Cameron à Sarkozy : prie donc, mon « frère »

Heureux comme Dieu en France… sans les Français. Les « tralala-lalère » et « c’est çui k’il dit ki est » de Baroin, Noyer et Pécresse, et même Fillon, sont bien sûr mal accueillis au Royaume-Uni (vaguement plus tolérés en Écosse, cependant). Si Cameron a juste, par la bande, fait valoir que les taux des emprunts souverains britanniques étaient plus avantageux que les français, il a aussi entonné la stance « holier than thou » (plus saint que toi) en relevant que, selon lui, la chrétienté anglicane est plus tolérante que la laïcité française. Trop spirituel ! Il avait à peine fini de parler que Fitch menaçait la France d’une AA+, ou même moindre…

 

Rigolo. David Cameron ne tend pas tout à fait l’autre joue, mais réplique à Sarkozy & Co SA, sur le plan… religieux ! Il s’adressait vendredi après-midi à la hiérarchie de l’église anglicane, la Church of England, réunie à la cathédrale Christ Church et il a donné son interprétation de la bible du roi James à l’occasion de son quatrième centenaire.

Plein d’inuendos, de mots couverts et sous-entendus, sa petite allocution. Cela commence par une réplique déguisée à Baroin (« pas de conseils à donner, mais non plus à recevoir »). « Je suis fier d’être ici (…) non pas comme un chrétien apostolique en mission pour sauver le monde… », a-t-il glissé dès la sixième ligne. Blablabla… Puis une petite allusion mercantile sur l’exportation. « Il se débite trois bibles à la seconde », a-t-il rapidement ajouté (pas une citation authentique, la vraie, c’est « il y a trois bibles qui sont vendues ou données chaque seconde »). S’ensuit un hommage appuyé à la langue anglaise, aux droits de l’homme, à la monarchie et à la constitution britannique, et un vibrant Proud to be British, proud to be a Christian.

Et clac, la bible de Fitch sur les doigts de Sarko…

 

Après un petit point d’orgue, retour à l’excellence de la persuasive langue de Shakespeare, propre à convaincre, voire enchanter, en s’appuyant sur la tradition. Cameron, c’est le sel de l’Europe dans le droit chemin (non, il ne l’a pas dit ainsi). Petite allusion à la Grèce et à la bataille de Salonique. À l’irlandaise et catholique IRA, branche armée des catholiques d’Ulster.

De là, on passe à la Chine, appelée peut-être à devenir, en 2050, la plus grande nation chrétienne et aussi le plus grand pays musulman. La modernité, c’est la diversité, notamment des croyances, pas forcément la sécularité. On s’attend à ce qu’il cite Malraux, mais, malheureusement, c’est un Français… Et hop, la petite phrase qui renforce l’identité chrétienne britannique, plus tolérante à l’égard et l’endroit des autres religions que d’autres. Ce qui n’est pas le cas de la France :

« Beaucoup de gens me disent qu’il est beaucoup plus facile, ici, en Grande-Bretagne, d’être israélite ou mahométan que dans un pays laïc comme la France… ». Bon, remplacez par juif ou musulman, dont acte. On n’avait pas dû lui citer Sarkozy qui préfère l’abbé à l’instituteur pour dispenser des leçons de morale et de civisme, sinon, c’est sûr, disant pratiquement la même chose, Cameron lui aurait rendu un hommage appuyé.

 

Enfin, non, parce que lui, au moins, reconnaît que des athées ou des agnostiques vivent en fonction d’un code moral, tandis que certains chrétiens (les financiers ? les pharisiens ? les politiciens, allez savoir…) s’en dispensent. Eh oui, les politiciens truquant leurs notes de frais et les financiers qui ne cherchent que leur intérêt personnel sont évoqués : « nous avons trop longtemps été trop réticents à distinguer le mal du bien. ». Conclusion, il faut un libéralisme musclé. Église d’Angleterre, rappelez à vos ouailles « ce qu’implique d’appartenir à ce pays. ».
Fermez le ban.

Vite, un cierge ou un mouton !

Là-dessus, la très chrétienne (?) Fitch Ratings a le bon goût d’épargner le Royaume-Uni en plaçant dix pays européens, dont la catholique Irlande, sous la sanction d’une vigilance négative : l’Irlande, donc, la Belgique, l’Espagne, la Slovénie, l’Italie… et l’orthodoxo-musulmane Chypre. Mais un avertissement a été quand même lancé à la France : elle est à fifty-fifty sur le point de descendre à AA+, voire à AA. L’accord de Bruxelles n’a pas du tout convaincu Fitch. Une solution convenable pour la zone euro est « techniquement et politiquement hors d’atteinte… ». La France est un peu moins vertement tancée que les autres neuf pays, mais c’est limite-limite.

 

La Belgique perd le plus de son AA+ (juste en-dessous du triple A), les autres rétrogradent encore, la France suivra… Question de tempo… de timing… 

Cameron a fait donner de la voix à Nick Clegg, son vice-Premier ministre, qui a sifflé un pénalty dans l’oreille de Fillon : les remarques françaises sont « tout simplement inacceptables ». Modère tes troupes UMP, François… Il paraîtrait que c’est Fillon qui, après sa remarque de la veille à Sao Paolo, aurait voulu rassurer Clegg en lui passant un coup de fil… Genre, « tu connais cette plaie de Sarkozy, il allait me passer un savon en conseil des ministres si je ne reprenais pas ses éléments de langage… Désolé ! ».

Bref, dit Cameron à Sarkozy : tu es déjà à genoux, mais cesse de faire semblant de remuer les lèvres, prie vraiment.

