Le dollar n'en finit pas de se déprécier par rapport à l'euro mais aussi par rapport à d'autres monnaies, en particulier le Yen japonais. Plusieurs causes expliquent la baisse du billet vert : d'abord la banque centrale américaine offre des taux d'intérêts très bas : 3 % contre 5,28 % en avril 2007. Ces taux d'intérêt bas font fuir les investisseurs qui délaissent les placements libellés en dollars pour des investissement offrant un meilleur rendement (par exemple dans la zone euro). On pourra expliquer pourquoi la Banque Centrale Américaine baisse ses taux d'intérêt.

De plus, le dollar est chahuté sur le marché des changes. L'exemple le plus flagrant est le rapport euro/dollar : un euro s'échange actuellement contre 1,56 ou 1,57 dollars, alors qu'à son lancement l'euro valait moins de un dollar. Là aussi, on peut s'interroger sur les causes de cette évolution. Enfin la balance courante des Etats-Unis est déficitaire à cause d'importations massives qui provoquent des sorties de devises au profit de Nations étrangères.

Pourquoi la Banque Centrale Américaine baisse-t-elle ses taux d'intérêt ?

La Banque Centrale Américaine baisse ses taux d'intérêt pour une raison majeure : elle souhaite soutenir le crédit qui est le moteur principal de l'économie. Si les citoyens et les entreprises cessent d'emprunter de l'argent, toute la machine économique est menacée. Le crédit profite à ceux qui empruntent, bien sûr, mais aussi et surtout aux banques et à toute l'économie par les dépenses qu'il permet. On sait bien qu'après la crise des Subprimes, nombre de banques américaines imprudentes sont au bord de la faillite. Dans la conjoncture actuelle, la faillite d'une banque serait catastrophique; un tel événement pourrait provoquer un effet domino et cette première faillite pourrait en entraîner bien d'autres. Le monde de la finance est aux aguets d'un incident économique qui pourrait provoquer un crack financier majeur. Le gouvernement américain souhaite éviter des faillites et ouvre donc le robinet à crédit pour soutenir les banques et l'économie.

Les conséquences des taux d'intérêt bas

Les conséquences de ces taux d'intérêt bas sont simples : les investisseurs se détournent des placement en bons du trésor américain pour des placements plus rentables, notamment en Europe. La large ouverture du crédit accélère l'inflation de la masse monétaire américaine. Par conséquent le cours des matières premières libellées en dollar s'envole au fur et à mesure que le dollar se déprécie. C'est le cas du pétrole ou de l'or mais aussi du blé qui vole de records en records. On voit que l'Amérique exporte l'inflation qu'elle créé sur toute la planète, en particulier partout où l'on échange des matières premières contre des dollars. L'Amérique dispose de ce pouvoir planétaire depuis que le dollar est considéré comme la monnaie étalon (après la deuxième guerre mondiale). Mais cette situation exaspère nombre de pays, en particulier les pays exportateurs de pétrole dont certains (l'Iran en particulier) ont pensé sortir du système dollar pour échanger leur pétrole dans d'autres devises. Résumons les choses ainsi : l'Amérique est le moteur de l'inflation mondiale.

Le marché des changes international et la confiance dans le modèle américain

Il faut dire aussi que de nombreuses Nations ont longtemps conservé des masses considérables de réserves de changes libellées en dollar. Cette époque est finie. Les Nations diversifient leurs réserves de changes car l'Amérique a perdu la confiance qu'elle inspirait partout dans le monde jusqu'aux années 90. Après le 11 septembre 2001, l'Amérique avait encore toutes les Nations civiliséés, derrière elle. Avec le déclenchement de la guerre injuste contre l'Irak, l'Amérique a perdu la confiance qui faisait d'elle la première puissance politique mondiale. La Réalpolitik conduite par Bush a détruit la confiance qu'inspirait partout l'Amérique. Les Nations n'ont plus confiance et elles sont inquiètes : elles diversifient donc leurs réserves financières statégiques pour réduite leur dépendance envers l'Amérique.
Les investisseurs privés étrangers eux aussi ont perdu confiance; il achètent des euros et le dollar baisse. Jusqu'où le dollar peut-il baisser ? Il peut tout simplement s'effonfrer en cas de faillite du système financier américain, et tout indique qu'un tel scénario n'est pas exclu.

Le système financier américain à la dérive

Le système financier américain a connu des dérives impressionnantes qui ont conduit à la crise actuelle des « subprimes » (on pourrait traduire ce mot par « sous-primes »). Ce seul mot permet de comprendre à quel degré en est arrivé le système financier américain : la sous prime était un crédit accordé sur des biens eux-mêmes achetés à crédit, les dettes finançant de nouvelles dettes. Les américains ont inventé les mots « d'ingéniérie financière » ou même de « créativité financière » pour désigner des crédits considérables accordés dans des conditions hallucinantes à des personnes dont les capacités de remboursement étaient manifestement très discutables. Tant que la quantité de crédit augmentait tout allait bien. Mais un tel système a généré une bulle financière qui a déconnecté le monde financier des réalités les plus élémentaires, et tout ceci avec l'assentiment du gouvernement américain. L'été dernier, le système a commencé à se gripper et les banques américaines se retrouvent aujourd'hui avec des monceaux de dettes contractées par des personnes incapables de les rembourser.

Un déficit commercial colossal et une économie en ruine

Parallèlement à l'expansion de ce système de crédit douteux et dangereux, les déficits commerciaux américains n'ont pas cessé de se creuser. L'Amérique a vécu à crédit, et elle a sacrifié sa propre économie au profit de pays émergeants dont la Chine, qui est devenue l'atelier du monde. Le capitalisme est fondé sur le profit, même et surtout en Amérique : les entreprises multinationales ont donc systématiquement privilégié les entreprises étrangères plus compétitives au détriment des producteurs américains, détruisant sûrement les bases du niveau de vie des classes moyennes américaines. Aujourd'hui, les fondements de la puissance américaine sont sapés. L'économie américaine est fortement déséquilibrée, elle entretient des déficits commerciaux structurels massifs; son système financier, basé sur le modèle du « toujours plus de crédit à n'importe quel prix », est à bout de soufle. L'Amérique est au bord du gouffre.

Vers une crise mondiale ?

La crise économique majeure, si elle devait éclater, ne concernerait pas seulement l'Amérique qui, grâce à son impressionnant système de crédit a joué jusque là le rôle de moteur de la croissance mondiale. Les premiers Etats concernés sont ceux qui ont fait de l'Amérique le principal débouché de leurs productions (parmi ces Etats, on peut compter la Chine, le Japon ou encore l'Allemagne). Personne n'a intérêt à un effondrement du système financier américain et mondial, malgré ses dérives. Les banques centrales conduisent des politiques concertées pour « éteindre l'incendie » et fluidifier le système monétaire. Contrairement à 1929, chacun semble conscient qu'il ne faut surtout pas couper le robinet du crédit, mais aussi que les faillites des banques américaines pourraient provoquer le crack majeur.

L'histoire ne se répète jamais et la crise finira peut-être par être surmontée autrement que par un conflit armé planétaire, comme après 1929. Pour surmonter la crise, il faudrait moraliser le système financier américain et mondial, mais aussi le capitalisme sans foi ni loi qui est prêt à s'autodétruire dans la mesure où il peut faire des profits. Seuls les Etats sont capables de cette moralisation : ils sont leurs seuls remparts contre le capitalisme en pleine dérive.

 
Retrouvez de nombreux articles d'histoire économique, politique et artistique de la monnaie sur Sacra-Moneta.com