Au-delà des divergences et différences, un constat s'impose de plus en plus: "la fiction démocratique n'est plus tenable", notre système arrive en fin de course, il est devenu nécessaire de le repenser avant que les clivages et tensions sociales ne s'en occupent pour nous, d'une manière définitive et radicale.

Nombreux sont ceux qui accusent "la démocratie" de nous avoir conduit au bord du tombeau, de nous condamner au déclin ou à la décadence, quand d'autres nous promettent le Grand Soir, la Révolution si ce n'est le Chaos…Ce type de discours devient de plus en plus fréquent, et peu à peu nous remettons en cause la Démocratie et non pas le système actuel. La démocratie serait-elle donc condamnée à l'échec parce que naturellement mauvaise ou corrompue, ou bien encore souillée par l'égalitarisme et le Peuple indiscipliné et présumé inculte ? Ou n'est-ce là qu'une façon de justifier  renonciation à un idéal d'harmonie et d'équité et notre individualisme de plus en plus égoïste et de moins en moins altruiste?

Mais plus que "la démocratie" dans son essence, dans sa nature, ne serait-ce pas plutôt la pratique de la Démocratie, sans réelle concertation ou consultation des citoyens qui n'a eu de cesse de dévoyer, de réduire la "démocratie", et d'endormir l'esprit, la culture politique des citoyens ?

N'est-ce pas le concept de démocratie représentative qu'il faut revoir, de la même manière que ce qui le fonde : le libéralisme politique et le régime parlementaire, qui entre médias sous influence et pourvoyeurs en temps de cerveaux disponibles ont limité le rôle des citoyens à celui d'électeurs, et non plus d'acteurs politiques, en les convoquant à échéance donnée afin de "choisir" entre quelques candidats-idoles formatés et interchangeables, ces élus qui décideront pour eux mais sans eux, et bien souvent contre eux. La "citoyenneté" si souvent invoquée semble bel et bien avoir disparu de cette grande farce pseudo-démocratique, le citoyen brillant de toute son absence volontaire ou imposée dans la marche de notre société. Société formée, semble-t-il de citoyens…

Et si nous nous attaquions au grand arbre totémique « Démocratie » qui plonge ses racines dans notre inconscient collectif et dont les branches semblent de plus en plus dénudées. Ne serait-il pas temps de tomber en hérésie et de s'échapper des dogmes orthodoxes de la religion démocratique ? D'en faire tomber les tabous pour les questionner, les remettre en cause, nous en délivrer ?

 

Ainsi donc, je livre au lecteur mon analyse et mon constat sur la situation actuelle et sur la manière dont nous pourrions penser l'avenir de notre démocratie et de notre société. Une analyse personnelle dont le seul but est le débat citoyen sur ce site de journalisme citoyen.        

1)      DEMOCRATIE : à jeter ou à repenser ?

Existe-t-il un tabou sur la Démocratie ? On peut se le demander à l'heure où celle-ci se voit réduite à accepter le diktat du Dieu-Marché, où les citoyens s'interrogent sur leur place sur l'échiquier politique, lorsque leurs droits d'expression, d'opinion, d'action se retrouvent face à une porte fermée, estampillée « Economie » ou « Loi du Marché ». Pourtant tabou: rien ne se dit sur la Démocratie du et au XXI ème siècle, comme si elle était éternelle; atemporelle, non soumise à l'évolution des sociétés et des individus. Pourquoi donc ce silence? 

 

N'y a-t-il rien à dire? Ne devrait-on pas repenser la Démocratie ou changer de modèle en tenant compte des nouvelles réalités sociales, économiques ou culturelles?Avec la mort des idéologies et des utopies, la Démocratie se retrouve-t-elle en situation précaire, incapable de changer ou d'évoluer? Ou n'est-ce là qu'une volonté politique de maintenir le statu quo actuel.