En général, les agences annoncent les mesures les plus sévères un samedi, histoire que les marchés pondèrent sans trop de panique. Vite, un cierge ! Et tant qu’à faire, sacrifions un mouton. Oui, mais lequel ? Un mouton grec ? Un agnus christi portugais ? Avec un sacrificateur qatari, ayant le bon tour de main (qui s’est perdu par chez nous, nation mariale : Marie, soyez Reine, qu’on prie, à genoux… guide notre main, désigne qui saigner à la gorge) ?

Bref, on aimerait en sourire… God with Cameron. Gott lâche Merkozy. Sarko, arrête ton gode, il ronronne de traviole, agite un autre moulin à prières.

Oui, mais là, on s’adresse à quel saint ? Saint Christophe, pour retrouver le troisième A ? Qui file à l’anglaise… A-t-on encore les sous pour payer le « suisse » du FMI, le bedeau de la Banque centrale européenne ?

 

Lauda Gaulois, salvatorem. Lauda ton duce et pastor. In hymnis et cánticis… Ou peut-être la sainte trinité, Moody’s, Standard & Poors, Fitch… Là, franchement, après le discours de Cameron, on ne sait plus à quel saint se vouer. Hérétique, va !

 

 

 

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

5 réflexions sur « Cameron à Sarkozy : prie donc, mon « frère » »

  1. Le [i]Lauda Sion[/i] a beau condamner l’adoration du veau d’or…
    [i] On this table of the King,
    Our new Paschal offering
    Brings to end the olden rite[/i].
    (« [i]À cette table du nouveau Roi, la nouvelle Pâque de la nouvelle Loi met un terme à la phase ancienne[/i]. » : c’est très mal poétiquement traduit par Wikipedia, dont la trad’ est beaucoup plus littérale que la version, hum…, anglicane ancienne, et là, j’avoue, je préfère la langue de William ou de King James).
    En tout cas, le chœur européen produit quelques couacs.

  2. Tout ce « joli » monde a oublié :
    « Mon royaume n’est pas de monde »
    qu’il se rassure… il va bien voir…
    quand ce royaume va arriver !
    Ca va être une saisie-arret.

  3. Ah ben, Veritas, on ne sait plus trop ce qu’il y a à saisir sur l’État français.
    Qui n’a aucune provision pour régler les retraites de tous les fonctionnaires et anciens ouvriers d’État et autres.

    Outre les querelles de cour de récréation entre Sarkozy et le reste de l’Europe (car Merkel s’en méfie aussi), il y a les réalités « palpables ».

    La note de la France est aussi dégradée par ce que les banques, notamment les Britanniques, retirent leurs billes.
    C’est 18,8 milliards de livres sterling (20 milliards d’euros), soit 10 % de leurs dépôts ou crédits en France que les financiers de la City ont retiré entre juillet et septembre et cela continue (il restait £ 177 milliards).
    Comparativement, les banques britanniques n’ont retiré que 13 milliards de livres d’Italie et d’Espagne réunies. Il faudrait que je me rapporte au graphique des dettes croisées qu’avait publié la BBC pour tenter de voir le pourcentage que cela représente.
    Ce ne sont pas les coups de talonnettes de Sarko qui ont fait réagir les banquiers britanniques : ils se moquent bien de Cameron, Sarko et autres.
    Sauf que… Si Cameron leur disait, soit vous punissez les Frogs, et je reste ferme, soit pas et je pourrais lâcher du lest…
    D’autant que le gouvernement britannique est, par exemple, décisionnaire dans la Royal Bank of Scotland (et NatWest, National Westminster).
    De plus, même si la BCE n’intervient pas pour sauver les États, elle l’a fait pour soulager les plus mal en point : mais pas assez, puisqu’elle n’a racheté que 5 % de l’ensemble de la dette des pays de l’Eurozone.
    Tandis que la Bank of England a racheté le cinquième (20 %, soit quatre fois plus) de la dette du Royaume-Uni…
    France et R.-U. sont à peu près dans le même marasme économique, mais, pour l’immédiat, la dette britannique semble plus assainie que la française et bien évidemment, la BCE n’est intervenue, très peu, que sur d’autres dettes, pas sur la française.
    Mais on ne sait à quelle échéance l’aggravation de la dégradation dans l’Eurozone affectera durement le Royaume-Uni. C’est vraiment tout l’ensemble qui est fragile alors que l’accord de Bruxelles n’a vraiment convaincu personne.

  4. Ah, un petit truc qui ne va pas vraiment aider : les banques libyennes vont pouvoir rapatrier les dépôts du temps de Kadhafi de par le monde.
    Mais aussi peut-être pouvoir vendre des actions, des participations.
    Les Kadhafi (pour résumer, car c’est beaucoup plus complexe) avaient certainement placé davantage de billes en France qu’au Royaume-Uni (même si Tony Blair avait roulé autant de « pelles » à Kadhafi que Sarkozy).
    Il y a la France, mais aussi, bien sûr, l’Italie.
    Berlu bisoutait carrément la bague du « Guide » comme s’il s’était agi d’un évêque.
    Certes, le CNT va être fortement incité à ne pas retirer tout d’un coup de partout.
    Mais il a d’énormes, vraiment énormes besoins financiers.
    Et puis, admettons qu’il craigne le pire : l’effondrement de l’euro.
    Du coup, comme c’est tellement fragile, s’il sauve ses meubles en Europe, le CNT peut faire l’effet, non pas de l’aile du papillon, mais carrément de l’aile d’un petit faucon (plus forte turbulence qui se propage).

  5. EH BIEN QU’ILS PUNISSENT DONC ZORROZY … LE FROG INCARNE !!!!!
    Moi (comme beaucoup d’autres), je n’ai rien à perdre !

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