Peu de Français savent que le nom arabe du Maroc est Al Maghreb et encore moins d'entre eux savent que Al Maghreb veut dire l'Occident. Le Maroc est effectivement l'Occident du monde arabo-musulman, là où se couche le soleil.
Sa proximité avec l'Europe occidentale ( 15 km de l'Espagne) et l'empreinte d'une longue histoire arabo-andalouse fait de lui un trait d'union entre l'Europe, l'Afrique Sub Saharienne et le monde arabe. Hassan II disait : " Le Maroc est comme un arbre qui plonge ses racines en Afrique et étend ses feuillages en Europe"
Un peu d'histoire:

La civilisation arabo-musulmane a laissé un patrimoine culturel, scientifique et architectural incalculable en Andalousie. Cette civilisation s'est étendue à son apogée en 1086, de l'Espagne jusqu'au Sénégal et au Niger. De grands savants arabes, berbères et juifs ont marqué leur époque et introduit " la civilisation" dans une Europe en pleine décadence. Cette Europe connaitra l'inquisition, puis la Renaissance, puis le Siècle des Lumières, puis la Révolution Industrielle qui l'ont porté dans des contrées lointaines dans les conquêtes du monde.

Le Maroc ne connaitra le "Protectorat" qu'en 1912, suite à son endettement dû aux indemnités de guerres ( 1844 bataille d'Isly) perdues et suite au bras de fer Franco-Anglais et au traité d'Algésiras de 1905 qui octroie aux puissances européennes de l'époque le statut de "nations favorisées" avec les faveurs économiques et juridiques qui en découlent. Mais le Maroc traversait une période sombre de son histoire avec les luttes tribales; le Makhzen, pouvoir royal se confinant à Fes et à Meknès et abandonnant la majeure partie du pays, devenue "bled Essiba", le territoire sans gouvernance où sévit la guerre civile.

Le protectorat a constitué de ce fait un élément fédérateur et les tribus sécessionnistes ont mené une résistance farouche contre les colons français et espagnols à tel point que le pays n'a été entièrement contrôlé qu'après la réédition d'Abdelkrim El Kattabi en 1926 dans les montagne rifaines du Nord du Maroc et après que son armée ait été gazée par l'armée espano-allemande. Un crime de guerre ni officiellement reconnu, ni pardonné à ce jour. Mais "la République du Rif" que le combattant a proclamé en 1921 aprés la victoire d'Anoual sur les Espagnols aura vécu 5 ans.

Lorsqu'éclata la guerre en 1939, le Maroc de Mohammed V s'est engagé aux côté de la France et son armée est entrée triomphante à Rome aux côtés des alliés. Son courage et ses exploits sont restés légendaires. En Janvier 1943, à la conférence d'Anfa réunissant Roosvelt, Churchill et De Gaulle, l'indépendance du Maroc était pour la première fois évoquée par Roosvelt et la même année au mois de décembre naissait le Parti de l'Istiqlal, parti de l'Indépendance. Dés le 11 Janvier 1944, un manifeste, appelé Manifeste de l'Indépendance, et réclamant l'indépendance du Maroc était remis à la Résidence Général par la parti de l'Istiqlal et soutenu par Mohammed V : le bras de fer avait commencé, il durera 11 ans et se terminera par les accords de La Celle ST Cloud et l'indépendance du Maroc pour le 3 Mars 1956 zone française et pour Avril 1956, zone espagnole. Mais dés le retour du Roi Mohammed V à Tanger, toujours sous statut international, le 17 Novembre 1955, le Maroc fêtait déjà son indépendance.

De 1956 à sa mort subite en Février 1961, Mohammed V, en "père de la Nation", a construit les fondations du Maroc indépendant et marqué son non alignement et sa fibre sociale. En 1959, de la scission au sein de l'Istiqlal né l'Union Nationale des Forces Populaires, parti Socialiste crée par Mehdi Ben Barka figure emblématique de l'Internationale Socialiste. A la succession de Mohammed V, son fils ainé, Hassan II, la guerre froide, notamment avec la Baie des Cochons, bâtait son plein et le Maroc se positionnait pour le libéralisme en optant pour une monarchie parlementaire et en adoptant la première constitution; les premières élections eurent lieu en 1963. Ben Barka devient un opposant gênant, pour la monarchie et pour les intérêts américains. Son assassinat en 1965 fût l'objet de vives protestations du Gl De Gaule et n'est à ce jour pas élucidée.