 

Commençons donc par une défintion…

 

Si nous nous interrogeons sur une définition « constitutionnelle » de la Démocratie, nous pouvons la définir comme un modèle d'organisation de l'Etat dans lequel le pouvoir politique est issu du peuple et lui incombe, le dit peuple délègue alors ce pouvoir de gouvernement à des représentants qu'il a élu.

 

La réalité est-elle conforme à cette définition politique ou académique ? Définir avec précision ce qu'est la Démocratie suffit-il à la rendre réelle, à la faire fonctionner tel que défini ?

 

1)      retour historique :

 

La démocratie est apparue en Grèce, à Athènes, aux alentours du Vème siècle avant J.C, tous les hommes libres de la Cité participaient au gouvernement de la Cité, une démocratie directe, où les diverses charges ou responsabilités étaient généralement attribuées par un système mixte combinant tirage au sort et élection, les hommes libres ou citoyens avaient droit de vote et aussi droit de proposition au sein d'assemblées « populaires ».

 

A la Grèce, succède Rome dans l'Histoire occidentale, Rome qui fut aussi une cité, la Démocratie a-t-elle été intégrée au monde romain, bien souvent inspiré par la Grèce, par sa pensée philosophique autant que politique ? Non, à Rome ce fut d'abord un système de type aristocratique puis un système impérial qui s'imposa. Quel fut le principal obstacle ? Il semble bel et bien que le principal obstacle vint du pouvoir démesuré des « latifundistes », soit des grands propriétaires terriens, assimilables aux propriétaires de ces haciendas géantes en Amérique Latine. Cette aristocratie considéra toujours la démocratie comme un ennemi objectif et direct, de là la Cité romaine évolua différemment des cités grecques jusqu'à donner naissance à l'Empire, si important dans notre histoire européenne et française.

 

Donc une question maintenant : sans tomber dans la spéculation ou une extrapolation douteuse, peut-on se demander si les « empires économiques » actuels, multinationales et compagnies géantes, nos "aristocrates modernes" ne sont pas potentiellement des adversaires radicaux de la démocratie quand bien même jusque maintenant l'illusion démocratique a été maintenue.

 

2)      Illusion démocratique ou jeu truqué ?

 

Le pouvoir politique et les diverses instances du Pouvoir tentent-ils, en empêchant toute remise en cause de notre système actuel, d'éviter toute réflexion, toute interrogation sur sa mécanique particulière ?

 

En effet, la mécanique électorale pourrait se traduire ainsi : le Peuple par le vote abdique. De fait, l'électeur, en déposant son bulletin dans l'urne, ne fait rien d'autre que transférer à autrui sa « parcelle de pouvoir politique », sans aucune garantie si ce n'est celle des « promesses » électorales. Mécanisme démocratique somme toute particulier puisque volontairement le citoyen renonce à son « pouvoir » pour le transmettre à un représentant sans aucune contrepartie que celle née de la confiance en la classe politique.

 

3)      l'avocat du Diable

 

C'est pourtant cette démocratie représentative, ce modèle particulier que nous tentons d'imposer ou d'exporter sur l'ensemble de notre planète, un système que nous prétendons à vocation universelle, jusqu'à en faire une obligation pour toutes les nations.

 

Ne devrions-nous pas dés lors nous interroger sur sa pertinence, son utilité réelle, ses possibilités d'évolution ?

 

Or cette démocratie « light », tant elle est de plus en plus allégée par les impératifs et paramètres économiques, est portée un peu partout dans le monde, sans aucun questionnement réel, comme une nouvelle religion : des missionnaires armés ou non tentant « d'évangéliser » les barbares au nom de cette démocratie de plus en plus réduite dans l'espace même où elle fut conçue, pensée et élaborée. Les élites économiques, nos nababs et empires financiers seraient-ils devenus à l'inverse de leurs prédécesseurs romains, des défenseurs sincères de la Démocratie…ou peut-on oser dire que ce qu'ils défendent est bien plus la démocratie en version light « marché-compatible » que la Démocratie réelle ?

 

4)      Démocratie réelle ou version allégée ?

