Diamants « sales » et Al-Quaida.

L'Histoire doit encore faire un effort.

 

Plus jamais ça ! La mémoire des souffrances récentes des peuples de Sierra Leone impose à l’Histoire de faire plus de lumière sur les filières corrompues du commerce illégal de diamants. Et si, grâce à Sorious Samura ou diCaprio, un sursaut de conscience traversait le consommateur. Max Havelaar a bien réussi avec les bananes !


 

Tandis que la communauté occidentale et ses opinions publiques confondaient copieusement la guerre civile en Sierra Leone avec un bête conflit ethnique, un de plus en Afrique pensaient-elles, tandis qu’elles s’arrangeaient lâchement avec l’Hitler africain Charles Taylor, des êtres humains se faisaient amputer, violer, massacrer, tout en écoutant à la radio, ô cynisme de l’information à l’ère du village global, les misères du Kosovo. Il est utile de rappeler que la Sierra Leone s’est dépeuplée de moitié durant ses neuf années de conflit, qu’elle compte une population de quarante mille mutilés, sans parler des traumatismes irréversibles de générations victimes de viols et de massacres.

 

Diamant sale, début d’une prise de conscience.

 

Certes la guerre en Sierra Leone s’est terminée et Charles Taylor, le Président pilleur du Liberia voisin sera prochainement jugé par un Tribunal pénal international. Sans « Cry Freetown », le reportage du journaliste sierra léonais Sorious Samura, de l’agence de presse Insight News Television, plusieurs fois primé depuis, la conscience internationale se serait-elle réveillée ? Sans l’article choc du révérend Jackson, paru dans le « Time » ?

 

Il y eut aussi plusieurs actions entreprises, notamment depuis Genève, par le collectif d’information « Alive In Freetown ? » créé par deux Sierra Léonais, Boris Sakia Stevens, Kanhyamma Dixon-File et Joël Grammson, journaliste suisse, né en Côte d’Ivoire. Leurs milliers d’emails envoyés tant aux rédactions des médias internationaux qu’aux personnalités de la Genève internationale et des réseaux sympathisants au sein de la diaspora sierra-léonaise, leurs interventions sur des plateaux de téléjournal ou sur les ondes de radio participèrent, à cet élan.

 

DiCaprio, parenthèse salvatrice.

 

L’arrivée sur les grands écrans de « Blood Diamonds », un blockbuster américain inspiré de ce sinistre épisode et boosté par la star DiCaprio, ouvre une parenthèse. Celle de comprendre, à l’heure où les timides accords de Kimberlay sur la traçabilité des diamants s’inspirent de louables intentions, quels furent les enjeux de ce conflit et surtout, la souffrance de tout un peuple. D’ailleurs, le drame des environ quarante mille amputés est quelque peu éclipsé par l’écho médiatique donné aux témoignages de bourreaux convertis, réintégrés dans les rangs de la bonne conscience internationale, grâce à des ONG occupées à trouver, au travers de l’itinéraire de ces « enfants soldats » devenus adultes, de légitimes occasion d’émouvoir les esprits. Au hit parade des causes du charity business, il n’y a pas photo ! Même le slameur émérite Abd’Al Malik y contribue par son talent et ses mots profondément justes dans son œuvre « Soldat de Plomb », pièce de son dernier album.

 

Révélations ! Blanchiment de l’argent d’Al Qaida.

 

Reste une question que l’Histoire se doit un jour de trancher. L’affaire avait été révélée par la journaliste Eléonore Sulser, le 6 novembre 2001, suite à une vaste enquête lancée par le Washington Post. Bon d’accord, c’est tellement proche de la fatidique date du 11 septembre 2001, qu’il est possible, avec le recul, d’y voir une réaction supplémentaire d’un acharnement américain à faire d’Al Qaida son unique et caricatural ennemi mortel, fraîchement convaincu de résoudre ainsi l’ensemble de ses problèmes internationaux.

 

Selon les enquêteurs, Al-Qaida devrait une partie de sa fortune à ce méprisable commerce de diamants sales. Comment ? En convertissant via une valeur plus facile à manipuler, les gemmes sierra léonais, une partie de ses avoirs, parvenant ainsi à échapper au gel inéluctable de ses réseaux financiers. Ainsi, cette vaste opération de blanchiment d’argent terroriste aurait été possible grâce au Sénégalais Ibrahim Bah, artisan des contacts entre les rebelles brigands du sinistre RUF dirigé par Foday Sankoh, pantin sanguinaire d’un Charles Taylor principal commanditaire du pillage systématique des mines de Sierra Leone.

