Espionnage : « Opération Askari » (2003-2007)


Le brigadier-général
Ali-Reza Askari (ou Asgari – photo) se présentait comme l'un des hommes forts du pouvoir iranien. Membre des Gardes la Révolution, il avait été successivement adjoint du ministre de la Défense et un ancien membre du cabinet du président Mohammed Khatami.

Père de six enfants, Askari vivait dans le secret absolu depuis son intégration dans l'armée. Comme beaucoup de généraux arabes, son nom et prénom étaient sans doute des pseudonymes, et ses différentes cartes d'identité et certificats (naissance, études, permis de conduire) indiquaient respectivement 46, 57 ou même 63 ans ! Autant dire qu'il vivait tel un fantôme.

Le Mossad, les services secrets extérieurs israéliens, avait entré le nom d'Aaskari sur ses ordinateurs Honeywell (système de stockage informatique à grande capacité) depuis longtemps. Une source israélienne a affirmé au Sunday Times que l'homme était surveillé depuis la fin des années 1980, date à laquelle il servait comme chef des Gardes de la Révolution au Liban. Son profil et ses liens étroits avec le Hezbollah en avaient fait une cible prioritaire pour le Kidon. A terme, il devait être éliminé. Mais l'avenir, toujours aussi imprévisible, allait entraîner Askari dans une tout autre dimension. Reprenons les faits. 

2003 : Les Etats-Unis sont sur le point d'entrer en guerre contre l'Irak. Au Moyen-Orient, tous les dictateurs arabes regardent le régime de Saddam Hussein être mis en pièces en quelques semaines, et son leader disparaître dans la nature. A Damas, les Assad préparent leurs valises. A Téhéran, les mollahs ordonnent l'arrêt de leur programme nucléaire. Partout c'est la panique. Les Israéliens en profitent pour répandre la peur parmi les dirigeants arabes et recruter des informateurs. Ali-Reza Askari, en voyage d'affaires à l'étranger, est discrètement approché par un inconnu. Celui-ci se présente comme Américain, officier supérieur de la CIA. On ignore bien sûr la teneur de leur échange, mais il paraît évident que l'essentiel fut : "l'Iran est le prochain sur notre liste, préparez votre avenir si vous ne voulez pas le vivre en prison." A l'été 2003, un tel argument achève de convaincre Askari, qui propose ses services à la CIA. Il ignore que son correspondant, à l'accent américain si parfait, est en réalité un immigrant juif américain devenu Israélien. Le Mossad tient son informateur. 

2006 : Mahmoud Ahmadinejad, maire de Téhéran, remporte les élections. Son arrivée chamboule les ministères iraniens, qui connaissent une purge historique. Parmi les malheureux laissés sur la touche figure Askari. Il paie sa loyauté envers l'ancien président iranien Khatami. L'homme est plus enclin encore à vendre des informations à l'ennemi. "Une vraie mine d'or" dira un officiel du Ministère de la Défense israélien.  Il leur apporte des cartes et des documents secrets, concernant les liens entre l'Iran et le Hezbollah, le Hamas et le Jihad islamique et même des informations sur les attentats qui ont ensanglanté le Liban à l'époque où lui-même dirigeait les Gardiens de la Révolutions. Il leur explique , longuement, que les Iraniens tentent d'enrichir de l'uranium dans leur complexe de Natanz à l'aide d'une combinaison de lasers de de produits chimiques, dont il détaille le fonctionnement.

Mais la situation se détériore à l'été 2006. L'échec israélien durant la guerre du Liban renforce l'Iran et ses alliés. Le VEVAK, la police secrète iranienne, mène alors de vastes opérations de contre-espionnage, lesquelles se rapprochent chaque jour d'avantage d'Askari. En janvier 2007, l'homme part retrouver sa famille, qu'il a fait installer à Damas alors qu'il développe ses affaires de vente d'huile d'olive. Là, il appelle  un ami, le Dr. Amir Farshaad Erbrahimi, militant des droits de l'homme et dissident iranien établi en Allemagne. Les deux hommes se sont connus à Beyrouth, vingt ans plus tôt. Selon Erbrahimi lui-même, Askari lui explique qu'il a un visa expirant dans les deux jours et qu'il refuse de rentrer en Iran, car le VEVAK est sur le point de l'arrêter. Il lui demande conseil. Erbrahimi lui recommande de laisser sa famille à Damas et de rouler jusqu'en Turquie. Nul ne sait jusqu'à quel point Erbrahimi travaille pour le Mossad, ou même s'il en a connaissance (peut-être pensait-il oeuvrer pour la CIA, ou même pour une organisation des droits de l'homme ?), toujours est-il que l'enquête turque y verra l'action de l'antenne du Mossad à Istanbul. Le New York Post en a conclu, lui, que les groupes d'opposition iraniens ont aidé"le renseignement occidental" à évacuer leur si précieuse source.  