 

La Démocratie telle qu'elle se réalise dans notre société est-elle une chimère « politique » ou répond-elle à l'idéal d'une société harmonieuse sans maîtres ni esclaves telle qu'elle fût pensée voilà bien des siècles maintenant ?

 

Certes, on répondra que nos démocraties ne connaissent ni vote censitaire, ni discrimination raciale, qu'un bulletin anonyme reste une voix que ce soit celle d'un ouvrier, d'un médecin ou d'un multimillionnaire, que la couleur de peau, la religion, l'orientation sexuelle disparaissent dans l'isoloir. Certes ainsi, notre démocratie semble parfaite, les idéaux qui l'ont portés se sont réalisés.

 

Peut-être devrions-nous regarder de plus prés, pour s'assurer que ce n'est point là une illusion mais bel et bien la Démocratie idéale, réelle, désirée.

 

Notre monde comme notre réalité diffèrent somme toute un peu de ce paysage idéal ou idyllique, la réalité est brutale, violente dans sa vérité objective, l'autoritarisme, l'élitisme ne sont jamais loin, tant ils sont constants dans l'Histoire humaine.

 

-Droit de vote : qu'en est-il vraiment ? si effectivement il exprime un choix, une opinion, une volonté politique, dans le même temps il est renoncement à cette volonté politique en la délégant à un représentant, à un élu.

Les citoyens, les électeurs renoncent bel et bien dans les faits, à toute action politique individuelle par le biais de leurs votes, ils y renoncent jusqu'aux prochaines élections où à nouveau ils seront appeler à répéter ce même rituel de choix-renoncement politique. Un cycle perpétuel où l'action citoyenne se limite au vote, et non pas à l'action politique.

 

-les élus : ces représentants auxquels les citoyens ont confié le Pouvoir, accordent-ils leurs actions politiques en fonction du choix des électeurs ou sont-ils bien souvent tentés de poursuivre des objectifs qui n'ont plus rien de démocratique ?

Le clientélisme, le  carriérisme, l'élitisme, la corruption sont-ils décelables au moment où le citoyen dépose son bulletin ? Les électeurs sont-ils suffisamment renseignés sur les liens réels entre sphère politique et sphère économique ? Peuvent-ils déceler qui sera à même d'user de ce pouvoir « transféré » pour des raisons autres que celles présentées dans tel ou tel programme ?

 

L'Expérience, que nous révèle-t-elle ?

Une démocratie politique peut-elle exister si elle n'est pas aussi une démocratie culturelle et économique ? Qu'en-est-il de la démocratie si l'Economie ou la Culture, composantes essentielles de toute société, échappent à toute mécanique démocratique ?

 

Or si nos démocraties respectent la pluralité des opinions, des convictions, des religions dans le secret de l'isoloir, en-dehors de cet isoloir, ne reste qu'une démocratie politique de plus en plus réduite : la démocratie économique n'a jamais vu le jour, aujourd'hui nous ne sommes que spectateur d'un Marché-Dieu, autant omnipotent qu'obscène, quant à la démocratie culturelle elle n'est plus qu'une industrie déshumanisée, entre culture de masse et des masses et un pseudo-multiculturalisme  revendiqué qui peine à cacher sa réalité : à savoir la prédominance d'une culture, supposément supérieure à toutes les autres.

 

5)      Progrès ou Régression ?

 

Avons-nous réellement, au cours des diverses luttes pour la Liberté, la Démocratie qui ont parcouru notre histoire, progressé ou ne faisons-nous que conforter de douces mais dangereuses illusions ?

 

Evoquer la Démocratie en invoquant partis politiques, institutions, constitutions, parlements et gouvernements, etc….est-ce pertinent, si nous ne nous interrogeons pas sur l'usage qui est fait du vote populaire et du transfert du Pouvoir aux mains d'une minorité ?

 

Ne pas critiquer notre système n'est-ce pas le condamner à stagner jusqu'à décliner ?

La question n'est pas de remettre en cause partis politiques et institutions, parlement ou gouvernement, mais de s'interroger sur notre modèle, quel mode de gouvernement, comment être gouverné et gouverner. Se demander si nous ne pouvons pas améliorer un système somme toute imparfait, incomplet et parfois incohérent.