 

Ibrahim Bah les aurait donc mis en contact avec trois éminences d’Al-Qaida, Ahmed Abdullah, Ahmed Khalfan Ghailani et Fazul Abdullah Mohammed. Ensemble, ils auraient fait le voyage dans les territoires occupés par les rebelles, ouvrant la voie au transit d’un flot de diamants achetés par les intermédiaires de Ben Laden vers le Liberia et la Belgique. Des pierres certainement achetées au prix fort puisqu’un étrange phénomène de flambée du cours du diamant sierra léonais eut lieu à cette époque, laissant supposer qu’un gros acheteur, soucieux d’aller vite, en avait attiser la demande.

 

La révélation de liens entre le Sénégalais et le réseau Al-Qaida émane des services secrets américains. L’homme, d’après l’analyse de transcriptions de conversations téléphoniques détournées, aurait combattu en Casamance avant de bénéficier du soutien du colonel Kadhafi et de rejoindre les troupes du Hezbollah au Liban puis celles des soldats libériens et sierra léonais.

 

Ce qui est certain, c’est que le diamant voyage bien dans les aéroports. Il échappe aux contrôles drastiques, et peut permettre de réaliser de phénoménaux bénéfices en raison d’une demande énorme de l’industrie joaillière et horlogère. Acheté à prix producteur, même surfait, il peut générer d’énormes quantités de cash. Un rapport de l’ONU estimait à 75 millions de dollars les bénéfices découlant du commerce des diamants de la guerre en 1999. Or, après le cessez-le-feu conclu en Sierra Leone suite aux accords de Lomé du 7 juillet 1999 qui transformèrent au nom des intérêts de la paix le mouvement rebelle RUF, toujours gardien des installations minières, en interlocuteur politique, le rythme d’exploitation des mines de diamants en Sierra Leone avait fortement augmenté. Comme par hasard !

 

L’après « Blood Diamonds » ?

 

Quand l’effet hollywoodien d’une romance dont les facettes historiques sont assez conformes, se sera atténué, il faudra que l’Histoire se penche aussi sur ces pistes. Car c’est un devoir de mémoire nécessaire au regard des souffrances encore vivaces d’un peuple entier, qui pourrait prétendre, s’il bénéficiait directement des fruits du commerce de son sous-sol, à un niveau de richesses par habitant supérieur à celui du Sultanat de Brunei.

 

Comprendre pourquoi, encore aujourd’hui, deux millions et demi de Sierra Léonais ont été déplacés (la moitié de la population), des dizaines de milliers assassinés, violés, quarante mille amputés à la machette tentent de survivre dans une société où la main, plus encore qu’aux pays des actions ménagères robotisées, est le départ de toute indépendance sociale, de toute vie. Comprendre comment l’amour occidental immodéré pour ce carbone pur, devenu diamant au terme de millions d’années d’une lente transformation physique, continue de faire impunément couler le sang et d’essaimer la désolation en Afrique.

 

Récemment, le reporter Sorious Samura en remet une couche : non content d’avoir inspiré par son travail le film « Blood Diamond » et d’en avoir été le conseiller technique, il révèle au monde via CNN le 3 mars 2007, par son nouveau documentaire « Blood On A Stone », une effarante réalité : à New York, neuf négociants sur dix sont prêts à acheter des pierres précieuses illégalement importées. La filière des diamants sales a encore de beaux jours devant elle. Il faudrait que naisse chez le consommateur, un sursaut d’éthisme qui entourerait le diamant des mêmes attentions que celles d’un Max Havelaar pour la culture des bananes… On appelle ça le commerce équitable.

 

TàG Press +41

J. Grandjean

Une réflexion sur « Diamants « sales » et Al-Quaida. »

  1. Pakistan: Plus de 200 000 réfugiés ont fui les combats!

    « Plus de 200 000 personnes ont fui les combats dans le nord-ouest du Pakistan en août et ont besoin d’une assistance humanitaire d’urgence, a rapporté vendredi le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). L’agence humanitaire a dit avoir apporté une première aide à 64 000 des 200 000 personnes qui ont fui la région tribale du Bajaur, où l’armée pakistanaise a lancé des opérations contre les taliban et militants d’Al-Qaïda qui s’y réfugient.

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