Selon le quotidien suisse Le Temps, « les liens entre Hervé Dreyfus – homme de réseaux, proche de Nicolas Sarkozy et de son ex-épouse Cécilia – et Dominique Reyl [ndlr. Dg de Reyl & Cie] sont bien plus serrés que ne l’écrit Mediapart : ils sont demi-frères ». Serait-ce la raison pour laquelle Jérôme Cahuzac, dans sa très courte déclarations d’intérêts à l’Assemblée nationale, indique avoir préféré confier ses actions et obligations à la Financière de l’Échiquier ? Cet « à côté » n’éclaire pas fortement le fond de l’affaire Cahuzac (un présumé compte en Suisse dont le montant aurait été transféré à Singapour). Edwy Plenel, de Mediapart, se dit prêt à verser tout le dossier de l’enquête à la justice. Ne manque que le numéro du compte incriminé.  

Sans trop s’étendre, quatre journalistes de Mediapart avaient cosigné, le 11 décembre, un article intitulé « Affaire Cahuzac : le gestionnaire de fortune qui sait tout ».
Ou savait tout puisque Hervé Dreyfus ne serait plus l’homme d’affaires chargé de faire fructifier les placements personnels du ministre qui a déclaré que La Financière de l’Échiquier gérait à présent sa fortune personnelle.

Or donc, ce serait à cet Hervé Dreyfus que Jérôme Cahuzac croyait parler alors qu’il s’adressait par téléphone au répondeur d’une « personnalité honorable » de Villeneuve-sur-Lot.

Au capital des sociétés d’Hervé Dreyfus, « un influent financier suisse, Dominique Reyl, fondateur à Genève de la Compagnie financière d’études et de gestion, devenue Reyl & Cie en 1988, qui compte aujourd’hui des filiales à Hong Kong, Singapour et au Luxembourg. ».

Un peu comme GPA SA, l’ex-société des frères El Maleh qui, via leur honorable correspondant parisien, fournissait du numéraire à Florence Lamblin et consorts (voir infra).

Donc, s’il faut en croire Mediapart, J. Cahuzac aurait non seulement détenu un compte en Suisse, mais la personnalité de son gestionnaire de fortune, un peu trop lié à la finance internationale, aurait fini par lui poser aussi problème puisqu’il a choisi de changer d’interlocuteur par la suite.

Le Temps n’apporte pas de précision sur la motivation du déplacement de Jérôme Cahuzac à Genève (dans un premier temps, il démentait ce voyage, dans un second, il l’expliquait par un nécessaire contact avec des informateurs ne souhaitant pas se déplacer en France mais susceptibles d’indiquer l’identité de détenteurs français de comptes en Suisse ou dans d’autres pays).

Michel Dérobert, secrétaire général de l’Association des banquiers privés suisses, n’a pas davantage de lumières. Toujours est-il qu’il estime : « je pars de l’idée qu’il n’était pas en service commandé. Si c’était le cas, il aurait dû le dire. ». Histoire de se faire filocher et que l’identité de ses interlocuteurs soit déterminée ? Cela ne semble guère si déterminant.

En revanche, Hervé Dreyfus, qui aurait pu connaître Antoine Cahuzac au CCF, aurait été vraiment, selon Mediapart, un proche de la famille Cahuzac : « Jérôme Cahuzac [était] hanté par la révélation de leurs liens. ». Les deux hommes sont désormais presque voisins avenue Pierre-de-Serbie, à Paris.

Dominique Reyl, qui conserve sa nationalité française, et son fils François (neveu, donc, d’Hervé Dreyfus), avaient ouvert, en 2004, une filiale parisienne qui gère aujourd’hui 200 millions d’euros « et compte déjà une dizaine de professionnels au service d’une clientèle offshore », rapporte Banque-Finance (.ch). La société compte s’implanter en Belgique, après avoir ouvert des filiales luxembourgeoises et irlandaises. La société a obtenu un statut de banque (licence bancaire suisse) en novembre 2010. Reyl Singapore avait été ouverte en 2009.

Pas d’élément probant

L’article du Temps, intitulé « les liaisons genevoises de Jérôme Cahuzac », n’apporte rien de véritablement déterminant. Il établit simplement que Hervé Dreyfus était sans doute expert en mécanismes financiers internationaux ou pouvait trouver rapidement des conseils pour faire circuler des sommes importantes entre l’Europe, l’Asie, des paradis fiscaux. C’est loin d’être le seul, sur la place financière française, à connaître tous les rouages de divers systèmes.

