Hold-up sur la démocratie : élus avec une minorité de voix !

Avec la forfaiture du traité de Lisbonne, le pire scandale marquant la présidence Sarkozy, pourtant peu avare en ce domaine, reste à venir : il s’agit de l’inique mode de scrutin que la minorité présidentielle s’apprête à faire voter, justement parce qu’elle est désormais minoritaire, afin de confisquer les futures élections territoriales à son profit. Les Français ne veulent plus de l’UMP ? Ils auront l’UMP quand même ! la démonstration du député socialiste Bruno Le Roux, lors de la séance de Questions au gouvernement du 23 mars, est sans appel : "Monsieur le Premier ministre, après la sévère défaite de votre majorité («  Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), et avant que Jean-Marc Ayrault, notre président de groupe, ne vous interroge dans quelques minutes sur ses conséquences, je souhaite rappeler ici que vous avez toujours le projet de mettre en place un scrutin majoritaire uninominal à un seul tour, c’est-à-dire un scrutin injuste où celui qui arrive en tête au premier tour est élu sans la majorité des voix et ne peut donc avoir cette légitimité que donne une majorité d’électeurs, légitimité acquise par les présidents de région qui s’exprimeront après moi. Depuis plusieurs mois, nous disons ici, avec d’autres, que ce mode d’élection porterait atteinte à l’égalité comme à la sincérité du suffrage des Français. Regardons concrètement ce qui se serait passé si l’on avait appliqué votre projet aux élections régionales qui viennent de se tenir dans notre pays. Dans neuf régions sur vingt-six, représentant plus de 19 millions d’électeurs inscrits, le choix majoritaire des électeurs au second tour n’aurait pas été respecté. Il s’agit d’un véritable déni de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Dans huit régions, l’UMP, largement battue au second tour, aurait pourtant gagné en obtenant moins d’un tiers des voix au premier tour. Il s’agit là d’une aberration démocratique. On voit donc bien que votre projet aurait entraîné un véritable scandale en donnant le pouvoir régional à des élus pourtant battus largement au second tour avec 20 % d’écart pour les uns ou encore plus de 400 000 voix en leur défaveur pour les autres. En dehors des conséquences sur la réforme des collectivités territoriales que vous devez nécessairement tirer, allez-vous cesser aujourd’hui ces tripatouillages démocratiques ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)"

amLa réponse est apportée par Alain Marleix, secrétaire d’État à l’Intérieur et aux Collectivités territoriales  : "Comme vous le savez, monsieur le député, l’un des axes majeurs de la réforme des collectivités territoriales vise à mettre en place un élu commun au conseil régional et au conseil général, qui siégera dans les deux assemblées, pour donner de la cohérence aux moyens affectés par l’une et l’autre. Nous avons voulu mener cette réforme des collectivités dans la transparence (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce qui nous a conduits à déposer le même jour sur le bureau du Sénat le texte institutionnel et le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux. Vous êtes donc tout à fait éclairé sur le mode de scrutin qui est proposé pour l’élection des futurs conseillers territoriaux, dont le principe a déjà été voté par le Sénat il y a quelques semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est un scrutin majoritaire à un tour, ce qui permet l’ancrage territorial du futur conseiller territorial, ancrage qui, vous en conviendrez, fait actuellement défaut aux conseillers régionaux (« Non !  » sur les bancs du groupe SRC), avec une dose de proportionnelle permettant d’assurer la représentation des minorités et la parité. Le texte relatif à l’élection des conseillers territoriaux sera examiné prochainement par le Sénat, probablement au mois de mai. Comme il l’a indiqué à plusieurs reprises, le Gouvernement, sera ouvert à toute amélioration du dispositif qu’il a proposé. C’est d’ailleurs tout le sens de la mise en place des différents groupes de travail qui, aujourd’hui, y réfléchissent."

scandaleOn le voit, Marleix ne répond absolument pas sur le fond, incapable de nier l’évidence : oui, le scrutin majoritaire à un seul tour aura pour effet de faire élire l’UMP, qui regroupe l’ensemble de la droite parlementaire, bien qu’elle soit minoritaire par rapport à la gauche, qui a en l’occurrence le tort d’être morcelée en PS, Europe écologie et Front de gauche. Un véritable scandale. Un tel mode de scrutin force au bipartisme à l’américaine, qui ne voit finalement s’opposer que le centre droit et le centre gauche. Façon de verrouiller le système. Déjà que le peuple, qui s’abstient désormais massivement, écoeuré, n’est de ce fait plus représenté par les élus, une telle réforme ne pourrait qu’ouvrir la voie à la violence venue de la rue, seul mode d’expression restant. Nous en entendons d’ici, parmi nos lecteurs les plus radicaux, qui s’en félicitent. Et l’on se demande parfois s’ils ne sont pas dans le vrai.