Cardiologue de fomation, l’égyptien Bassem Youssef a dû se retrousser les manches au début de la révolution pour venir au secours des victimes de la Place Tahrir. Suite à l’engouement inattendu qu’ont pu susciter ses vidéos postées sur youtube sous sa seconde casquette d‘humoriste, il sera sollicité pour présenter à la télévision un show satirique « Al Barnameg », inspiré de l‘émission américaine, « The Daily show », de John Stewart. Le succès fulgurant ne s’est pas longtemps fait attendre : après avoir passé au peigne fin la politique, Bassem y dénonce les travers, n’y allant pas avec le dos de la cuillère, au bonheur des Egyptiens grisés par cet air frais, jusque là interdit. 

La notoriété du comique n‘est pas que locale, elle traverse les frontières pour  faire résonner ses propos renversants dans tout le monde arabe. Cerise sur le gâteau, il vient d’avoir le privilège de voir figurer son nom  parmi les cent personnalités les plus influentes au monde, liste publiée par le Time Magazine. Dans le cadre de la semaine arabe qui s’est tenue à l’ENS, à la rue d’Ulm, Bassem Youssef faisait partie des invités (vidéo ci-dessous). 

Regard bleu pétillant, il a exprimé sa volonté indéfectible de participer à sa manière à la construction de l’Egypte de demain ; la quintessence de son outil de travail est le « sarcasme », lequel agirait sur les consciences comme une sorte de détonateur ; il aurait le pouvoir d’annihiler la passivité dans laquelle les ont enfermées les politiques successives. Le comédien fort de ses connaissances théologiques, s’en prend à tout ce qui bouge de travers, comme à ces prédicateurs de fortune mis en place pour brimer le peuple, sous le fallacieux prétexte de faire respecter la religion. 

A la question de savoir si la peur des représailles ne l’inhibe pas, il répond qu’il lui appartient comme à tout un chacun, d’agir pour venir à bout de cette tyrannie, afin que ne revienne plus l’époque où le luxe du choix ne sera  même plus une option de façade. Il s’est toutefois fixé une ligne rouge infranchissable qui consiste à ne jamais  insulter, ni heurter les croyances des uns ou des autres, quand bien même on ne les partagerait pas. 

La matière à critiquer ne faisant pas défaut,  il s’en donne à cœur joie, parodiant le président et tous ces faux dévots à travers sa kyrielle de sketches : il vante l’efficacité de l‘insecticide « ikhwanosol » capable à lui seul de mettre hors d‘état de nuire tout ce qui n‘est pas ikhwan ; il y a ce prédicateur qui taxe d’aguicheuse, l’Egyptienne descendue manifester sur la Place Tahrir ;  comme celui qui  fait endosser la responsabilité à toute victime de viol, au motif qu’elle n’aurait pas usé de son système d’auto-défense qui consiste tout bêtement à actionner la force naturelle des muscles de ses cuisses, prévue à cet effet et gage de sécurité ; et de surenchérir en confirmant que ces accidents de viol ne surviennent que chez les divorcées ou chez les vieilles filles, autrement dit celles en manque, etc, j’en passe et des plus ahurissantes ! 

La popularité de l‘humoriste, son influence grandissante, ne peuvent forcément qu’inquiéter les pouvoirs en place, qui se sentent menacés. Dire tout haut, ce que nombreux pensent tout bas deviendrait une tendance qui fait tache d’huile : la preuve en est qu’il y aurait eu 4 fois plus de poursuites pour insultes au président sous Mohammad Morsi en fonction depuis quelques mois, que sous Moubarak en 30ans de règne. Liberté d’expression oblige ! 

Comme on pouvait s’y attendre, des enquêtes judiciaires ont été ouvertes à l’encontre de Bassem Youssef pour des soit disant accusations d’insultes proférées contre  l’islam, le président et pour troubles à l’ordre public. L’accusé demeure imperturbable ; il considère que toute ascension ne peut s’amorcer qu’après une descente aux enfers, que c’est le prix à payer pour sortir l’Egypte de l’abîme. Pour le moment il se contente du mieux qu’il peut, d’œuvrer à déconstruire tout ce qui doit l’être, avant toute relance d’un quelconque processus de reconstruction sur des bases plus saines. Au terme des enquêtes regroupées en une seule, il risque au mieux de s’acquitter d’une amende, au pire d‘une incarcération. Dans le second cas, le pouvoir court le risque de payer à ses risques et périls une  décision qui laisse à désirer…

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