Lors du face à face Chirac-Le Pen, je me suis prononcé solennellement, au nom du PrOuT (Parti de rien, revenu de tout), que je présidentialomaréchalise, pour l’abstention massive, devant les sympathisants (quatre-cinq piliers de comptoirs noctambules). Mais « on » ne m’a pas écouté, le peuple français a boudé mon appel. Là, je me demande – j’hésite encore – si je ne vais pas me rallier publiquement à la candidature de Marine Le Pen dès le premier tour. Après tout, Morin et Boutin on bien réussi à faire parler un peu d’eux de la sorte…

C’est un très proche. Plus proche que Zabou, ma grande copine (et haute amie), indéfectible électrice de gauche (jusqu’au centre-gauche PS), qui, à ma grande stupéfaction, m’a déclaré vouloir voter Le Pen dès le 22 avril. Je vous en avais entretenu fin janvier (« la “gôche” qui vote pour la Marine »). Là, elle s’est ravisée : « Tout ce cirque… Je serai mieux au soleil, en Espagne ou au Portugal… ». Pas tout un mois quand même et pour les législatives, elle votera sans doute, et pas forcément, « du tout, du tout », pour le FN.

Lui, la trentaine, parti lui aussi de rien mais pas encore revenu, hésite entre Mélenchon et Bayrou mais me confie : « Si c’est Sarkozy ou Le Pen, pour moi, ce sera Le Pen. Et m… ». Nan ? Si ! C’est un peu instinctivement que j’ai répliqué : « et pourquoi pas au premier ? ». Histoire de parier que Sarkozy serait éliminé du second tour et qu’au pire, on aurait une présidente potiche, se sentant obligée de faire comme le président grec qui vient de renoncer à sa paye (400 000 euros quand même, mieux qu’Obama). Tenez-vous bien, sa famille élargie penche quasi-unanimement pour un vote utile Hollande, et sa compagne, encore vaguement de culture musulmane (pas que…), ne lui en voudra absolument pas (sans éprouver la moindre sympathie personnelle pour la Marine et encore moins pour l’entourage, les représentants locaux parfaitement infréquentables pour elle).

Je sais, c’est une histoire de cornecul, au sens biffin du terme, mais peut-être aussi itou, au sens polytechnicien du même (soit strictement l’inverse). Franche couillonnade ou idée géniale, allez savoir… Même parmi ceux qui avaient voté Chirac en traînant les pieds, j’en avais entendu qui soutenaient que placer Jean-Marie à l’Élysée pour cinq ans, c’était se débarrasser du Front national pour très longtemps.

Fathi Derder cogite

J’allais garder tout cela pour moi (et le politsofa du pRoUt) quand je tombe sur une chronique du Vaudois Fathi Derder dans l’Huffington. Ex-journaliste de la très respectée Radio suisse romande, c’est un membre éminent du Parti libéral-radical helvète qui, lui, a tenté de se faire élire et y est parvenu. Libéral mais farouchement anti-conversateur, fin observateur de la vie publique française.

Il imagine que, en son for intérieur, Marine Le Pen serait ravie de ne pas recueillir ses 500 signatures. Je n’en crois rien car elle trop pris goût aux caméras et se verrait bien incarner la France pour l’étranger et peut-être récolter la Toison d’or espagnole de Sarkozy.

Mais son expérience suisse porte à la réflexion. Son FN à lui, c’est l’UDC (Union démocratique du centre, pas centriste du tout), dont est issue le plus franc Parti bourgeois démocratique, plus Schweizerische Volkspartei (appellation germaine de l’UDC), dont la führerin est la Grisonne Eveline Widmer-Schlumpf. L’UDC, pourtant premier parti suisse, brille par sa quasi-absence au gouvernement : un seul ministre, Ueli Maurer, ex-« pitbull de la scène politique ». Devenu « carpe, atone, amorphe ». Lequel s’était prononcé pour le Gripen contre le Rafale sans avoir lu le moindre rapport, comme cela, parce la Suisse produit des couteaux, et la Suède aussi (ah, l’acier suédois), et que Thiers ou Laguiole lui semblent tombés dans la coutellerie de supermarché et braderies.

Et pendant ce temps, « l’UDC commence à décevoir ses électeurs, qui s’en détournent. ».

 

Ok, Derder est pote (sur Facebook) avec Toto Morand (d’un autre P.d.R., Parti de rien, mais aucun lien organique avec le ProUT, nous n’allons pas valser ni à Vienne, ni à Berne, nous, restons français), mais quand il nous ressort la théorie du trickle down (les riches s’enrichissent, donc les pauvres un peu aussi), bonne vieille fable, nous divergeons total. Mais sur l’importance de l’innovation (qui enrichit surtout les banquiers, rarement les créateurs, généralement spoliés), effectivement, nous ne saurions nous fâcher. Le PLR est de cette droite décomplexée que dénonce (ou fait semblant de dénoncer) le FN et que soutiennent, en France, la majorité de l’UMP et le Medef.
Ce qui serait amusant, ce serait que ses conseils amicaux aux Français finissent par convaincre aussi les électeurs les plus « naturels » de Sarkozy qui ont envie de le voir rejoindre les coulisses. Soit des milieux d’affaires voulant déréguler la législation sur le travail, délocaliser, privatiser ce qui le reste, &c. Qui placeront leurs pions aux législatives sous une autre étiquette que celle de l’UMP, trop entachée de sarkozysme. Je ne fréquente pas ce genre de cercles (d’où d’ailleurs l’extrême faiblesse des finances du ProuT…) mais j’en viens à me demander si, eux aussi…

Nous verrons bien (façon de dire, car si cela peut s’avouer en privé, impossible de le proclamer) combien voteront franchement vicelard. En loucedé. Sournoisement. Farfelu ? Peut-être. Je prends simplement date. 

Je ne sais s’il y aura débâcle de Sarkozy, mais une nouvelle bérézina des sondeurs ne me surprendrait pas. Suivie d’un retour au réel lors des législatives. Ma seule perception reste : attendez-vous à ne rien savoir avant les 20 heures, le 22 avril. À moins, bien sûr, que Marine Le Pen ne veuille pas obtenir ses 500 parrainages…