Passe ou redouble ?

     Ce qui pouvait être un marronnier de juin vient de pousser en décembre, à la fin du premier trimestre. Perdre ou non une année mérite que l’on porte attention à cette « sanction » de l’Education Nationale.

     Lors du précédent quinquennat, la suppression du redoublement avait été évoquée pour des raisons comptables et très accessoirement pour des motifs pédagogiques.

    V. Peillon reprend le sujet pour sa consultation de janvier prochain.

     Faisons d’abord le sort au niveau primaire. Le consensus, au moins tacite, est de ne pas faire redoubler les écoliers. Cela déplaît aux parents, dérange la création ou suppression de classes. Et semble précoce à cet âge.

    Alors que, dès le CP, les enseignants sont capables de désigner ceux qui vont avoir des problèmes de lecture, d’écriture et de calcul. S’il est un niveau où le redoublement s’impose c’est bien celui-là. Il serait sans doute possible de l’éviter si l’on pouvait instituer un soutien individuel continu pour contrer la situation d’échec des élèves. Situation provenant le plus souvent de facteurs sociaux ou familiaux, et non ou plus rarement, d’un déficit intellectuel.

     Chaque enfant ressent très bien sa situation d’échec. Et il sait que la pire sanction sera de passer au niveau supérieur. Il flottait avec peine ; pour le récompenser, on lui appuie sur la tête. Tout le système concourt à cette aberration. Qui peut croire qu’au sortir d’un CM2 poussif, l’écolier est armé pour entrer en 6° ?

     La nature du problème change aux autres niveaux, collège, lycée. Entre en ligne de compte la croissance de l’enfant. Les passages délicats lors de l’adolescence donnent parfois lieu à des expressions scolaires variées. L’équipe pédagogique doit être capable de déceler les tenants et aboutissants responsables d’une année par trop insuffisante.

      Pour avoir suivi statistiquement –cad d’une manière critiquable- des cohortes de redoublants, je peux dire que le redoublement est une réussite ou un échec une fois sur deux. Ce n’est donc pas satisfaisant.

      Il faut aussi s’interroger sur le bien fondé des commissions d’appel. On y voit et entend tout et n’importe quoi pour démontrer que l’année entière a été ratée à cause d’une appendicite, d’une épidémie familiale qui a décimé la parentèle. On fait des deuils quasi éternels à ce moment-là.

     Un élève qui finit le collège sur les rotules a sans aucun doute des qualités qui pourraient être développées avec une orientation bien menée. C’est souvent sans compter avec la famille qui estime mordicus que leur enfant a un destin d’ingénieur ou de médecin.

     Il arrive qu’à l’adolescence un collégien, un lycéen choisisse l’échec scolaire comme réaction à une séparation, un divorce et d’autres péripéties extérieures alors que son parcours antérieur était lisse et de bon aloi. Hélas il est difficile de récompenser des résultats faibles qui s’alliant à une attitude douteuse imposent le redoublement. Si l’élève n’en tire pas une gloire vantarde, le bouche à oreille se charge de diffuser le laxisme de l’équipe enseignante.

       La meilleure chance de réussir un redoublement réside dans le suivi particulier de l’élève qui est parti fin juin penaud, larmoyant, rageur. Charge est à l’établissement dès septembre de lui rendre le sourire en sélectionnant professeurs, camarades qui lui conviendront au mieux. La machine administrative est parfois incapable d’exercer ces parcours de réussite.

     Il revient aux enseignants de sanctionner les accidents de parcours réparables. Il leur revient aussi de ne pas couler les élèves en perdition par une promotion indue, signe de la confirmation de l’échec.

     Faire le cycle primaire en 6 ans plutôt que cinq, avec les remèdes appropriés est la seule chance de ne pas avoir, à longueur du langage politique, les fameux 150 000 qui sortent sans… et sans…