Artur Mas, président de la Généralité catalane encore « espagnole », a beau affirmer ce dimanche que ni la constitution, ni les tribunaux, ni rien ne pourront freiner la volonté d’indépendance, pas plus que les « attaques, provocations, insultes et menaces », la souveraineté catalane pourrait bien buter contre le mur de l’argent. Si la plupart des entrepreneurs catalans se prononcent pour une scission et un rattachement direct à l’Union européenne, l’UBS suisse, Nomura (Japon) et JP Morgan (États-Unis) leur promettent plus de dettes et de déficit. D’autant que l’Union européenne pourrait refuser de reconnaître le futur État ou de le conserver dans la zone euro.

L’autonomie, oui. L’indépendance, hum… En Écosse, Flandres belges, voire en Italie, les velléités (ou plutôt, volontés) d’indépendance ne font guère frémir encore la finance internationale. Mais pour la Catalogne espagnole, l’échéance semble se rapprocher. Et les banques internationales se rebiffent. Ce ne serait pas viable. Pour qui ? Pour les Catalans eux-mêmes, assurent-elles.

Devant son parti, la CiU, Artur Mas a évoqué des « moments exceptionnels » et une « majorité » forte en faveur de l’indépendance. « Sur le terrain de la démocratie, nous gagnons », a-t-il assuré. Mais il n’a pas réfuté qu’au besoin, son parti ferait « un pas en arrière » pour faciliter le processus d’autodétermination.

Il devrait pourtant avoir l’appui des institutions financières puisqu’il envisage de vendre des entreprises publiques pour… améliorer la santé publique et l’éducation (air connu ailleurs).

Mais ABC assure que « la finance internationale condamne la chimère d’Artur Mas ». Pour Maria Cuesta, d’ABC, les principales banques internationales d’investissement, comme UBS, Nomura ou JP Morgan auraient analysé les perspectives d’une indépendance catalane pour conclure que la rupture entraînera « davantage de dette et plus de déficit ». Certes, la Catalogne indépendante bénéficierait de meilleures recettes fiscales (plus d’un tiers de mieux). Mais ces nouvelles ressources seraient « insuffisantes pour couvrir les dépenses nouvelles ».

Le futur pays devrait prendre sa part de la dette de l’Espagne et faire face à des dépenses couvertes par l’actuel budget global. Soit les retraites, les allocations de chômage, les représentations diplomatiques à l’international, la défense… Pour Nomura, l’économie catalane dépend trop des fonds espagnols. Un vote pour l’indépendance « serait le pire scénario ». Le secteur bancaire catalan serait trop exposé à une fuite massive de capitaux. La Caixa et Sabadell, très largement implantées en Espagne, pourraient subir des mesures de rétorsion dans les autres communautés autonomes. De plus, le précédent pourrait inciter les investisseurs internationaux (et nationaux) à fuir l’ensemble de ce qui resterait de l’Espagne.

UBS émet aussi un clair avis négatif. Les perspectives économiques seraient « sombres et désastreuses ». La dette de la Catalogne envers l’Espagne fin 2012 s’élèvera à 21 % du PIB de l’entité autonome. L’un des taux les plus lourds d’Europe. Et la future Catalogne ne pourrait compter sur les fonds de l’Union européenne. Il faudrait envisager une monnaie nouvelle.

Même son de la part de JP Morgan. Ses instances dirigeantes considèrent qu’Artur Mas ne cherche pas vraiment l’indépendance mais négocie une plus grande autonomie fiscale. Mais en cas de succès d’un référendum, le reste de l’Espagne pourrait couper ses relations commerciales ou fuir les produits catalans. Si ce n’était le cas, le gain serait très faible, et le risque est trop grand, estimerait JP Morgan.

Selon El Pais, les universitaires, intellectuels, magistrats espagnols et catalans (une centaine), qui viennent de diffuser une tribune libre dénonçant la tentation indépendantiste, pourraient modifier la perception d’une sécession, y compris en Catalogne. On verra… 

Mais si la majorité des entrepreneurs catalans se ravisaient, le « pas en arrière » envisagé risque fort d’être suivi d’un second.