La télévision ne crée pas les comportements agressifs chez les jeunes, elle les favorise, les encourage. La violence naît d’abord au sein de la famille, dans la rue, à l’école, dans le quotidien.

 

  

Mars 1998. Deux jeunes Américains de 11 et 13 ans tuent quatre de leurs camarades, une enseignante et en blessent onze autres dans une école de Jonesboro (Arkansas). Il y a eu bien d’autres cas depuis. Pour les psychologues américains, pas de doute, la télévision est responsable. Chacun de ces enfants avait vu en moyenne près de 8.000 meurtres et des dizaines de milliers d’actions violentes sur leur petit écran…

En Belgique comme en France, les chaînes donnent à voir un bon millier de morts violentes par semaine. Les enfants de 4 à 14 ans passent environ trois heures par jour devant la télévision. Au bout d’un an, ils ont absorbé entre 7 et 800 heures de programmes. Ce qui laisse imaginer l’hécatombe dont ils ont pu être les témoins. Aux États-Unis, une étude très sérieuse livrée en avril 2002 – la première du genre – et menée à la Columbia University, de 1975 à 2002, auprès de 700 familles aboutit à une conclusion affolante. Les ados qui ont regardé la télé plus d’une heure par jour dans leur enfance présentent quatre fois plus de risques de commettre une agression que ceux qui la regardent moins d’une heure.

Faut-il en déduire que les jeunes accros à la petite lucarne sont, de facto, plus violents que les autres ? Non. La télé n’est pas un facteur suffisant pour passer à l’acte. Les enfants les plus fragiles, les plus concernés, sont aussi ceux qui vivent dans un environnement déstructuré, qui sont, le plus souvent, seuls face à l’écran. Ceux-là absorbent tout : les fictions américaines (plus de dix séquences violentes de l’heure), les images insupportables des JT, la rudesse de certains programmes pour la jeunesse. La sociologue Divina Frau-Meigs a constaté («Les Écrans de la violence»),  que «La violence apparaît de plus en plus souvent dans des programmes familiaux. Or, les dessins animés où l’on tue d’une manière «déréalisée», même si le fait est accompagné d’humour, peuvent poser problème aux plus petits (3-5 et 5-7 ans), du moins si personne n’est là pour dédramatiser les images.»

Les jeunes s’inspirant de fictions violentes restent – heureusement – des exceptions. Cela dit, le spectacle permanent de la violence laisse des séquelles. Toujours selon Divina Frau-Meigs, «les jeunes risquent de devenir insensibles, d’estimer que la violence ne peut être évitée, d’avoir peur du monde qui les entoure.» La violence peut aussi devenir la manière la plus simple et la plus efficace de régler ses problèmes. Surtout pour ceux qui s’expriment difficilement avec des mots.»

En 1996 déjà, Pierre Bourdieu écrivait dans «Sur la télévision» que l’univers télévisuel est agressif. Il encourage le voyeurisme et l’exhibitionnisme.