Les pays du monde entier ont rendu hommage à Georges Moustaki, artiste français décédé le 23 mai à l’âge de 79 ans. Les pays francophones bien sûr, mais pas seulement.

 

La Russie, par exemple, où le décès de Georges Moustaki n’est pas passé inaperçu, en fait partie. En effet, une multitude d’articles consacrés à ce grand artiste de talent à facettes multiples a vu spontanément le jour dans la presse russophone. Ainsi, le fameux et toujours présent en Russie quotidien « Izvestia » a publié l’article intitulé « Chansonnier qui a percé le secret de l’âme russe ».

 Pour le prouver, l’article évoque la chanson de Georges Moustaki « Nadjejda » où le chanteur cherche à traduire, comme il dit « en amour », ce prénom russe qui se traduit normalement comme espérance. Le poète, pour traduire ce prénom assez commun en Russie, passe par  « absence », « souffrance », « long silence » pour aboutir à la « patience ». L’auteur de l’article souligne que ce dernier mot trouvé par le poète représente le trait essentiel de la « mystérieuse âme russe ».

   

Bizarrement, le titre de l’article est beaucoup plus juste que la conclusion finale de l’auteur. Moustaki a bel et bien trouvé tous les mots nécessaires à la compréhension de l’âme russe. Et ce n’est pas par hasard qu’il les passe en revue l’un après l’autre, car seulement mis ensemble, « espérance » y compris, ces mots acquièrent un sens et mettent en exergue l’essentiel de l’âme russe. Ce n’est pas juste « patience » mais la patience dans la souffrance qui caractérise cette âme mystérieuse. Et vice versa. La souffrance, souvent sans raison aucune, qui « ronge » cette âme dans son mal être.  Avec un espoir au bout du tunnel ? Non, l’espérance est chaque fois remplacée par un autre mot qui ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir et à l’espérance, aboutissant finalement à quelque chose de plus conciliable : à la patience, donc à une sorte de fatalité. Ce dernier mot, encore un mot clé de l’âme russe, n’est pas prononcé par le chanteur mais il est sous-entendu. Georges Moustaki a donc tout compris de cette âme tellement mystérieuse, que les Russes eux-mêmes ne la comprennent guère. N’en avait-il pas un peu en lui ?

 

Par ailleurs, dans ces relations avec la Russie, Georges Moustaki devra faire preuve d’une grande patience. Car, invité par les autorités soviétiques à donner quelques concerts à Moscou et à Léningrad en 1977 et n’étant point satisfait par les honoraires proposés, il refuse de chanter pour un montant aussi dérisoire mais propose de le faire gratuitement pour l’URSS. Visiblement indignés par une pareille réponse, les promoteurs du concert ont remplacé Moustaki par….  Elton John.  Le public russe, friand de la culture française, devra attendre 25 ans pour rencontrer Georges Moustaki pour la première fois lors des « Saisons Françaises» à Moscou en 2002…