La revue SWAPS qui traite de la santé, de la réduction des risques et des usages de drogue, a interrogé tous les candidats à l’élection présidentielle afin de recueillir leurs positions et propositions concernant les drogues.
François Bayrou, Olivier Besancenot, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, et Dominique Voynet ont répondu à la plupart des questions suivantes
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Comment envisagez vous de vous impliquer dans le débat de l’usage des drogues et d’autres substances psychoactives en France ?
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Quelles thématiques souhaiteriez vous voir aborder lors d’un éventuel débat parlementaire sur l’usage de drogues ?
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Est-il temps de réformer la loi de 1970 concernant la politique française en matière de drogues ?
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Croyez vous à une société sans drogue ?
(Question 1) François Bayrou indique que « la consommation de drogues illicites dans notre pays n’a cessé d’augmenter » avec une « consommation de cannabis chez les adolescents (…) (qui) est la plus forte d’Europe ». Selon lui, « la réponse à cette situation n’est plus adaptée » avec une prévention « pratiquement inexistante » et un « interdit (…) sans cesse transgressé ».
Se disant « opposé à la légalisation pure et simple », il souhaite « sortir de la répression systématique » car la personne qui se drogue « doit être aidée » ce qui implique « un suivi des comportements vis-à-vis des drogues illicites comme des drogues licites » et « un accompagnement durable de ces personnes ».
Il estime cependant « qu’il faut surtout relancer le débat sur la politique de soins » et que « les professionnels de santé doivent être davantage impliqués dans l’élaboration d’une politique de lutte contre la toxicomanie efficace ».
(Question 3) Il juge que la loi de 1970 « n’est plus adaptée à la situation et aux nouvelles consommations ». Selon lui, « le délit d’usage n’est plus sanctionné », l’injonction thérapeutique est « diversement prescrite », la prévention « a été négligée » et « les capacités de prise en charge des toxicomanes sont dramatiquement insuffisantes ».
Pour François Bayrou, il est donc « urgent de mettre en oeuvre une politique de prévention généralisée et de soins, adaptée aux nouvelles toxicomanies » en préférant la prévention et l’accompagnement à la sanction. Il affirme par ailleurs que la réduction des risque, dont « les résultats (…) doivent être salués », n’a pas été accompagnée « d’un véritable programme d’information et de prévention ».
(Question 1) Olivier Besancenot revendique « clairement la légalisation du cannabis » et dénonce « l’absence de moyens pour une véritable politique de prévention et de réduction des risques » qui doit englober drogues illicites alcool, tabac et surconsommation de certains médicaments.
Selon lui, ce n’est pas « la guerre à la drogue de Sarkozy » qui « a réduit la souffrance des usagers de drogue » mais les traitements de substitution et les programmes d’échange de seringues qui ont sauvé plus de 3500 vies et réintégré les usagers dans les circuits de soins.
(Question 2) Sur l’usage de drogue il dit souhaiter « un débat citoyen » plus que parlementaire. Selon lui, « la politique de guerre à la drogue (…) doit être abandonnée (…) au profit d’une politique de réduction des risques ».
(Question 3) A propos de la loi de 1970, le candidat de la LCR parle de « bel exemple d’hypocrisie » qui n’a pas empêché la consommation de cannabis de doubler en dix ans et qui a « criminalisé une partie de la jeunesse, toujours la même », celle des quartiers populaires, alors que l’usage de drogue touche autant les jeunes des « beaux quartiers » qui eux « n’ont pas droit au harcèlement policier ».
Il se dit donc « favorable à l’abrogation » de cette loi, « à la dépénalisation de la consommation des drogues et à la légalisation du cannabis ».
Estimant que la dépénalisation doit aller de pair avec la prévention et des budgets à la hauteur, il souligne aussi que l’avenir sous forme « d’un boulot, un appart, un copain ou une copine… c’est un petit coin de ciel bleu dans la tête et le produit qui s’éloigne » pour ajouter « le bonheur une idée neuve contre l’usage de drogue ».