Il a fallut attendre 1975 et la marche verte et la récupération du Sahara ( dit espagnol puis occidental) pour que le Roi recouvre sa popularité. Mais son règne restera marqué par la répression politique et sera désigné par "les années de plomb". 3 hommes marqueront cette période : Oufkir, Dlimi et Basri et chacun aura connu un destin à la mesure de ses actes. En 1990, et en plein Mittérandisme, parait "notre ami le Roi", de G Perrault en référence à l'apostrophe lancée par Hassan II à propos de Valérie Giscard D'Estaing, lorsque celui-ci était Président : "C'est mon copain". Mais les relations avec le couple présidentiel et notamment avec Danielle Mitterand étaient franchement mauvaises, à cause de ses déclarations favorables au Polisario. Mais Hassan II trouve une meilleure compréhension auprés de Jacques Chirac, alors Maire de Paris, qu'il interpelle : "Monsieur le Maire de Paris, je vous envie" lors de sa visite officielle de la Mairie.

Mais au début des années 90, Hassan II, sous la pression internationale, amorce une ouverture vers ses opposants traditionnels pour amortir la grogne sociale et syndicale devenant menaçante et en 1997 pour la première fois, il nomme un chef de gouvernement socialiste pour diriger une coalition de centre-gauche. Cette ouverture vers un processus de démocratisation sera applaudi (et financé) par notre partenariat privilégié avec l'Union Européenne, France en tête. A la mort de Hassan II en juillet 1999, Tonton Chirac devenait de fait le parent, le conseiller, le "protecteur affectueux", le défenseur du Roi Mohammed VI. " Majesté, je souhaiterai vous rendre toute l'aide que j'ai reçue auprès de votre père" lui affirme Chirac lors des funérailles.


Le Maroc nouveau

Le processus démocratique était lancé 3 mois aprés l'accession au Trône de M6, par le limogeage spectaculaire de l'ancien homme fort de Hassan II, Driss Basri, puis par la capitalisation de la fondation Mohammed V de Solidarité qui encaissera le chèque de 2 milliards d'Euros récupéré de la cession de 33 % des parts de Maroc Télécom au groupe Vivendi. Le Roi des pauvres, s'identifiera davantage à son grand père qu'à son père. Il lancera la création de l'Instance Equité et Réconciliation ( IER) pour réconcilier les marocains avec leur passé et indemniser les victimes des années de répression.

Les attentats terroristes du 16 mai 2003 à Casa débouchent sur un contrôle plus sévère des réseaux islamistes, notamment salafistes issus de la mouvance wahhabite, made in Saudi Arabia, tolérée au Maroc depuis le début des années 1980, sur un contrôle des prêches religieux du vendredi et fait nouveau, sur l'adotion du nouveau code de la famille, la fameuse Moudawana, bête noire des islamistes, qui avait bloqué par des manifestations son projet dés 1998.

Dans ce contexte de démocratisation et de promotion de l'Etat de Droit, l'aide de Chirac ne s'est pas démentie. Au contraire, elle a suscité et accompagné l'engouement des Français pour le Maroc et des Marocains pour la France. Mais le chantier le plus important est sans doute le chantier économique et dans ce registre, la France avec plus de 500 entreprises reste le premier investisseur étranger au Maroc

Les relations maroco-françaises

La France, avec une part de 22% des échanges extérieurs marocains, est le premier partenaire commercial du Maroc (5,6 Mds€ en 2005). La France est le premier fournisseur du Maroc (17,6% du part de marché en 2006) ainsi que son premier client, dont elle absorbe le tiers des exportations. La France détient la place de premier investisseur étranger au Maroc (les flux d’investissements directs français vers le Maroc ont atteint un milliard d’euros en 2005) et de premier créancier public du Maroc (13% du total des créances). La France demeure le premier pays d’origine des transferts des résidents marocains à l’étranger (1,5 Md€ rapatriés annuellement). La France est aussi la première source de recettes touristiques du Maroc (1,3 millions touristes français accueillis en 2005 représentant plus d’un quart des 3,7 Mds€ de recettes générés par le secteur). Lors de la VIIe Rencontre des Chefs de Gouvernement en septembre 2005 au Maroc, les deux Premiers ministres avaient décidé de créer le Groupe d’impulsion économique France-Maroc composé d’hommes d’affaires français et marocains afin de mieux développer les synergies existantes entre nos deux pays dans le domaine économique. En décembre 2006, les Premiers ministres français et marocain ont décidé de reconduire le mandat de ce groupe pour une année supplémentaire à la lumière du travail accompli par celui-ci.

