Parlons de choses sérieuses : il semble que les Irlandais, dont le projet de budget avait été communiqué au Bundestag un mois avant d’être soumis (en janvier) à leurs parlementaires, aient suivi les consignes.
Le ministre du Budget, Bredan Howlin vient d’annoncer une nouvelle réduction des dépenses de l’État irlandais de 1,5 milliard d’euros, portant principalement sur les aides sociales et le secteur de la Santé.
Il reviendra au ministre des Finances irlandais, Michael Noonan, d’annoncer des relèvements de taxes et d’impôts.
Bref, peu importe ce qu’a pu dire Merkozy sur les traités et le reste, la Fiskalunion, soit le strict contrôle budgétaire, est passée. Avec pour porte-parole, un prince consort, Nicolas Sarkozy, ayant relayé les volontés d’Angela Merkel.
Tant qu’à faire, autant plier : organiser des référendums, cela suppose un coût, et de nouvelles ponctions dans d’autres budgets sociaux. Ce qui ne rassurerait pas davantage les marchés, puisque, au final, rien, tout et son contraire, alarme les marchés.
Dégradation
D’ailleurs, Merkozy venait à peine de s’exprimer que Standard & Poor’s plaçait sous surveillance négative 15 pays européens, envisageant la perte du AAA pour l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas (neuf autres pays, déjà moins bien notés, rétrogradant aussi).
Chypre peut applaudir Merkozy, la récession y prend de l’ampleur, et donc, les financiers ne lui feront aucun cadeau.
Il ne faut pas non plus croire que tout le monde ait applaudi la prestation de Merkozy. +0,38 % pour le Footsie, +0,5 pour le Dax, et +1,29 pour le CAC 40, cela ne change guère la marche du monde. Pas davantage que le furtif regain de l’euro (+0,3) contre le dollar (il est vite retombé à 1,33 dans la soirée, après l’annonce de Standard and Poor’s).
Car certes, si le fait que la Fiskalunion avance masquée, sous couvert d’un nouveau pacte de stabilité, cela ne change guère les fondamentaux. Lâcher un peu de lest sur le rôle de la Cour européenne de justice, qui « ne pourra pas invalider un budget national », est un effet d’annonce symbolique, histoire de laisser à Sarkozy la latitude de dire que l’accord « est parfaitement conforme au respect de la souveraineté… ». Laquelle consistera sans doute à exonérer les plus à même d’abonder les budgets, et à frapper la masse, encore supposée plus malléable.
Finalement, que Sarkozy ait ou non sauvé la face (comme l’estime Simon Nixon, du Wall Street Journal), ce qui se discute, passe franchement au second plan.
Si ce n’est pour Chypre, la rustine semble avoir plus ou moins fonctionné pour l’Italie et l’Espagne, dont les dettes n’ont pas été vigoureusement attaquées (au contraire, très légèrement, non pas réduites, mais moins aggravées que la veille). La BCE est-elle intervenue ? On finira par le savoir.
Le reste, la supposée « germanophobie », pas vraiment virulente, n’est pas de mise : les banques ont obtenu ce qu’elles voulaient de Merkel, soit que le secteur privé ne soit pas mis à contribution en cas de faillite d’un pays. Dire que l’on présente cela comme « une victoire française » ! Mais c’est surtout ce que retient le Financial Times.
Question mesures d’austérité, retenons celle, emblématique, de l’Italie, qui va se priver de quelque 500 élus municipaux ou régionaux. Et pour un peu, si la Constitution l’avait permis, Mario Monti aurait aussi dégraissé les gouvernements provinciaux. Amusant, les plus réticents, ce sont les élus de Bolzano, germanophones : ils veulent échapper aux mesures, arguant d’un statut spécial.
Le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, est, lui, comme saint Thomas. Les mesures d’austérité sont décidées, mais seront-elles vraiment mises en application, et non pas contournées ? Tant qu’à faire, mieux que la Cour européenne, il verrait bien le FMI mettre toute l’Europe sous contrôle…
Une petite chose qui pourrait fâcher. On ne sait pas trop qui a souhaité que les pays de l’Eurozone se concertent mensuellement. Sarkozy ? Histoire de « causer dans le poste » chaque mois ? Cela peut présenter un inconvénient : une cacophonie mensuelle est à redouter.