(Question 4) Quand on lui demande s’il croit à une société sans drogue, Olivier Besancenot répond « Pas vraiment non. C’est un phantasme policier ça ».
Il juge que tous les produits ne sont pas équivalents et « que certains produits peuvent être consommés avec modération si l’on est bien dans sa tête ». Sa conclusion « une société sans drogue je n’y crois pas. Mais une société qui s’organise pour réduire les risques. J’y crois ».
(Question 1) Ségolène Royal qui souhaite « mettre en place une politique efficace de santé publique fondée sur l’information, la prévention, la réduction des risques et les soins », considère « qu’une action volontariste et une information transparente en direction des usagers et du grand public sont prioritaires ».
Rappelant que la baisse de la consommation de tabac est due à l’augmentation des prix, l’interdiction de la publicité et l’interdiction de fumer dans les lieux publics, ainsi qu’aux campagnes de prévention et que la baisse de moitié de la consommation d’alcool depuis 25 ans est liée aux campagnes de prévention, elle affirme que pour les autres substances, il faut une démarche globale qui aura pour priorités « l’information des publics sensibles, prioritairement les enfants et les adolescents » et « la prévention (…) qui en est le corollaire indispensable ».
La candidate du PS qui s’inquiète du pourcentage élevé de jeunes de 12 ayant déjà consommé de l’alcool, précise que « dans ce cadre la politique de la MIDT sera améliorée pour plus d’efficacité, avec notamment des moyens de sensibilisation aux dangers de la consommation de drogues à l’âge des premières consommations ».
Elle assure que « les acteurs associatifs de prévention (..) devront être soutenus » et qu’un « dispositif d’évaluation de cette politique, indépendant et permanent, sera créé ».
Suit un point sur la nécessité de renforcer les moyens de la médecine scolaire et du travail qui joue un rôle essentiel dans ce contexte, avec également la mise en place d’une « médecine de première ligne » autour de généralistes mieux formés et de réseaux de dispensaires.
(Question 3) Selon elle « les problèmes liés à l’usage de cannabis devront être spécifiquement traités au regard des ravages sociaux que son trafic créé ». Considérant que du fait de sanctions aléatoires en matière d’usage de cannabis, une majorité de jeunes pense à tort que cette consommation n’est pas répréhensible, elle observe que la loi n’est plus appliquée et « qu’il faut débattre des voies possibles d’évolution afin de rendre les textes efficaces en veillant bien entendu à ne pas légaliser ces produits », mais en cessant de transformer l’usager en délinquant et tout en maintenant l’interdit.
(Question 4) A la question sur sa croyance en une société sans drogue, Ségolène Royal répond « il ne s’agit pas de croyance mais d’action (…) Notre objectif doit être de permettre à chacun de construire sa vie. Les paradis artificiels sont des enfers réels ».
(Question 1) Nicolas Sarkozy dit vouloir s’impliquer « avec fermeté » dans ce débat car la drogue « met (la) vie en danger ». Reconnaissant que « la médicalisation des addictions a permis de réduire considérablement le nombre de décès par overdose », il estime « qu’il ne faut pas chercher à choisir entre la répression, la prévention, les soins et la réduction des risques mais mener de front ces quatre dimensions de l’action publique ».
(Question 2) Selon lui « nos parlementaires pourraient s’intéresser à la question du rapport entre soin et justice » car « il y a en prison des gens qui y ont été conduits par leur addiction et à qui un traitement doit être prodigué ».
(Question3) D’après le candidat UMP, « la loi de 1970 doit être régulièrement réévaluée » car « s’il y a bien un domaine qui évolue rapidement c’est celui des drogues et des toxicomanies ».
Evoquant les réformes qu’il a faites quand il était ministre, N. Sarkozy affirme « nous avons rendu de la valeur à l’interdit (..) l’usage reste un délit (..) il est puni d’une amende ce qui rend la sanction crédible » et il souligne que par ailleurs les peines de substitutions ont été élargies avec des stages de sensibilisation aux dangers des drogues. « Je suis tout à fait opposé à la suppression du régime pénal du cannabis » assure t-il car ce produit « entraîne un risque de dépendance très élevé (…) il n’y aura pas sous mon mandat de banalisation de l’usage du cannabis ».
