Cameroun : J.I.F du 08 Mars ; quand folie et réjouissances s’entendent !

 

Difficile de croire qu’il y’a de cela moins de vingt ans, la journée du 08 Mars était encore une journée tout à fait ordinaire pour la femme camerounaise. Au fil des années, la journée internationale de la femme (J.I.F) s’est imposée aux camerounaises comme le jour par excellence pour dévoiler son autre flanc ; celui n’ayant rien à voir avec les normes et valeurs prônées par la culture africaine en général et camerounaise particulièrement. Ici, cette journée est à ce jour appelée par la quasi-totalité des femmes camerounaises « journée de la fête de la femme » et se célèbre comme telle, avec tous ses corollaires

 Que fêtent exactement les femmes camerounaises ? Comment ? Avec qui ? Que devient  l’homme dans tout cela ? Voila un certain nombre d’interrogations qui nous ont poussé à aller à la rencontre des femmes camerounaises, afin d’avoir leur  regard et surtout leurs attentes vis- à – vis de cette journée qui se veut toute particulière pour elles !

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La célébration de la journée internationale de la femme a pris depuis quelques années au Cameroun une tournure à la fois populaire et inquiétante. Jadis considérée comme une célébration réservée uniquement  aux femmes intellectuelles, elle s’est totalement démocratiser ces dernières années, au point de prendre même les allures d’une véritable fête nationale. Et contrairement à ce que pensait par le passé la conscience collective, les réjouissances vont des zones les plus reculées aux plus grandes villes, sans distinction de classe sociale ou de niveau intellectuelle.

Quelques semaines avant, c’est les vendeurs de pagnes, de chaussures, de sacs et les couturiers qui se font du beurre. Comme tout « business » saisonnier, c’est tout le monde qui tient à exposer devant sa boutique quelques pagnes ou quelques « Kabba » cousues suivant plusieurs modèles en vogue ici ; ceci, en dépit de ce qu’on vend traditionnellement dans sa boutique. Dans les rues de certaines grandes métropoles du pays (notamment à la veille de la fête), des jeunes gens les vendent à la criée, à tous les prix suivant votre taille et le modèle choisi. Ce moment constitue d’ailleurs pour de nombreux commerçants, une période très juteuse ; un responsable de l’entreprise CICAM chargé de la conception et de la distribution de ce pagne a révélé l’an dernier que «  le pagne du 08 Mars représente plus de la moitié de leur chiffre d’affaire ». Cependant, chaque vendeur de pagnes devrait s’arranger à évacuer son stock avant le matin du jour de la « fête » car dès huit heures du matin, toutes les femmes sont en tenues et convergent toutes vers les lieux de défilés et de manifestations diverses. Après le défilé, les femmes se dirigent quasiment toutes vers des débits de boissons et se livrent à des séances de liesses populaires. Pour les plus consciencieuses d’entre elles, elles se contentent juste de prendre quelques bouteilles de bières avant de rentrer manger le repas qu’a préparé le pauvre époux comme l’exige si bien la règle ici un 08 Mars ; pour les autres (plus nombreuses), il n’est pas question de vite rentrer à la maison comme si on avait peur de son conjoint en ce jour spécial ! On boit suffisamment et on danse tout en soulevant son « Kabba » parfois en pleine rue, tant pis pour les âmes sensibles. Comme à chaque situation de la vie, des pêcheurs en eaux troubles s’en mêlent ; ils profitent de l’état de « folie » de certaines de ces femmes pour se servir sans trop de peine ce qu’il n’aurait jamais obtenu, si celle – ci  ne célébrait pas sa féminité ! Au fait,  plusieurs hommes apprécient déjà eux aussi très bien cette journée ici ;  notamment les célibataires qui voient en ce moment une période très  alléchante. Seuls quelques mariés crient tout le temps leur ras-le-bol en direction des autorités qui affichent de leur côté un silence complice.

Avec la dimension qu’est en train de prendre aujourd’hui la célébration de la journée internationale de la femme au Cameroun, nul doute que cette journée du 08 mars serait dans les toutes prochaines années déclarée officiellement et formellement fériée, dans la mesure où même les élèves qui logiquement ne serait pas des femmes au sens propre du terme en font déjà fait un événement à ne rater sous aucun prétexte ; plus loin, les célébrations sont depuis quelques années placées sous la présidence de Madame la première dame du pays. Et même, aucune femme ne travaille ce jour. Cependant, dans un contexte camerounais marqué  encore par de nombreuses disparités entre l’homme et la femme, on se demande bien si la folklorisation de la journée internationale de la femme ne constituerait pas au finish un véritable frein à l’émergence de la femme camerounaise ?

* source photo:http://www.afrik.com/article22250.html