 

Peut-être est-ce de l'idéalisme mais la Démocratie réelle ne se devrait-elle pas d'inspirer à chacun la volonté de participer à la construction, à l'évolution de la société, à s'impliquer autant dans son immeuble que pour son pays ? Une démocratie que nous serions fiers de montrer au monde, car elle ne serait plus une utopie de vieux grecs morts depuis des siècles, mais notre réalisation commune et quotidienne au-delà de toutes nos divergences et différences.

 

Qu'en est-il ? Sentez-vous chaque matin, ce « soleil démocratique » vous inonder de sa lumière ? Certes non, du moment que le Réel s'impose à tous parmi nous, donc question : qui détient le Pouvoir, comment a-t-il été obtenu, quel usage en est fait, quels moyens sont utilisés, dans quel but, quelles motivations, quelles en sont l'ambition et la finalité ?

 

6)      Si la Démocratie…

 

Si la Démocratie était bien le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, selon la formule consacrée, nulle question, nul débat…or questions il y a, et débat de plus en plus souvent.

 

Peut-on se contenter de notre démocratie « light » parce qu'elle serait le modèle le « moins pire » ou le « moins mauvais » comparativement aux autres modèles dans le monde ?

Ce système politique, envisagé uniquement sous cette perspective du « moins mauvais », n'a-t-il pas vocation à être amélioré, pour devenir meilleur si ce n'est le meilleur ? Se contenter du « moins mauvais » modèle ne limite-t-il pas nos aspirations, ou bien tel qu'on nous le répète, le Progrès maintenant n'appartient plus qu'à l'Economie et la quête de la « croissance perpétuelle », ou bien encore à la Science pour résoudre les mystères de la Vie, de l'Univers, de l'Existence, etc… ?

 

Pourtant nous devrions garder en mémoire que le modèle ou système démocratique est toujours fragile, qu'il est bien souvent provisoire ou éphémère, qu'il est soumis au flux et reflux idéologiques, aux intérêts particuliers, aux surprises électorales, etc…

Il est avant tout un baromètre politique, qui à échéance donnée, nous renseigne sur le paysage politique de nos sociétés, car il est assez rare que les changements promis se réalisent, les gouvernements se succèdent, et les politiques se perpétuent…Est-ce là la vocation de notre système : faire office de baromètre, de sondage grandeur nature à chaque élection ? Ces élections ne seraient-elles que ce qu'elles semblent  de plus en plus être, des campagnes publicitaires autour de slogans et de bonnes formules pour cacher une réalité bien loin d'être démocratique ?

 

7)      Pouvoir

 

Qu'en est-il du Pouvoir ? Entre les mains de qui se retrouve-t-il ? Au-delà du rite collectif des élections et de la passation de pouvoir via bulletin de vote, entre citoyens et élus,  qui assurent un semblant de démocratie dans nos sociétés, la réalité du pouvoir n'est plus politique mais bel et bien économique.

 

Le véritable pouvoir est depuis longtemps déjà passé du Politique à l'Economie, en-dehors de tout contrôle ou regard démocratique.

On le perçoit dés lors qu'on s'intéresse à cette question, ce pouvoir réagit, contre-attaque, échappe à toute tentative de soumission aux règles de l'intérêt collectif, et dans cette lutte le citoyen est bien faible avec son bulletin de vote, même démocratique.

 

C'est là une vérité élémentaire, les gouvernements successifs n'ont rien fait d'autre que sacrifier leurs peuples au Marché-Dieu, était-ce là la finalité de notre système démocratique même imparfait ?

 

On pourra toujours spéculer sur l'étendue du pouvoir réel de nos politiques, le fait est que la mondialisation économique, procédant de la doctrine ultra-libérale, et consacrant le Marché-Dieu a bel et bien fait du pouvoir économique et financier, le seul véritable Pouvoir aujourd'hui.

