Développement Durable : L’ENTREPRISE DOIT GAGNER LE DROIT D’EXERCER SON METIER.

Connaissez-vous une grande entreprise qui n'ait point sa direction du Développement Durable et/ou son site internet sur le sujet ?

Moi pas ! Quelles influences ces nouvelles directions ont dans l'organisation ? Même s’il est trop tôt pour dresser un diagnostic, le fonctionnement de certaines entreprises me laisse dubitatif quant à la prise de conscience des enjeux du Développement Durable par leur dirigeant et leur ligne managériale. A défaut d'avoir un succès manifeste à Wall Street, le Développement Durable a quand même la côte en ce moment à la "bourse des valeurs".

A croire que certaines entreprises n'en avaient point avant ! Quoi qu'il en soit, les Grands Groupes ont-ils pris la mesure du Développement Durable ? Sont-ils prêts à modifier leurs pratiques voire les effets de leur activité sur l'environnement ? Enjeux économiques et enjeux environnementaux peuvent-ils cohabiter au sein d'une même politique entrepreunariale ? Ou l'enjeu économique sera t-il trop fort pour "l'Homo Economicus"? Cette famille d'homo sapiens que l’on trouve aux quatre coins du globe et qui s’élève au grain du business.

Comme le disait fort justement Saint-Exupéry « On n’hérite pas de la terre de ses parents, on emprunte celle de ses enfants » L’adulte a effectué un emprunt à long terme, galvaudant ses intérêts et se comportant comme un locataire de plus en plus indésirable. C’est pourquoi, Dame nature le rappelle souvent à l’ordre. Faisons donc un bref état des lieux de notre location : Nos ressources naturelles s’épuisent. Le gaz, l’eau et certains métaux s’amenuisent. « Nous consommons par exemple en sept semaines, la quantité de pétrole qui se consommait en une année en 1950. Nos grandes forêts tropicales disparaissent au fil du temps. La biodiversité des plantes et des micro-organismes diminue de façon alarmante. Les grands prédateurs, indispensables à l’équilibre des écosystèmes se raréfient (à la différence de grands prédateurs économiques). Sans oublier l’effet de serre et le réchauffement climatique, résultant de nos productions et de nos consommations polluantes ». Voilà les véritables enjeux du Développement Durable.

Les défis sont-ils à la mesure de l’ambition de « l’Homo Economicus » ? Peut-être que dans quelques millions d’années, nos fossiles renseigneront la science sur cette famille d’homo sapiens ? Un scientifique découvrira un homme incrusté dans un mur de Wall Street, le téléphone portable à la main, l’attaché case dans l’autre. Le portable, symbole d’une civilisation recherchant inlassablement le contact avec son congénère. L’attaché case, celui d’amasser, récolter, bénéficier, exploiter des biens. Ces derniers, facilitant les accès à la survie, au confort, à la reconnaissance, et à la réalisation de soi .

Certains, associent la Développement Durable à un effet de mode. Il est vrai qu’il est « très tendance ». Les grandes entreprises n’hésitent pas à habiller leur projet de cette collection. Le prêt-à-porter laisse la place au « prêt à penser ! » Sincérité ? Stratégie ? Manipulation ? Le doute reste permis. Mais tout cela a un prix. Un prix que le consom’acteur est de plus en plus disposé à payer. A la condition, que son produit ait le parfum des droits de l’homme et le design d’un environnement respecté. Bref, toute la saveur d’un « made in Développement Durable » Cependant, sa survie dépendra de la capacité des entreprises à allier leur Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) avec les fortes exigences que requièrent les contextes économiques et financiers.

Une question reste essentielle : jusqu’où le Développement Durable peut-il se concilier avec de forts enjeux économiques et financiers ? L’actualité récente, selon laquelle des promoteurs envisagent l’exploitation d’une mine de charbon en France peut en laisser plus d’un perplexe. En effet, ces derniers n’hésitent pas à privilégier la sacro-sainte création d’emploi (et dans quelle condition ?) au détriment de l’environnement. L’exemple étatique du désamiantage du Porte Avion Le Clemenceau, ne rassure pas non plus. Et pourtant, le Développement durable s'invite dans toutes les assemblées, se love au cœur de la politique et lézarde sur les sites Internet des entreprises.

Les entreprises notamment les grands Groupes entretiennent un paradoxe : celui de prétendre que le Développement Durable est intégré dans leur stratégie sans pour autant se doter de ce concept dans leur processus décisionnaire. Combien de directions du Développement Durable officient en qualité de fonction stratégique dans les organisations ? Pourquoi la plupart de ces responsables d’entités ne siègent-ils pas dans les plus hautes instances décisionnaires de l’entreprise ? Au lieu d’en faire pour certains des placards dorés dépourvus d’un pouvoir institutionnel et légitime vis-à-vis des directions opérationnelles ?

Pour que l’ « Homo Economicus » puisse contribuer à un développement économiquement viable, socialement équitable et écologiquement vivable, il est impératif que l’Entreprise remette en question ses processus décisionnaires dans son organisation. Si au sommet de la pyramide les pratiques évoluent dans l’entreprise, il y a fort à parier que la notion de Responsabilité Sociale de l’Entreprise soit intégrée au cœur des systèmes de management. Sinon, cette notion continuera à s’inscrire dans des rapports et restera dans l’univers littéral où certains dirigeants continueront à l’utiliser comme levier de motivation dans leur joute oratoire devant un auditoire abusé et manipulé. Le verbe serait-il plus important aujourd’hui que les actes dans une société où le paraître gagne tous les jours du terrain ? Les mots suffiront-ils à panser les maux de notre terre ?

L’entreprise qui s’engage à développer sa RSE doit inéluctablement identifier ses contradictions, pour définir une réelle politique en lien avec sa raison d’être. C’est le prix à payer pour favoriser l’émergence d’une nouvelle ère pour entreprendre de manière responsable. Comme par exemple celle d’assumer et de rendre compte de ses actes auprès des différentes parties prenantes (actionnaires, salariés, ONG, associations de consommateur, opinion public…). Celle de développer des processus de gouvernance démocratiques ? Celle de responsabiliser tous les acteurs dans l’entreprise, à commencer par la ligne managériale ? Celle de manager autrement ses ressources et ses compétences ? Ainsi, « L’entreprise devra de plus en plus mériter le droit d’exercer son métier, gagner ce que les anglo-saxons qualifient de « licence to operate » (licence d’opérer) » Francis Mer Article rédigé par Fabrice THIEBAUD