19h45. Un jeune entre dans mon bureau pour m’avertir qu’un opérateur a eu un malaise. Je ne suis pas le responsable de site, mais le seul dans les bureaux à cette heure là. Je dis « c’est grave ? ». Il dit « je sais pas ». « Les pompiers sont prévenus ? ». « Oui ».
Je préviens la Direction, sans savoir ce qu’il en est effectivement et descends dans l’usine. Quelqu’un me montre du doigt le lieu où je dois me rendre.
Entre 2 machines, une femme est au chevet de l’opérateur allongé en PLS, sans connaissance, un petit groupe autour d’elle.
Je me fait « incendié » par ce petit groupe.
« Il faut appeler un responsable ». Je m’exécute, une 2ème fois, devant la gravité de la situation en précisant en 2 mots que l’opérateur est en-cours de réanimation.
20h00. Les pompiers arrivent rapidement et à peu près en même temps que le directeur de production. Les opérateurs se sont tous approchés autour de la scène qui ressemble plus à "Urgences" qu’à une prise de poste à l’heure d’un changement d’équipe.
La femme qui avait tenté de réanimer l’opérateur est sous le choc et se culpabilise de ce qu’elle perçoit comme un échec. Propos rassurants du pompier qui lui dit que grâce à elle, les secours sont en train de le ramener à la vie petit à petit.
Je reprends espoir, mais pour m’entendre dire une minute après par le responsable du site, à l’oreille, que le type est décédé, mais que les pompiers continuent leur massage cardiaque par respect de la « procédure ».
Les opérateurs ont été priés de se rendre en salle de pause. Les gendarmes arrivent, s’informent de l’identité de la victime.
La situation me glace le sang , mais pas autant que celui de l’opérateur que les secouristes viennent de couvrir d’un drap blanc.
La décision vient de tomber : pas de production cette nuit. La DRH est arrivée.
20h30. Je dis au directeur que je vais rentrer, maintenant. Les opérateurs, en repartant chez eux, jettent un dernier regard sur l’endroit endeuillé.
Leur collègue, en missions ponctuelles depuis 2 ans, est mort sous leurs yeux.
Quelques femmes, d’obédience musulmane, prient face au corps de ce jeune magrébin de 35 ans. Le directeur me dit « la semaine va être longue ».
Un fait divers pour vous.
Pour le défunt, une famille endeuillée dont la femme va certainement être obligée de se rendre sur les lieux du drame pour reconnaître le corps, en l’absence de pièce d’identité.
En hommage à cet opérateur, je demande à ceux qui liront l’article de passer la journée en étant tendre avec leurs proches, en n’ insultant pas le chauffard du coin qui leur grille la priorité, en ne s’énervant pas pour des futilités car vraiment, vraiment, il faut profiter de la vie.
Quelle horeur !
C’est affreux. Désolé, je n’ai pas d’autres mots.
Vous avez du faire preuve de courage, ainsi que tous les autres.
Mes pensées aux proches de cet homme.
C’est tragique, comme quoi le malheur peut survenir de manière si « banale » et partout y compris au travail.
Comme on l’evoque poetiquement, le defunt comme les végétaux, se décompose pour permettre la croissance de nouveaux éléments et donc de fruits.
Il faut faire en sorte que son départ ne soit pas vain et porte également des fruits. A savoir peut être développer la formation aux premiers secours dans l’entreprise, l’investissement dans un défibrilateur automatique.
Courage à toute l’entreprise.
Julien.
Merci pour vos mots. A priori, ses proches (parents uniquement si j’ai bien compris) sont tous en Algérie. Ses membres de la famille (éloignée) ont finalement reconnu le corps dans ma nuit du drâme. Julien, le pire, c’est qu’un défibrilateur était en commande depuis un bon moment. Est-ce que ça aurait changé qqch? Peut-être pas…
a+
Yves.