En attendant, on ne parle plus des frères El Maleh, de Florence Lamblin, Robert Sellam, André Abergel, Thierry Schimmel-Bauer, Nicolas Judelewicz, Anthony Pacini, Maurice Botton, Thierry Librati ou Albert Hanouna (sans compter de possibles autres, l’enquête restant ouverte).

Mais l’affaire occupe beaucoup les rédacteurs de Wikipedia qui avaient créé une rubrique « train de vie », depuis supprimée. De même qu’a été supprimée la mention d’une liaison avec Stéfanie Jarre.

Affaire Mediapart

Il y aurait donc les pro ou anti-Cahuzac et les anti ou pro Mediapart. Ainsi de Jacques Séguéla qui se dit « scandalisé » par ce « tonnerre (sic) de boue ».

Pour Kernews, il estime que ce genre d’affaires va se multiplier et donne un mode d’emploi : contrattaquer le jour même « avec la même violence », agir avec célérité et « dire en boucle puisqu’on a été soi-même victime de la boucle », renforcer sa crédibilité « en mettant son âme à nu. ». Pour lui, « l’ensemble des Français pense qu’il a été attaqué injustement et que l’horrible feu va plutôt commencer à s’éteindre. ». Séguéla en appelle à « une peine exemplaire » contre Mediapart qui pourrait aller jusqu’à de l’emprisonnement. Tout en concédant que « si les choses sont prouvées, il faut aussi que la peine soit exemplaire pour celui qui a commis une faute. ». Pour le publicitaire, Mediapart aurait lancé un ballon d’essai, en espérant que des adversaires de J. Cahuzac ou des personnes au fait d’un dossier finissent par abonder avec des éléments plus probants.

De son côté, Robert Ménard, sur Boulevard Voltaire, en profite pour s’en prendre à Cécile Duflot. «  Il serait utile de lui rappeler que le droit à la diffamation n’existe pas, et que la liberté de la presse n’a rien à voir avec des accusations sans preuve, des propos infamants, des ragots transformés en pseudo-informations. Bref, que ses amis de Mediapart ne bénéficient pas d’un régime hors du droit. Qu’on ne peut salir quelqu’un et s’en excuser s’il s’avère qu’on s’est trompé, » s’emporte Robert Ménard.

Jérôme Cahuzac a aussi reçu le soutien de Benoît Apparu (UMP) dans Paris-Match : « c’est un ministre légitime dans ses fonctions et sa probité. ». Jean-Michel Aphatie estime désormais que l’affaire est à présent lancée sur une pente savonneuse « nauséabonde ». Aphatie voudrait que Mediapart produise le listing de la banque UBS (quitte à ce que le signataire se retrouve emprisonné en Espagne, comme un précédent l’établit ?).

À couteaux tirés

Cette affaire, ou plutôt ces affaires, va finir par m’évoquer celle du petit Grégory. La presse s’était plus ou moins divisée en deux « pools », l’un regroupé autour de Jean-Michel Bezzina (de RTL), l’autre autour de, principalement, Laurence Lacour (auteure du Bûcher des innocents depuis), passée de Radio Belfort à Europe 1. Les deux stations se « tapaient la bourre » pour l’audience. Pour les uns, « c’était la mère » (Christine Villemin), pour les autres, c’était moins simple, mais ce ne pouvait être la mère. Je ne sais plus comment j’ai réussi à ne me fâcher ni avec l’une, ni avec l’autre (Michel est décédé depuis, conservant, crois-je savoir, sa conviction intime). 

On en est presque là. Michel Deléan (Mediapart) revient sur l’entretien de Séguéla avec Yannick Urien (Kernews) et se gausse : « Indispensable au débat démocratique, Jacques Séguéla est un peu notre Silvio Berlusconi. ». Il en rajoute : « Oser remettre en question des réputations immaculées, c’est saboter le travail des agences de com’ ». Comme le disait Desproges de Séguéla (mais on pourrait le dire de Cahuzac ou de Mediapart), « seule l’autopsie pourra le révéler » (si Séguéla est ou non un crétin). Havas, de J. Séguéla, est chargé de l’image de Jérôme Cahuzac.
Qui se chargera de l’image de Mediapart ? Des bénévoles ?

Tiens, au fait, dans l’affaire Grégory, on attend toujours « la comparaison des voix du corbeau avec celles des protagonistes de l’affaire ». Encore fallait-il qu’elles soient ordonnées. C’est fait, depuis septembre dernier. Mais on attend toujours. Près de 29 ans après.

Eh bien, attendons !