La presse britannique et allemande nous a révélé l’ampleur de l’espionnage américain en Europe. Les gouvernements concernés (et en particulier la France) ne cessent de répéter que « c’est inadmissible ». François Hollande a été clair en déclarant : «Nous ne pouvons pas accepter ce type de comportement entre partenaires et alliés». «Nous demandons que cela cesse immédiatement». Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et au service, a lui aussi insisté sur la nécessité de confirmer « ces informations qui sont, ajoute-t-il « extrêmement graves ». Donc, au mieux, on demande « des explications aux américains », mais c’est tout, pour le moment ! Cette affaire est très importante mais ne présente pas une nouveauté en matière d’espionnage, si ce n’est par son ampleur, reste à voir ce que les européens peuvent et doivent faire maintenant par rapport à ce phénomène.
Ce qui est sûr, c’est que, même alliés militairement, les pays se sont toujours espionnés, au moins pour des raisons économiques.
Nous n’y pensions peut-être plus mais nous ne vivons pas dans un monde de « Bisounours » ! Les gens qui s’intéressent à la pratique de l’espionnage industriel ou autre et qui suivent un peu les informations sur ces sujets ne sont pas étonnés de ce qui se passe à Bruxelles, tellement il y a de cas d’espionnage individuel relevés dans les grandes entreprises, dans les salons et dans les institutions publiques ou étatiques ! Peut-être un jour, on découvrira que les Chinois et les Russes en font autant et ce ne sera pas surprenant !
L’espionnage dans les ambassades est très connu et les services spécialisés détectent régulièrement quelques micros. Les salles de Conseils européens doivent donc être régulièrement dépoussiérées » (c’est le terme employé pour détecter l’existence éventuelle de micros). Peut-être que la Commission n’y mettait pas assez de moyens jusqu’à maintenant, mais on a du mal à le croire ! La France n’est pas non plus la seule écoutée depuis longtemps par les Américains. L’Allemagne, qui héberge des bases américaines, est aussi très surveillée depuis longtemps. Comme dit le commun des mortels : « tout le monde surveille tout le monde ». On l’avait presque oublié et on faisait comme s’il ne se passait plus rien entre pays amis. Là aussi, comme entre des personnes, on se faisait (naïvement ?) confiance entre pays amis…
L’Europe ne commençait-elle pas a être trop naïve sur ses relations avec Washington ? Ces pratiques d’espionnage étaient donc courantes, mais ce qui est nouveau c’est que les Américains se sont fait prendre dans leur pratique à grande échelle. Généralement les services secrets oeuvrent évidemment dans le plus grand secret et on ignore tout de leurs activités jusqu’au jour où ils se font prendre. Il y a eu la guerre froide pendant laquelle, on savait très bien qui espionnait qui, et puis on a fait comme si c’était terminé, on faisait croire alors qu’il n’y avait pas de raisons d’espionner des amis, ou peut-être qu’on feignait de le croire, mais les services spécialisés dans le renseignement n’ont pas fermé boutique pour autant ! Il y a eu aussi l’objectif des Américains de mettre en place des moyens importants de lutte contre le terrorisme. Le drame c’est que nous étions tous écoutés et nous ne le savions pas !
Aujourd’hui, les Américains sont passés à une surveillance à grande échelle… C’est bien cela qui est nouveau… il ne s’agit plus de se contenter de la récolte d’informations auprès des opérateurs téléphoniques et des géants du Web, mais d’infiltrer internet et les systèmes informatiques ! En clair, ils espionnent massivement les pays d’Europe grâce aux énormes moyens technologiques dont ils disposent.
Le jeune Snowden (ancien agent de la NSA) a révélé le programme d’espionnage américain PRISM qui prévoit d’accéder directement aux serveurs de Facebook, Google, Microsoft et Apple ainsi qu’aux autres entreprises d’internet pour y chercher des informations concernant des citoyens « non américains ». Les e-mails, les chats vidéo, les vidéos les photos, les conversations su Skype, les transferts de fichiers et les réseaux sociaux… Rien n’échappe à la surveillance. Officiellement, c’est pour répondre à des objectifs de sécurité nationale.
Oui, l’espionnage Américain est passé à une échelle que nous n’osions pas imaginer, sauf dans quelques romans de science fiction !
La grande nouveauté par rapport à « l’espionnage de papa » c’est l’infiltration de ces réseaux informatique qui permet de lire les courriers électroniques et divers documents. Ce n’est pas tant le contenu qui les intéresse d’ailleurs, mais « qui communique avec qui et quand ? », tout est cartographié, bien que l’exploitation et le tri d’une immense récolte de données ne doivent pas être évidents. Pour cela, la NSA est développé un outil qui permet d ‘enregistrer, d’analyser et de cartographier les renseignements obtenus. Elle met aussi en place des antennes spéciales pour réceptionner les échanges. Les autres agences, FBI et CIA parviennent aussi à obtenir des informations auprès des serveurs géants du Web avec lesquels ils sont « branchés ».
On a appris aussi, que comme les Américains, les Britanniques sont branchés directement sur plus de 200 câbles de fibre optique qui servent aux liaisons transatlantiques ! Ils peuvent ainsi stocker d’énormes quantités de données pendant 30 jours. Les Français aussi, à une échelle bien plus petite, et grâce à la société Thalès, peuvent procéder à des écoutes électroniques…
On aura compris que tous les Etats, qui ont les moyens électroniques nécessaires ne se privent pas d’espionner.
Répétons-le, ce qui est vraiment nouveau, c’est la pratique d’un espionnage « massif » par les Américains, et ces derniers, défenseurs universels des libertés ont été démasqués !
Si l’espionnage entre alliés a toujours existé, avec l’affaire de Bruxelles, on change vraiment d’échelle ! L’argument de la « lutte antiterroriste » pour justifier ces pratiques n’est évidemment pas acceptable. D’autres arguments apparaissent dans les documents explicatifs américains, comme celui « d’obtenir des informations sur les désaccords politiques entre les Etats membres de l’Union européenne sur les enjeux mondiaux , afin de les exploiter dans les négociations internationales». Le sujet, en lui-même, constitue un élément nouveau dans les objectifs d’espionnage des Américains. Il y a quelques années, des micros avaient été trouvés dans les locaux de Bruxelles, mais l’affaire avait été étouffée par les autorités Belge. Cette fois, les conséquences seront tout autres ! Aujourd’hui, personne n’a pu étouffer ces écoutes entre alliés faites avec des moyens dignes du « BigBrother de George Orwell ».
Pour commencer, une crise politique sérieuse menace les relations entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Il y aura probablement des conséquences sur la négociation d’une zone de libre-échange transatlantique. En Amérique même, de nombreux citoyens demandent au Président Obama de revenir sur le « Patriot Act ».
Si on veut être réaliste, on conviendra que les Européens et surtout la France vont devoir développer des moyens importants de contre-espionnage pour se protéger des intrusions sur le net.
Le citoyen européen peut, quant’ à lui, se réjouir que le débat sur la vie privée à l’aire des nouveaux médias soit enfin lancé !
Sources :L’expansion, france Tv info
Photo : capture d’image sur le site francetvinfo.fr