(Question 4) « Malheureusement nous n’aurons jamais une société sans drogue » observe le candidat, car « il y aussi des addictions sans agent psychotrope » et « plus personne ne nie que l’addiction aux jeux est un fléau pour les familles qui en souffrent ».
Selon lui « l’homme est ainsi fait que la recherche des paradis artificiels ne connaîtra pas de fin » mais « la société peut et doit toutefois faire en sorte qu’il y ait moins de mal être, mois de souffrances, moins de mal vivre ».
(Question 1) Dominique Voynet indique que les axes qui lui « semblent prioritaires sont la répression du trafic, les soins aux personnes dépendantes et la prévention tout particulièrement vis-à-vis des jeunes ». Elle estime qu’il n’y a « aucune justification biologique ou médicale » à distinguer les drogues licites des drogues illicites, ce qui implique de « sérieux changements de mentalité à opérer » et elle considère que « la dépénalisation de la consommation de toutes les drogues et la légalisation contrôlée du cannabis en font partie ».
La candidate des Verts souligne « qu’il a fallu des année de discussion pour faire admettre que la MILDT devait se préoccuper d’abord des personnes souvent polytoxicomanes (…) et rompre avec une approche "produit" » distinguant entre les drogues légales et illégales.
Elle assure que si le tabac et l’alcool tuent beaucoup plus que le cannabis, « les produits mis aujourd’hui sur le marché n’ont plus grand chose à voir avec l’herbe cultivée sur le balcon par les « babas cools » des années 70 ».
Notant que tous ces produits peuvent provoquer l’addiction, D . Voynet relève que beaucoup de parents trop inquiets préfèrent ne rien savoir alors que c’est leur responsabilité d’informer leurs enfants et qu’ils doivent être aidés en cela par les pouvoirs publics.
Selon elle, il faut apporter « des éléments précis sur les risques » et ne pas dire « que le premier joint le mènera inexorablement à l’héroïne » pour être crédible auprès des adolescents, mais expliquer que « le cannabis ça n’aide pas à se concentrer ou à être plus créatif ! et rappeler fermement qu’il n’est pas plus admissible de fumer un joint entre deux cours (…) que de boire de l’alcool ».
Toutefois pour la candidate « l’information ne peut pas suffire » car « il s’agit d’un enjeu d’éducation pour la santé ».
(Question 3) Sur l’efficacité de la loi, elle dit que « la répression féroce des consommateurs (..) n’a empêché ni les profits des mafias des drogues, ni l’enrôlement des jeunes de certains quartiers dans les trafics locaux, ni la croissance régulière du nombre de consommateurs » et elle déplore « deux poids deux mesures » avec « une complaisance incompréhensible pour les boissons alcoolisées, les prémix » et « une criminalisation persistante du cannabis ».
Selon elle « la loi de 1970 doit être abrogée au profit d’une politique de réduction des risques » mais jugeant que c’est un « problème de citoyens », elle dit vouloir organiser « un bilan et une réflexion des différents corps professionnels concernés ainsi que des représentants des citoyens ou usagers » avec une « conférence de consensus » pour l’étape de réflexion.
(Question 4). Dominique Voynet qui n’est « pas sûre qu’il existe une société sans drogue » est en revanche sûre « que peu de personnes dans notre société s’en passent sous une forme ou une autre », et elle est sûre aussi que « la drogue se définit par une perte de liberté », c’est pourquoi elle considère « qu’il est majeur de repérer et d’investir dans des démarches éducatives tout particulièrement auprès des jeunes ».
Arlette Laguiller a, pour sa part, fait parvenir au journal une réponse où elle reconnaît qu’il s’agit « d’une question importante » mais où elle précise ne pas disposer « d’un secrétariat numériquement nombreux ni d’une armée d’experts (lui) permettant de répondre avec la compétence et la précision voulues à (cette) demande ».