 

Un constat simple : ce système dit démocratique ressemble de plus en plus à un gouvernement des élites et de moins en moins à un gouvernement des peuples : si les « pauvres » sont la majorité des votants, ils sont presque inexistants chez les gouvernants. Sans parler de « dictature du prolétariat », un système démocratique peut-il être si déséquilibré au point que la classe politique ne ressemble plus à la société qui l'a élue ?

 

8)      Perspectives

 

Assistons-nous là à un processus de régression, rétrograde et dangereux, allant à l'inverse de la promesse démocratique ? Pouvons-nous encore inverser cette marche en arrière ? Ou est-il déjà trop tard et aboutirons-nous à un système qui sera la négation totale de celui espéré. La Démocratie se suicide-t-elle sous nos yeux ?

 

Que faire ? Réformer ? Changer ? Repenser ?

D'un, nous devons arrêter de considérer que la Démocratie est acquise, intouchable, imperfectible. Nous devons l'interroger, voir même la remettre en cause, car si nous ne sommes pas capables de la réinventer, de la repenser, de la reformuler, elle sera non seulement perdue pour nous mais pour l'ensemble de l'Humanité.

 

2)      LA HAINE DE LA DEMOCRATIE : spontanée ou provoquée ?

Notre période contemporaine semble empreinte d'un sentiment antidémocratique, diffus mais tenace, jusqu'à être relayé par certains de nos penseurs consacrés, ces producteurs de prêt-à-penser pour les masses, sectateurs de la Pensée Unique, une pensée unique qu'ils diffusent par la grâce de nos médias sous influence, pensée unique dont ils sont les relais, les inspirateurs quand bien même ils accusent ceux qui n'ont pas l'affection des médias d'en être les adeptes. Soit.

 

Qu'en est-il de cette haine de la démocratie ?

 

Le lecteur m'en excusera, mais à nouveau un retour historique s'impose car de fait, démocratie et haine de la démocratie sont nées ensemble : les Grecs, inventeurs de la Démocratie, usaient au départ du mot « démocratie » comme d'une insulte, elle était pour eux synonyme de ruine de l'ordre légitime, une légitimité disparaissant dans le monstrueux gouvernement de la multitude ; Platon quant à lui ne fut pas en reste, en la matière, dans la République, il se moque de la dite démocratie en ces termes : « les gouvernants ont l'air de gouvernés et les gouvernés ont l'air de gouvernants ; les femmes sont les égales des hommes ; le père s'accoutume à traiter  son fils en égal ; le métèque et l'étranger deviennent les égaux des citoyens »

 

Nul doute que ces mots de Platon trouvent une résonnance encore aujourd'hui, tant ils témoignent de cette constance dans la haine ou le mépris pour la Démocratie, cette éternelle déploration de l'égalitarisme démocratique : nombre de nos penseurs télévisuels produisent livre après livre, débat après débat les mêmes propos. Les mots du philosophe grec ont juste pris un habillage plus moderne, voir postmoderne selon ces mêmes penseurs lorsqu'ils dénoncent sans cesse la décadence de notre société, sa lente décrépitude, une société rongée selon eux par le féminisme, l'égalitarisme, l'immigration, etc…quel est leur discours : notre société ne serait plus qu'un vaste bordel ou bazar, un peu trop bigarré ou coloré, où le professeur est l'égal de l'élève et inversement, où la femme est à parité avec l'homme, où les minorités osent revendiquer des droits, sans oublier démission parentale et de l'autorité, ou bien encore le culte du jeunisme,etc…

 

Rien de très nouveau en fait…la même et lancinante complainte assimilant société de consommation et démocratie, comme si cette société produisait l'homme démocratique et non pas le clone-consommateur.

 

Est-ce que la Démocratie tuerait la Démocratie ? L'individualisme résulte-t-il de la démocratie, de la société démocratique ? Il est certain que la quête de la satisfaction immédiate et individuelle, les revendications constantes et particulières, entre syndicats, salariés, manifestants, religieux, communautés, modifient l'idée que l'on pourrait se faire du « peuple souverain ». Est-ce là la raison de cet antidémocratisme assumé ou revendiqué ou faut-il chercher plus profond les raisons qui le motivent ?

