C’est simple. Sarkozy est pour le maintien du quotient familial favorisant les hauts revenus, Hollande est contre. Cameron, lui, veut que les familles aux revenus confortables puissent mieux profiter d’un « child benefit » qui s’élève 20,30 livres pour un seul enfant, à 13,40 par enfant supplémentaire, et à 14,75 par enfant s’il nécessite une garde d’enfants. Attention, ce sont des sommes hebdomadaires (donc, minimum, près de cent euros par mois pour un seul enfant). À cela s’ajoutent diverses déductions fiscales.  

Ils ont bon dos, en France, les célibataires sans enfants, ou ceux dont les faibles revenus ne leur permettent pas d’envisager d’avoir un second enfant, ou en diffèrent la naissance, faute de crèches, faute d’aides, soit les classes moyennes-pauvres en particulier. Ils payent les impôts plein pot, tandis que le gain moyen d’une famille dont les revenus sont de 80 000 euros s’épargnent quand même 3 778 euros d’imposition. Pas de quoi envoyer trois enfants aux études chères (écoles d’ingénieurs, de commerce), mais sympathique quand même. Les plus pauvres (11 000 € de revenu annuel) ont de quoi envoyer un enfant en colonie de vacances (490 €).

Au Royaume-Uni, il y avait un autre type d’inégalité. Ceux qui ont des revenus de 84 000 livres pour un couple peuvent encore percevoir le child benefit.

Mais il suffit qu’un des deux parents dispose d’un revenu de 42 375 £ pour que, clac, plus rien. Près de l’équivalent de 51 000 euros annuels, quand même, mais pour un parent isolé avec deux-trois enfants, c’est raide, ce couperet.

David Cameron veut donc moduler cela, de manière à ce que les parents qui gagnent plus de 4 230 € par mois soient moins pénalisés. Comment ? Là, on n’en sait encore rien. Mais en tout cas, voyez déjà la disparité. 1 200 euros de l’an en moyenne pour le Royaume-Uni, près du triple en France à revenus à peu près égaux si vous êtes au plafond.

Disons-le clairement : cette histoire de quotient familial français peut vaguement avantager ceux qui se retrouvent exonérés totalement d’impôt, et les familles aisées. Soit les petits ouvriers et employés au bas de l’échelle, et ces familles cossues qui peuvent avoir du personnel de maison et une marmaille bien mise. D’accord, je résume à l’emporte-pièce, mais ce qui n’est pas contesté, c’est que le système préconisé par le PS profiterait aux contribuables dont les revenus sont inférieurs ou égaux à trois fois le salaire minimum. Les classes moyennes-moyennes s’y retrouveraient aussi. Bien sûr, c’est plus complexe. En France, c’est même fait pour…

Un, des enfants, sont-ils vraiment plus chers à élever en France que dans d’autres pays de l’Union européenne ? Tout dépend. Notamment des structures d’accueil pour les enfants, de multiples facteurs immatériels (dont le statut réel ou fantasmé des parents). Certains ont piscine ou tir à l’arc (voire à la sarbacane, moins chère), ou twirling-baton, d’autres poney, piano, ski, au moins jusqu’au bal des debs’ précédé par les rallies.

Sarkozy avait déjà favorisé ses grands enfants en mettant sur la paille (enfin, presque) pas mal de lycées français à l’étranger (lesquels refusent les élèves des familles françaises les plus pauvres car il faut faire de la place pour ceux des familles étrangères qui rapportent davantage). Pour Giuilia Sarkozy-Bruni, il ne veut rien lâcher. Pas de petit profit…

Évidemment, tous les ministres UMP ont clamé qu’on égorgeait les familles, toutes les familles. Nadine Morano et tête et Valérie Pécresse faignant de croire qu’un couple avec deux enfants aux revenus de 3 500 euros mensuels, et acquittant 1 275 euros d’impôt direct, allait payer le double. Faux et archi-faux, mais plus c’est gros, mieux cela passe. Elle part du principe que le quotient familial serait abrogé pour toutes et tous. Ce dont il n’a jamais été question de la part de Hollande.

Mais revenons à notre sheep (mouton). Cameron (conservateur) s’émeut alors que la moitié des enfants vivant dans les régions défavorisées du Royaume-Uni vivent en-deçà du seuil de pauvreté, ce qui lui en touche une sans remuer l’autre. Et attention, Outre-manche, le seuil de pauvreté, c’est plutôt bas (de l’ordre de 13 euros par tête par jour alors que le prix de la vie est largement supérieur à celui de la France). Mais le problème est tel que des correctifs sont annoncés.

De toute façon, les effets pervers de toute mesure sont quasiment inévitables. On connaît en France les actuels, difficile d’imaginer ceux que produiraient la mesure préconisée par le PS. Le plafond d’imposition anglais entraîne un taux de fiscalité de 40 %. En France, qui paie réellement ce taux ? Même sans enfant ?

En revanche, le child benefit britannique ne devrait plus progresser comme auparavant. Ce qui pénalisera les familles les plus pauvres pour lequel il est bien maigre. Eh, tout politicien pense d’abord à sa famille, ensuite à la majorité de son électorat, proclame avant d’être élu qu’il agira pour le bien de tous, et fait comme cela lui convient à peu près ensuite.

Sur cette affaire du quotient familial, on retiendra que Hollande n’en profite plus du tout (ses enfants sont grands), et que, pour Sarkozy, un sou est un sou, et qu’il n’y a pas de petit profit. Finalement, la politique sociale, c’est assez simple à comprendre… (cela écrit en toute mauvaise foi, concédons-le).

P.-S. – j’en entends déjà qui vont rétorquer que je mélange allègrement quotient fiscal familial et allocations familiales. C’est voulu. Il faudrait comparer soigneusement l’impact des deux mesures pour établir des « parallèles » entre systèmes britannique et français. C’est en fait indissociable. Une chose : à chaque fois que les socialo-communistes (sans nuance péjorative) ont voulu établir une progressivité relative aux revenus pour les allocs, du centre-droit à l’extrême droite, ce furent des cris d’orfraies, des mobilisations fortes, et des accusations les comparant avec l’antéchrist. Eh, charité bien ordonnée… Là, j’assume ma mauvaise foi. Mais contrez donc l’argumentation.