Une personne agonisante a-t-elle le droit de mourir dans la dignité? Le débat ne date pas d’hier.  Notre société est-elle prête à décriminaliser l’euthanasie? Le collège des médecins du Québec, après trois ans de réflexion, s’apprête à se positionner en faveur de la question. Dans un rapport qui sera rendu public en automne 2009, le collège proposera au gouvernement canadien que le code criminel soit amandé en ce sens.

 

Hâter la mort d’une personne souffrante est considéré, à l’heure actuelle, comme un crime dans plusieurs pays. Bien qu’une tolérance implicite se dégage de certaine législations, comme en Belgique et aux Pays-Bas; où la loi du 1er avril 2002 exonère de toutes poursuites judiciaires le médecin qui aurait, sous des conditions bien définies, pratiqué un suicide assisté. La France reste quant à elle inflexible sur la question, considérant l’euthanasie au même titre qu’un empoisonnement prémédité, en principe punissable de la prison à vie. Rappelons le cas de Chantal Sébire, cette femme atteinte d’un esthesioneuroblastome, qui en dépit de ses souffrances atroces, n’arriva pas à convaincre ni le Tribunal de Dijon, ni le gouvernement de la laisser mourir dans la dignité.

 

Les assises judéo-chrétiennes, dans lesquelles sont fondées notre système juridique, semblent annihiler, à tout le moins ralentir, les procédures de décriminalisation de l’euthanasie. Pour sa part, le médecin, peut-il poser un geste aussi incompatible avec le serment d’hippocrate? « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.» Mais ces commandements et autres vœux pieux issus de l’époque antique, aussi nobles soient-ils, sont-ils toujours le reflet d’une réalité moderne? D’une réalité où la population vit plus longtemps et est constamment exposée à de nouvelles maladies, de nouveaux cancers, de nouvelles souffrances…

 

Peut-on faire fi de cette réalité et continuer à jouer à l’autruche? Le collège des médecins du Québec estime que non. «Éviter le débat contribue à maintenir l’hypocrisie générale à ce sujet, affirme le docteur Robert. Il est stupide de prétendre que ça n’arrive pas parce que c’est illégal. Il faut cesser de se mettre la tête dans le sable.»

 

Toutefois, au sein même du collège, le débat ne fait guère l’unanimité. Le docteur Michelle Dallaire, dans une entrevue accordée à la Presse, a bien tenté de faire l’apologie de la «sédation palliative» qui consiste à «endormir le malade sans effectivement remettre en cause les buts des soins palliatifs». A sa décharge, mentionnons qu’au Pays-Bas, une forte baisse des cas d’euthanasies a été observée entre 2001 et 2005, en dépit des lois la décriminalisant. Ceci étant expliqué par l’amélioration des soins palliatifs. Mais peut-on vraiment appliquer ce modèle au système de santé québécois ? Dans nos hôpitaux délabrés aux allures d’hospices en plein cœur de Kandahar et de leur personnel débordé, au bord du "burnout". Le personnel infirmier a-t-il le temps d’ajuster correctement les doses de morphine aux 4 heures, s’assurer d’administrer les entre-doses, vérifier les signes vitaux afin que le patient ne s’intoxique pas ? Bref, il faudrait une infirmière pour chaque patient en soin palliatif… Ce qui n'est pas le cas. Si les propos du Dr Dallaire sont plein de bon sens, les moyens dont dispose notre système pour y arriver sont nettement inadéquats. Sans parler du peu de ressources mis à la disposition des aidants naturels, qui seraient une alternative au personnel en soin palliatif, mais qui finissent souvent par baisser les bras devant l’ampleur de leur tâche. En ce sens  nos gouvernements, surtout au niveau provincial, devraient se questionner sur leur part de responsabilité.

 

Quoiqu’il en soit, le rapport du collège des médecins, qui sera dévoilé en novembre, vise le code criminel. Afin qu’il y soit définies les conditions dans lesquelles l’acte médical pourra être posé, avec l’accord du patient, et ce sans laisser place à l’abus. Ce sera donc au gouvernement fédéral de trancher la question. Un débat qui s’annonce d’ores et déjà très politisé; peut-être même un enjeu électoral ?

 

 

 

Sources :

 

Vivre et laisser mourir. V. not. l'article de Aline Cheynet de Beaupré : (D.2003.2980);

Le refus de la souffrance. Article paru le 15/07/09.http://www.cyberpresse.ca/opinions/forums/la-presse/200907/15/01-884184-le-refus-de-la-souffrance.php;

 

Cas d'euthanasies en forte baisse. Article paru le 11/05/07. http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=347601.