou le Crédit agricole, Groupama a pris et maintenu des positions risquées qui donnaient du poids aux dirigeants pour se hausser du col, accorder des entretiens aux magazines des anciens de très écoles, et pour l’exprimer vulgairement, « se la péter en limousine ». 

Tout comme les Banques populaires, Groupama axait aussi sa communication sur la voile, les grandes courses, &c. Les sociétaires étaient priés d’applaudir. Mais il a fallu lâcher du lest, et pour Groupama, renoncer aux filiales britannique, espagnole, polonaise… Aussi sacrifier une partie des équipages, soit des salariés. Puis aussi lâcher des paquets d’actions boursières (qui permettaient de trouver des places dans des conseils d’administration tiers ?). Au CA, depuis dix ans, c’était l’unanimité : tout le monde derrière le président, relevaient les syndicats. Lesquels, comme la CGT, dénonçaient des ambitions démesurées, comme celle d’entrer en bourse « aberration [qui] prépare un désastre social et tourne résolument le dos à tous les principes mutualistes ».

Groupama avait été, selon sa propre vulgate « un groupe mutualiste d’assurance, de banque et de services financiers, avec une distribution multi-canal pour servir ses 16 millions de sociétaires et clients. ». Et non pour qu’il serve aux ambitions de ses dirigeants. Souhaitons qu’il puisse revenir aux fondamentaux, en cherchant moins à conquérir « de nouveaux horizons ».

C’était comment l’assurance ou la banque mutualiste avant ?  Déjà, des mutuelles n’ayant recours à l’emprunt hors du cercle des sociétaires que parcimonieusement.
Là, on peut comprendre la réaction des marchés et des créditeurs : « le non versement des intérêts ne constituera pas un cas de défaut et l’intérêt non versé le 22 octobre prochain sera perdu et ne sera plus exigible. ». Le coupon présentait un taux d’intérêt de 6,3 % l’an. Les titres avaient été émis en octobre 2007. On voit rarement des banques mutualistes proposer de tels taux à leurs sociétaires…

De plus, s’il s’agissait de parrainer des activités, ce n’était pas le sport professionnel (pour Groupama et ses neuf caisses régionales : OM, OL, Stade toulousain, Girondins de Bordeaux) qui était privilégié. Ces clubs « portent en eux toute la passion du football et des valeurs chères au groupe : l’esprit d’équipe, le dépassement de soi, l’amour d’une ville ou d’une région et l’ouverture d’esprit… ». Ah bon ?

Au lieu d’une santé financière « active », c’est une santé solide qui doit être prioritairement recherchée par l’ensemble du secteur se prétendant social et solidaire. Sans blabla, et avec beaucoup moins de tracas.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

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