 

La rhétorique des antidémocrates, pourfendeurs de la démocratie et de l'égalitarisme de notre société est certes subtile mais ne cache rien de ce qui les motive : le mépris du peuple par nos élites intellectuelles.

 

Car en y pensant, la Démocratie est un « scandale », une « erreur », un « bug » politiquement parlant, elle n'a rien de naturelle ou spontanée, elle ne répond à aucune nécessité, elle ne dépend que de la volonté des peuples qui l'ont choisie ou imposée.

 

Or la voix du Peuple a toujours heurtée les délicates oreilles de l'oligarchie intellectuelle, de ces élites qui pensent pour le Peuple et lui disent quoi penser :

Ce brouhaha vulgaire et populaire, cette liberté d'expression, cette volonté d'agir est pour nos élites intellectuelles une véritable offense : comment le Peuple s'autorise-t-il à parler ? Comment ose-t-il penser par lui-même ?

 

Et c'est ainsi, que nos intellectuels autoproclamés décrètent cette voix du Peuple comme étant le terreau du populisme, de la démagogie. Ainsi ce qui n'est que  le résultat de l'expression démocratique et qui devrait être considéré par nos « experts en pensées et idées » comme un contrepoids nécessaire à l'équilibre d'une démocratie représentative, est rejeté comme symbole de notre décadence.

 

La Démocratie dés lors est envisagée comme une sorte de repoussoir de la civilisation, du moins de la bonne civilisation telle que nos experts-penseurs la conçoivent, elle serait alors symbole de décadence. Politique et Pouvoir ne sauraient être affaires du Peuple, pas plus que la Pensée ou la Culture.

 

3)      DECLIN DE LA DEMOCRATIE ?

Notre Démocratie décline-t-elle ? Quels principes devrions-nous revoir, repenser ? Après avoir en début d'article, considérez la nécessité d'un questionnement et d'une interrogation sur le système actuel, après avoir ensuite considéré la menace que représente la haine de la Démocratie sur cette dernière, il serait intéressant avant de conclure de revenir sur quelques concepts centraux de notre société dite démocratique et de les questionner aussi.

 

 

1)      le Multiculturalisme : un tabou ? un danger ?

 

Notre société se revendique multiculturelle, ce multiculturalisme est-il assumé ou non ? De la même manière, qu'en est-il de ce multiculturalisme, d'ordre idéologique ou réellement culturel ?

 

De fait, la tolérance multiculturelle prétendue au sein de nos sociétés occidentales est part intégrante de l'idéologie ultra-libérale et de la mécanique de mondialisation qui en résulte : ce multiculturalisme relève d'une forme particulière de racisme, de proclamation de la supériorité d'une culture sur toutes les autres : un racisme à distance, un racisme « civilisé ».

 

Cette tolérance affichée ne fait qu'enfermer l'Autre dans ses particularismes, authentiques ou supposés tels, dont il ne pourrait sortir : fermé sur lui-même et sa particularité, réduit à sa spécificité, l'Autre se voit affirmé sous couvert du respect et de la tolérance la supériorité de la culture occidentale.

 

Ce multiculturalisme « démocratique » supposé marque-t-il à lui seul le déclin de la Démocratie ? Pour autant que nous croyions à l'Egalité ou à l'Universalité, le multiculturalisme tel que nous le connaissons n'est-il pas un réel danger ?

 

Existeraient-ils donc des états subjectifs, spécifiques, particuliers, irréductibles ? Seul un gay serait à même de dire ce qu'est être gay ? Seule une femme voilée pourrait parler des femmes voilées ? etc….

