Cinéma: La légende de Beowulf

Prouesse technique et fresque païenne: une réussite !

Jusqu’à présent « Beowulf » ne m’évoquait qu’un énième nanar avec en vedette l’inénarrable Christophe Lambert. Maintenant, je penserai à une nouvelle réussite de Robert Zemeckis (Retour vers le futur, Forrest Gump, Seul au monde, Qui veut la peau de Roger Rabbit, excusez du peu) et à un des meilleurs films d’heroic-fantasy vu depuis longtemps.

Oubliez toutes les petites m**** opportunistes du genre « Eragon », « les Portes du Temps » qui ont l’air tellement nulles rien qu’à la bande annonce que je ne me suis même pas donné la peine de les voir avant de les critiquer  parce que « Beowulf », c’est du bon, c’est du brut, c’est du lourd, et curieusement aussi, du profond.

Oubliez d’ailleurs qu’il s’agit d’heroic fantasy car Beowulf est un bon film tout court.

« Beowulf » c’est avant tout une prouesse technique : celle de réaliser un film en images de synthèse avec des acteurs entièrement motioncapturés(néologisme qui veut dire pour faire simple que les acteurs ont des capteurs sur le corps qui enregistrent leur position dans l’espace ainsi que leurs mouvements  pour les communiquer à un ordinateur) avec pour ce film et c’est là la prouesse, en incluant  les expressions faciales.

Pour être honnête, cette technique avait déjà été inauguré dans le dernier film de Zemeckis « Le Pôle Express » mais force est de constater que la technologie a fait des progrès considérables et se trouve davantage maîtrisée. Certes il y a encore quelques imperfections : les visages des femmes font curieusement moins vrais que ceux des hommes (est ce parce qu’il y a si peu d’informaticiennes ?) et quelques effets sentent encore le numérique à plein nez mais dans l’ensemble, c’est tout simplement bluffant de réalisme. Les visages notamment parviennent à faire passer une finesse dans l’émotion et dans la suggestion dont Ben Affleck qui est lui malheureusement réel ferait bien de s’inspirer.

Le script et la mise en scène tirent d’ailleurs un parti judicieux de ses capacités expressives avec de nombreux regards et silences qui en disent plus long que bien des discours.

Un peu de finesse dans un blockbuster hollywoodien, ça ne fait pas de mal.

 

Mais bon, la performance technique, c’est bien joli mais à quoi ça sert si ce n’est qu’à gagner des prix techniques ?

Alors mon petit bonhomme, ça sert à deux choses.

D’une part à libérer la caméra des contraintes physiques car elle devient virtuelle. C'est-à-dire qu’elle peut effectuer des mouvements simplement impossibles dans la réalité et sur ce point, le film enchaîne les morceaux de bravoure. Que ce soit contre Grendel, les monstres marins ou le combat final, la caméra virevolte, nous immerge complètement au cœur de l’action et nous offre à plusieurs reprises des moments aussi intenses et barbares  que dans le jeu God of War pour ceux qui connaissent ou dignes de plus grands films du genre (Excalibur, Conan le barbare) pour les autres.

Sans compter des transitions de folie, que ce soit entre les plans ou entre les scènes (ah le coup du rat mamamia !). Pour votre plaisir des yeux, je vous invite pendant le film à repérer tous les plans qui ne seraient pas possible avec une caméra physique.

 

 

D’autre part, cela sert à débarrasser la mise en scène de certaines contraintes techniques comme la profondeur du champ, la gestion de la lumière, l’agencement du cadre etc…

Une scène qui m’a particulièrement frappé est celle où Beowulf se retrouve mis en joue par une lance, l’effet de perspective est tout bonnement incroyable et rend la menace presque palpable.

Non ne fait, je mens la scène qui m’a le plus marqué est celle où Beowulf, nu comme un verre, lutte contre un monstre et que Zemeckis s’amuse à trouver tous les moyens possibles et imaginables pour cacher son intimité.

Brillant et hilarant.

 

Mais que serait un film aussi impressionnant soit il sans un scénario qui justifie son panache ?

Réponse : une coquille creuse.

Sur ce point, Neil Gaiman (le scénariste de génie du comics Sandman et Roger Avary, vieux complice de Tarantino)  ont fait des miracles.

Non seulement ils ont insufflé dans les dialogues un souffle épique au bon moment, au bon endroit sans que cela ne sonne pompeux ou ridicule. Ne voulant pas s’arrêter en si bon chemin, ils ont rédigé un script joyeusement paillard où la sexualité est vécue sans tabou, où l’on chante des chansons grivoises et l’on se dénude sans honte et où l’on parle de verge, de gâterie et de culbuter la donzelle avec un naturel désarmant. Une atmosphère que Jean Jacques Annaud a échoué à reproduire dans « Sa Majesté Minor » et qui explose ici dans toute sa païenne splendeur.

Un film américain qui n’est pas prude. Ca fait encore plus plaisir à voir.

Une époque et des valeurs avant l’arrivée de la morale chrétienne et son cortège d’interdits.

Enfin au début du moins car dès le début du film, on nous fait comprendre que l’ère des dieux, des héros et des démons est sur le point de finir et que l’avènement du Christianisme se profile à l’horizon. Un thème traité ici avec beaucoup de finesse comme le faisait déjà le chef d’œuvre du genre  Excalibur avec une préférence très marquée pour le paganisme qui se manifeste par le traitement infligé à tous les symboles chrétien et au personnage qui les incarne.

Comme le dit le héros lui-même dans une sublime tirade : « Le seigneur Jésus a tué tous les héros, ne laissant  derrière lui que des martyrs ».

Critique gratuite ? Non,  leçon historique, le  christianisme, au départ une « simple secte romaine », comme n’importe quelle croyance ou idéologie s’est imposée en détruisant les fondements de la précédente.

Mais cet arrière plan historique ne devrait pas faire oublier le drame qui se joue sur le devant de la scène : drame familial comme tous les grands drames avec des relations amoureuses compliquées par la conquête de la gloire et des hommes qui se révèlent aussi faillibles les uns que les autres et au final soumis aux femmes qui savent manipuler leurs désirs.

L’ombre de Shakespeare plane à certains moments sur «La légende  de Beowulf »

Drame du héros également et de sa légende : quel est le prix à payer pour que notre chanson traverse les âges ?

Beowulf répond à toutes les grandes questions tragiques qui taraudent l’humanité depuis l’aube des temps et nous pousse à porter un regard critique et mélancolique sur ceux que nous refusons de voir autrement que comme des héros.

 

Une fresque épique ?

Non car par manque de moyens sans doute, le film  ne tourne au final qu’ autour de deux lieux différents exploités avec beaucoup d’intelligence certes, mais qui empêchent le film d’accéder au statut de référence du genre.

Mais ne boudons pas notre plaisir : de l’action époustouflante, une prouesse technique sans failles, une histoire captivante et profonde, Beowulf est incontestablement  une réussite.

Un film ambitieux sur le plan technique avec suffisamment de fond pour satisfaire aussi bien le spectateur exigeant que le simple curieux pour peu que celui-ci croie encore un peu à la magie et aux anciens dieux.

 

Retrouvez la légende de Stanislas sur son site

http://du-cote-de-chez-stan.com/