Au niveau politique, les rencontres annuelles des chefs de gouvernement ont permis de réaffirmer la solidarité de la France avec le Maroc. La VIIIe « Rencontre franco-marocaine des Chefs de gouvernement », en décembre 2006, à Paris en présence de cinq ministres français et de six ministres marocains a été marquée par la signature de dix-neuf conventions de coopération et accords commerciaux. Le Maroc est le premier pays aidé par la France dans le monde, bénéficiant d’une aide publique française au développement de 176 M€ en 2005 et représentant 30,9% de l’aide totale reçue par le Maroc.

La visite officielle prévue aujourd'hui de Nicolas Sarkozy, première en qualité de Chef d'Etat devrait consolider ces relations, le Maroc est un partenaire géopolitique clé dans la politique arabo-africaine de la France, et le dernier sommet de Lisbonne sur le "Traité simplifié" de constitution européenne devrait assoir une relation de type nouveau entre l'Europe et le rive Sud de la Méditerranée dont le Maroc s'est fait le défenseur lors de la Conférence de Barcelone.

Le Maroc est en chantiers et les plus grands chantiers dont fait partie le projet du Port de Tanger-MED déplace la vision politico-économique de la côte Ouest (Axe Rabat-Casa) vers la côte Nord (Tanger- Nador) qui est justement à 15 km de l'Europe et qui devrait servir d'aspirateur des investissements industriels et touristiques et constituer un effet d'entrainement pour l'industrialisation de " l'arrière pays". Le Maroc ayant, à tort, et à cause des vicissitudes de l'histoire, tourné le dos à la méditerranée depuis plusieurs siècles.

Parmi les investissements médiatisés lors de la visite de Sarkozy figure le projet de TGV en compensation de l'achat des Rafales qui étaient en négociation et dont le projet a été abandonné faute de financement. L'ensemble des projets devrait atteindre les 3 milliard d'euros.

Au niveau du Sahara, le Maroc devrait être confirmé par Sarkozy, dans son choix ( et celui de l'ONU) de la solution politique (large autonomie) au contentieux sur son territoire saharien, légitime et historique.

Au niveau international, le Maroc appuie traditionnellement toutes les initiatives de paix au Moyen-Orient et continue d'accorder son soutien à Abou Mazen, puisqu'à la conférence de Lisbonne, Sarkozy a affirmé que la Paix était à prendre "maintenant" et que "maintenant, il y a des opportunités pour faire cette paix".

J'ignore la position officielle du Maroc sur le dossier iranien, mais étant à la fois musulman et pro-occidentale, le royaume devrait normalement s'abstenir de faire une déclaration à ce sujet ou tout au plus se cacher derrière les conclusions de l'AIEA.


Le dossier qui fâche reste celui de l'immigration et la politique de Sarkozy était déjà connue alors qu'il était ministre de l'Intérieur; "l'immigration choisie" et les revendications de la communauté marocaine en France, forte de quelques 800.000 membres pourront être abordées, notre ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, reconduit à son poste tout juste lundi dernier est un familier de Sarkosy.40.000 français vivent au Maroc, devenue terre d'accueil pour un nombre de plus en plus croissant de personnes à la recherche d'une retraite dorée.

Il est cependant à déplorer que le jour même où Sarkozy prononce son discours au Parlement marocain, la loi sur l'immigration est en train d'être votée au Parlement français; et il est aussi à relever que l'Affaire Ben Barka rebondit avec le mandat d'arrêt international lancé par la justice française à l'encontre de 5 responsables marocains dont 2 très hauts fonctionnaires du Makhzen, ce qui n'est pas pour plaire au Roi, même s'il n'a rien à voir avec cette affaire qui constitue pour lui un mauvais héritage.