Par ce biais, tous les problèmes sociaux de lutte économique ou sociale se voient doublés d'une logique de reconnaissance ou de revendication, de victimisation, le multiculturalisme affiché transforme les antagonismes en différences et tout ne devient plus que revendications particulières sans plus de référence à l'Universel : une réduction de l'Universel vers le Particulier : minorités, communautés, femmes, homos, cheminots, fonctionnaires, religieux, etc…

 

Chacun se voit confronté à l'injonction de tolérer ou de se tolérer, chacun doit accepter de laisser l'autre vivre selon ses convictions, selon son mode de vie, etc…il n'y plus de luttes communes, juste un état de tolérance entre particularismes.

 

L'Universel devient presque dés lors une notion oppressive, alors même que cet Universel ne peut naître au départ que d'une situation partiale et particulière : or le multiculturalisme de la tolérance compulsive et des particularismes que nous connaissons ne joue pas sur le terrain de la vérité, mais sur celui de la subjectivité : styles de vie et contingences, modes et croyances, etc…L'Universel lui échappe car il n'a toujours pour seule référence que l'Occident qui l'a pensé et produit. Et alors que les cultures devraient ensemble construire un nouvel universalisme par le dialogue et l'échange et non par le métissage imposé et la standardisation, ne résultent de ce multiculturalisme soi disant tolérant que : racisme, ressentiment, intolérance mutuelle et réciproque.

 

Le fait est que notre société a provoqué et créé le multiculturalisme, elle en a fait une de ses valeurs, résumée par le respect des différences, d'abord celles des citoyens « autochtones » puis celles des nouveaux citoyens.

 

Est venu le temps de le repenser car le fait est que ce multiculturalisme dans les faits se traduit par sa négation, produisant une forme de racisme structurel, invisible ou du moins non affirmé.

 

On respecte l'Autre que si l'Autre n'est plus vraiment autre, d'accord pour le folklore et l'exotisme mais refus de la « différence ».

 

Le problème étant que le folklore et l'exotisme ne dépendent que de l'environnement et ne suffisent pas à fonder une Culture, la différence culturelle réside dans l'évolution différente des sociétés et non pas dans leur environnement.

 

Effectivement, l'environnement a son importance mais uniquement selon la manière dont la société, la Culture se l'approprient ou le conçoivent : c'est l'évolution de la société et donc de la Culture qui fondent les différences avec l'Autre, les autres sociétés, les autres cultures…l'Environnement n'étant que le « décor » où ces sociétés évoluent, un environnement qui du moment où l'Humanité est sortie de la préhistoire et est rentrée dans la civilisation n'a plus été le facteur essentiel dans la construction ou l'invention de la Culture. Si notre société a changé, sa Culture devrait alors suivre son évolution.

 

En ne « tolérant » que le folklore ou l'exotisme, nous enlevons au multiculturalisme ou au respect des différences toute dimension réelle, sachant que ce qui fonde la différence naît de la Culture et de l'évolution. Je ne veux qu'un autre qui ne soit plus autre mais pareil à moi…et l'Autre me répond en s'enfermant encore plus dans cette identité que je lui prête ou lui suppose : de l'Universel nous passons au repli identitaire, communautaire, sectaire, etc….la Communauté nationale n'étant plus qu'un archipel de particularités et de minorités, sans autre lien qu'un semblant de cohésion démocratique, une société qui se parcellise à l'ère de la pseudo-culture globale ou mondiale, une culture qui n'a rien d'universelle, qui n'a rien d'une culture. L'Universel se réduisant alors à la standardisation des modes de vie, un modèle de vie et de confort vendu à l'ensemble de l'Humanité : sans distinction aucune, dans la seule optique du Marché-Dieu.

 

L'Universel est-il condamné à ne plus être que l'exception et le Particulier la règle ?

 

2) Communauté : repli ou réflexe ?

 

 

Devons-nous aussi repenser notre rapport à ce que nous appelons « communauté » ? le repli ou l'attachement au quartier, à la cité, à la patrie, à la terre d'origine, etc…sont-ils réactionnaires par nature ?

 

La communauté est-elle par essence une structure « proto-fasciste » qui donc tend naturellement vers le « fascisme »…un fantasme totalitaire ou intégriste en cours de réalisation ?