Askari accepte la proposition de son contact, et passe la frontière clandestinement après avoir corrompu un douanier avec 150 $. Il arrive en Turquie le 7 février 2007. Le 9, il disparaît de la circulation.  

Pour brouiller les pistes, le LAP (service de mystification du Mossad) multiplie les fausses pistes. Il a réservé de faux hôtels, fait payer des sièges vides dans des avions en partance pour la Turquie… Durant leur enquête, le contre-espionnage turc, fâché de n'avoir pas été informé, pense qu'Askari est venu en Turquie par avion et a réservé une chambre à à un hôtel "Ghilan", un établissement modeste. En réalité, celui-ci n'existe pas, le plus proche étant le "Dilan". De plus amples investigations montrent alors que deux inconnus ont réservé une chambre au nom d'Askari, mais dans un autre hôtel, le "Ceylan", et en utilisant de faux noms. L'enquête piétine. La couverture israélienne est si bien montée que les Turcs en concluent que la CIA est derrière ce qu'ils qualifient d'"enlèvement", et qu'Askari se trouve enfermé dans une base de l'OTAN en Europe ! 

L'homme a purement et simplement disparu. Sans doute vit-il sous une nouvelle identité quelque part aux Etats-Unis. Le Mossad aurait en effet fait passer aux Américains des documents livrés par son informateur expliquant les liens entre l'Iran et l'armée du Mehdi. Ceci aurait conduit au raid de Kerbala, en Irak, durant lequel plusieurs haut gardés des Gardiens de la Révolution furent tués et capturés par les forces américaines (20 janvier 2007).   

Parallèlement, au troisiéme étage du QG du Mossad, à Tel Aviv, les analystes ont travaillé sans relâche sur les informations d'Askari. Selon le quotidien koweitien  Al-Jareeda, la taupe iranienne aurait livré des détails concernant un réacteur nucléaire en construction au bord de l'Euphrate, en Syrie. Ces informations permettront aux Israéliens de bombarder l'édifice une année plus tard, le 6 septembre 2007, à la surprise du monde arabe et en dépit de l'acquisition par les Syriens de systèmes de défense antiaériens, vendus par les mollahs. En réalité, cette vente était supervisée par… Askari lui-même ! 

Avec l'affaire Askari, le Mossad a vraiment décroché le jackpot. Et infiltré l'ennemi de la plus belle manière qui soit. Les mollahs ont bien reçu l'avertissementet savent à quoi s'en tenir pour la décennie à venir.

Une réflexion sur « Espionnage : « Opération Askari » (2003-2007) »

  1. le Mossad parait avoir échoué dans une mission , cette fois en Turquie.
    « Ce qui rend exemplaire ce dernier exemple de l’échec du service secret d’Israël dans une de ses activités criminelles et d’Organisations criminelles encore plus dangereuses, c’est que cette fois-ci c’est la Turquie qui est visée. Cette Turquie qui, à la différence d’Israël, est une alliée de L’OTAN, des Etats-Unis, et avec laquelle les Etats-Unis sont liés suivant le traité de protection des alliés de L’OTAN contre toute agression par des états non membres, dont Israël fait partie.
    Les médias Turcs et d’autres médias du Moyen-Orient annoncent que le Mossad a été cité comme étant en rapport avec un criminel Turc de Droite et son équipe d’espions, connu comme Ergenekon ; lequel est accusé de vouloir renverser le « Justice and Development (AKP) Party », démocratiquement élu en Turquie, le parti du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et du Président Abdullah Gul. Plusieurs articles citent un rabbin Turc, Tuncay Guney, c’est-à-dire Daniel T. Guney et Daniel Levi dont le nom de code serait « Ipek » ou « Silk, » comme ayant servi d’agent double pour le « Turkish National Intelligence Organization » (MIT) infiltrés par des éléments du puissant groupe Ergenekon, un «état dans l’état ». »

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