Pour François Hollande, c’était son premier sommet de l’ UE, mais le ton n’a pas varié : il demande que les Euro obligations soient évoquées.
Ce qui a le don de mettre en colère Angela Merkel, et accessoirement de diviser la communauté européenne.
Il est peu probable que le président socialiste puisse obtenir gain de cause sans rien concéder d’important.
L’air est étouffant, la salle de presse du Conseil de l’UE est bondée de journalistes. Tout le monde veut voir le nouveau président français lors de sa première conférence de presse après le sommet de l’UE. Il est tard dans la nuit, et François Hollande, détaille sa "vision pour la croissance" pendant près d’une heure.
Dans la pièce d’à côté il y a Angela Merkel, mais la salle est à moitié vide. Elle a renoncé, cette nuit à une conférence de presse complète. Elle fait seulement une brève déclaration, répond à deux questions, cinq minutes après, elle est déjà partie. Elle sait qu’elle n’a aucune chance de voler la vedette à son nouveau collègue européen qui a décidé de faire de son déplacement à Bruxelles un vrai combat d’idées.
C’est une véritable performance symbolique qui a été accomplie lors de la nuit du mercredi au jeudi 24 mai : c’est le premier sommet de l’UE de ces dernières années qui n’est pas dominé par Angela Merkel.
Au lieu de cela, lors du dîner des 27 dirigeants de l’UE, Hollande a donné le ton.
Mais son plaidoyer insistant pour les Euro-obligations, est le principal sujet de conversation autour de la table. Il s’agit de contester le role dominant de la chancelière allemande. Son message implicite lors de ce sommet est le suivant : Merkozy, symbiose quasi parfaite entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, l’ex-président français, c’est du passé !
Désormais la France entends bien jouer sa propre partition.
François Hollande est loin d’ètre rassuré sur le plan électoral : Le 17 Juin, les français éliront un nouveau parlement. Jusqu’à cette date, il ne peut pas se permettre d’être vu comme une marionnette des chrétiens-démocrates allemands (la CDU).
Hollande affirme toutefois qu’il n’est pas question de décider quoi que ce soit sans l’Allemagne. Mais le changement est frappant : pour la première fois au cours de ces dernières années, allemands et français n’ont pas de position commune avant un sommet important de l’ Union Européenne.
Au lieu de cela, ils se trouvent dans des camps rigoureusement opposés.
Hollande a fait valoir, qu’il ne voulait pas exclure les Euro-obligations du débat sur la croissance. Des pays tels que l’Espagne ou le Portugal, pourraient ainsi économiser des fonds sur leurs intérêts et investir cet argent ailleurs. Merkel a répliqué que mettre en commun les dettes publiques des états membres est contraire au droit européen et que cela ne favoriserait pas la croissance en Euro zone.
Le dîner du désaccord
Lors du dîner fût servi des asperges en entrée, et une mousse au chocolat au dessert.
Mais, très vite, la situation devint confuse. Les uns après les autres, tous les premiers ministres prirent la parole en faveur ou contre les euro-obligations.
Le ton des différents intervenants resta poli et fort correct, mais les positions contradictoires menèrent assez vite à une impasse.
Du côté de François Hollande, il y a l’Italie, l’Autriche et l’Irlande.
Merkel a rallié à sa cause les Finlandais, les Suédois et les Hollandais (sic !).
«Nous ne pourrons pas longtemps résister à la pression de la France," déclara le Premier ministre hollandais Mark Rutte d’un ton résigné.
Mais "la chancelière de fer" dans sa lutte contre la vision de François Hollande n’entends pas abdiquer sans résistance.
Certains pays accepteraient les euro obligations, mais dans un futur lointain, un deuxième groupe seulement à des fins spécifiques, tandis que d’autres y sont opposés par pur principe.
Aucune résolution commune n’a été adoptée, la soirée avait uniquement pour but l’échange de points de vue.
Lors du prochain sommet de l’UE à la fin du mois de Juin, un programme de croissance devra ètre décidé. Euro-obligations ou pas, les prochaines semaines seront décisives. Le président de l’UE, Herman Van Rompuy, devra faire la synthèse des différentes positions des états membres, afin de rédiger l’ordre du jour du sommet de Juin.
A noter la proposition de Hollande et du Premier ministre italien Mario Monti, qui souhaitent que le fonds de sauvetage de l’ Euro (le FESF ou MES) soutienne les banques menacées de faillite.
Monti s’est montré d’accord avec le président français sur de nombreux points.
L’adversaire est dorénavant Angela Merkel.
la question brûlante de la Grèce
Sans apporter de nouvelles réponses, les 27 dans une déclaration commune ont réaffirmé qu’ils n’abandonneraient pas Athènes.
Cette déclaration visait à rassurer les sceptiques, qui affirment depuis une semaine que l’ UE s’attends à ce que la Grèce quitte ou soit expulsée de la zone euro.
Depuis que les politiciens à Athènes ont échoué à former un gouvernement, les marchés financiers spéculent sur le retrait imminent de la Grèce de la monnaie unique.
Pour rajouter à l’anxiété générale, la victoire probable du "front de gauche grec" ( le parti Syriza et son leader Alexis Tsipras) sonnerait le glas des réformes en Grèce. Bruxelles menace, en cas de victoire d’Alexis Tsipras, de fermer "le robinet d’argent frais".
Cela entrainerait une faillite nationale quasi immédiate, et sûrement une sortie de l’ Euro peu de temps après.
Le message européen est désormais contradictoire : Bruxelles, Berlin et Paris veulent empêcher une sortie de la Grèce de la zone euro.
A Athènes, les électeurs grecs et ses politiciens envoient des signaux qui disent exactement le contraire.
Ce dilemme risque de persister jusqu’à l’élection législative en France.
Ensuite, François Hollande pourra facilement tendre la main à la chancelière intraitable, mais pas avant.
[b]Et si les élections sont défavorables à Hollande, il pourra être content d’avoir eu des exigences … la cohabitation pourrait ne pas l’enthousiasmer![/b]
Les temps changent…