Ou n'est-ce là qu'un désir naturel, commun, universel ? Cet attachement ne cache-t-il pas bien souvent la douleur de l'arrachement ? Aux siens, à sa famille, à sa campagne, au pays de ses ancêtres, de ses parents ? Ces aspirations « communautaires » sont-elles idéologiques ou spontanées ? Devons-nous toutes les condamner ?

 

Car en y réfléchissant, n'est-ce pas l'instrumentalisation politique de cette question « communauté » qui la rend idéologique mais aussi menaçante ? A l'heure du communau-starisme ou des élites « minoritaires » se forment, ne peut-on pas considérer que ce qui est à condamner n'est pas l'aspiration universelle à la protection, au réconfort de la communauté mais plutôt l'usage démagogique qui en est fait par certains afin de « faire carrière », par d'autres afin de satisfaire les franges extrémistes de notre société.

 

La communauté ne  reste-t-elle pas le dernier refuge de chacun face au désordre économique mondial et à ses conséquences sociales ?

 

Peut-être que la communauté doit trouver une place au sein d'une nouvelle démocratie, repensée et digne de ce nouveau siècle que nous entamons sans perspective rassurante à court terme.

 

4)      CONCLUSION : Entre SOMNAMBULISME et PASSIVITE…

 

Somnambulisme

 

Alors même que notre société se voit confrontée à des bouleversements majeurs dans tous les domaines, il semble que la seule attitude qui soit également répartie et partagée soit celle du somnambulisme : nous suivons passifs la marche du monde, notre société ultra-informée se composant dès lors uniquement de témoins de la marche du monde : des témoins payés ou des témoins séduits : les premiers expliquant aux suivants comment penser le Monde, comment penser. Des somnambules qui suivent le premier à avoir entamé cette longue marche vers un avenir que nous refusons de penser ou d'imaginer. Notre société ne se réveille plus.

 

Pourtant comment expliquer cette dépression morale et générale ? Comment dans une société de l'abondance et de l'opulence, le Bonheur semble inatteignable ? Le luxe n'y mènerait-il donc pas ?  Ou existerait-il un lien entre l'ambiance maussade contemporaine et l'absence supposée de nécessité historique, de changement ? Dans notre marche somnambule quotidienne, le soupçon que quelque chose ne tourne pas rond n'éveillerait pas en nous quelque envie de contrôler à nouveau notre monde, notre environnement ? De reprendre la marche de l'Histoire, et cela en commençant par repenser nos valeurs et nos idéaux ? Avant que nous ne le puissions plus.

 

 

Passivité

 

De la même manière, alors que notre époque nous promet l'interactivité absolue, où les ordinateurs nous renseignent sur l'état du Monde, tout autant qu'ils nous rappellent l'anniversaire de tel ou tel ami, où nombre de « machines » nous relèvent de tâches ingrates et fastidieuses, n'est-il pas étrange que cette interactivité, toutes les possibilités de se consacrer à la culture de Soi et de l'Autre, au dialogue et à l'échange se voient de plus en plus devenir passivité, l'inter-passivité remplaçant l'interactivité. Nous nous dispersons dans une suractivité illusoire et compulsive toute consacrée à consommer, à suivre les dernières tendances et modes, et oublions de réfléchir à la société que nous voulons, délégant à d'autres cette tâche si importante et primordiale.

 

Est-ce là l'aboutissement de notre société ? Des somnambules passifs qui se détachent du Réel pour se limiter à leur Ego ? Jusqu'à ne plus s'exprimer "politiquement" que par le mécontentement routinier ou rituel, les revendications particulières et immédiates ?

 

Notre espérance de vie d'hommes et de femmes occidentales ne cesse de croître, allons-nous nous condamner à 80 ou 90 années de passivité, de somnambulisme, de mécontentement stérile, une longévité maussade et contemplative ?

 

Nous devons repenser le Monde si nous décidons que le meilleur est toujours devant nous, dans le cas contraire il est à craindre que le Réveil soit plus douloureux que nous le pensions.