Car les véritables problèmes subsistent. Soit les déséquilibre économiques nord-sud (pour résumer) et le marché interbancaire, qui restreignent le crédit aux investisseurs réels, ceux qui veulent produire. Le « coup de bazooka » de la BCE tarde, mais de toute façon, il n’est dirigé que vers l’allégement des bilans des banques. Il n’est toujours pas question de changer l’essentiel, soit les modèles financier et industriel. Car la vraie question reste : quel type de croissance, et surtout, pourquoi et pour qui ? Elle est soigneusement éludée de sommet en sommet. De ce point de vue, le petit prince Sarkozy est aussi nu qu’est la reine Merkel…
Oh, certes, peu après avoir récité le discours de la reine, le prince consort s’est fendu d’une mâle déclaration : « la crise doit nous conduire à diminuer nos dépenses de fonctionnement mais à augmenter nos dépenses d’investissement. La crise ne peut pas être un prétexte à l’abaissement de la qualité du service public, la crise nous fait obligation d’investir… ». Avec quoi ? Et si le service public, ce sont des partenariats public-privé, des cliniques privées censées venir pallier les fermetures d’hôpitaux, on est mal barrés…
Le FMI impuissant
On ne voit plus trop ce qui pourrait permettre à la zone euro de s’éviter un renchérissement du crédit. Enfin, si. Car temporairement, si le FMI mettait l’Espagne et l’Italie sous perfusion, leur apportant des aides moins lourdes à rembourser, cela pourrait soulager toute la zone euro.
Mais le FMI n’a plus les moyens d’intervenir efficacement. Pour cela, il faudrait que les États-Unis renforcent leur contribution au fonds. Mais ils n’en manifestent nullement l’intention.
Du coup, les marchés vont de nouveau peser pour que l’Eurozone se déleste des plus faibles, donc en priorité de la Grèce, peut-être du Portugal. Cela pourrait redonner des bouffées d’oxygènes aux pays restant dans l’Eurozone. Mais guère davantage (cela aurait un effet retardateur, mais sans doute pas au-delà de 2013-2014).
Jusqu’où aller pour satisfaire les marchés ? Allez, tenez, voici l’une des solutions envisagées par le candidat étasunien américain Newt Gringrich : remettre les adolescents de 14-15 ans au travail. Oh, pas dans les mines, pas sur les chantiers du bâtiment, mais pour des tâches légères et pas trop dangereuses. Déjà, les 9 ans et plus pourraient remplacer les techniciens de surface dans les écoles, a-t-il suggéré. Oui, certes. Et que feraient donc les techniciens de surface des établissements scolaires ? Ah, cela, il ne sait pas.
Aux États-Unis, le Postal Service, la poste, envisage 30 000 suppressions d’emplois. La poste américaine frôle déjà la banqueroute. Pas grave, le privé prendra la relève. Pour qui pourra payer.
Ce qu’attendent vraiment les marchés, c’est que le coût de production dans les pays développés tombe en-dessous de celui de la Chine. Peu importe comment (par la robotisation ou des salaires à la vietnamienne). Le hic, c’est que pour produire des iPhone en or incrusté de diamants, il faut quand même que des gens de peu, voire de presque rien, puissent acheter le modèle de base. Si possible avant 50 ans (l’âge fatidique actuel d’achat d’une Rolex, selon Seguéla).
Après avoir dégradé les pays, les agences de notation, selon ce schéma, risquent de devoir baisser les notes de beaucoup d’entreprises ne pouvant écouler leurs produits. Peut-être conviendrait-il qu’elles y songent déjà… Cela aurait dans un premier temps l’avantage de faire plonger les plus petites agences de notation, les petites concurrentes. Mais après ?
P.-S. : bon résumé de Melenchon sur BFM TV – Merkel a apporté les idées, Sarkozy a fourni la salle et pour le reste, la BCE est venue en quelques semaines une fois et demie davantage au secours des banques qu’en des années au secours des États souverains. Tout est à peu près dit.
Quel est le réel niveau d’estime que Merkel porte à Sarkozy ?
Quel est le réel niveau d’estime que Bruxelles porte à Sarkozy ?
Quel est le réel niveau d’estime que « tel chef d’état » porte à Sarkozy ?
000, Mr Champagne !