Bruno Le Maire : vide sidéral des éléments de langage

Décidément, la cellule « Riposte » de l’UMP fonctionne à plein. Avec des arguments de bon sens. Dernier en date, celui de Bruno Le Maire, à propos d’un retour aux monnaies nationales, ce que, d’un autre côté, la France étudie pour la Grèce, voire d’autres pays : l’automobiliste « n’aura même plus les moyens de faire le plein d’essence de sa voiture. ». Et l’entrepreneur de transports (routiers, scolaires, &c.) donc ! C’était cette fois le programme du FN qui était visé. Mais pour les autres, c’est la même chose : irréaliste, ridicule, hallucinant. Invectiver pour ne pas débattre, c’est un peu léger, Mesdames et Messieurs de l’UMP.

Bruno Le Maire n’est pas tout à fait Nadine Morano, mais on finira par se méprendre.
Pour Morano, l’UMP a mené « un quinquennat exceptionnel », et si j’ai bien compris, Nicolas Sarkozy aurait permis aux ménages d’empocher 400 euros de mieux qu’avant lui : « les gains moyens de 400 euros, c’est lui… ». Énigmatique.

Elle ajoute que le chômage n’a fait en France qu’un bond de 29 % « seulement ». Une paille. De plus, histoire de faire frémir dans les chaumières, elle ajoute que si la gauche passe, « les étrangers en situation irrégulière pourront voter. ». Surtout les délinquants, aurait-elle pu ajouter. Priorité aux urnes pour les étrangers délinquants, agresseurs et fraudeurs aux prestations sociales.
Cela remémore fortement le fameux : « si Mitterrand passe, il supprimera le tiercé » de la présidentielle de 1981. Mieux, elle voit Dominique Strauss-Kahn à la condition féminine et Éva Joly à la Défense. C’était dans le Pas-de-Calais, à Béthune, jeudi dernier. Tout à coup, coupure de courant opportune : « Ne nous coupez pas l’électricité, on va croire que les socialistes arrivent ! ». Pauvres communistes, mêmes plus mentionnés sous la forme « socialo-communistes », cinquième colonne de l’étranger, ennemi intérieur ouvrant les Champs-Élysées aux chars soviétiques…

Et Morano, faute de trouver des accents gaulliens dans ce département qui fut plutôt aussi gaulliste, de célébrer la « grandeur » du triple AAA des agences de notation. Quand on en sera au double, ou au AAB-, peut-être cette semaine qui vient, elle nous soutiendra que c’est à Philippe Poutou, voire à Arlette Laguilier, qu’on le doit.

Le Maire, pas de Paris

Philippe Le Bel, un carolingien de la lignée de Charles Martel, maire de Paris, s’était attaqué aux banquiers et à la grosse fortune des Templiers pour renflouer la cassette royale. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture qui visait le portefeuille de Bercy, n’a pas vraiment de solution à la crise, mais il sait avec certitude ce qu’il ne faut pas faire. Sortir de l’euro, programme de Marine Le Pen, conduirait à « la ruine de tous les Français. ». Peut-être.
Le programme du FN serait d’« un vide sidéral sur la question de la dette publique » (fortement aggravée par Sarkozy). Peut-être. Mais celui de l’UMP, alors ? On s’oriente vers un troisième plan d’austérité, que Fillon annoncera drastique pour que Sarkozy en modère les aspects qui fâcheraient le plus (comme naguère la taxe de 2 % pour les nuitées dans les hôtels de luxe).

Or donc, le retour au franc entraînerait la paralysie totale sur les autoroutes, voies nationales et départementales, et chemins vicinaux, où ne circuleraient plus que des camions portugais et des voitures de touristes grecs. Les habitants des petites communes rurales, si chers à Le Maire, iront à pied, à bicyclette, à cheval, mais plus en voiture, jusqu’au supermarché voisin (la paupérisation du petit commerce rural s’est lourdement accentuée sous Sarkozy, mais les supers et hypers fleurissent en zones rurbaines).

Sarkozy, le Poutine français

Pour Karoutchi, UMP, il n’y a que Sarkozy « qui peut dire les choses à Poutine, à Merkel, à Obama ». Demandez-donc aux Georgiens ce qu’ils en pensent, voyez Merkel et Obama lui tapotant l’épaule : « cause toujours ».

 

L’UMP vient de faire tirer, à trois millions d’exemplaires, un tract de quatre pages tirant à boulets rouges sur le PS. Ils ont les moyens, à l’UMP. Plus 40 000 affiches pour fustiger l’assistanat et la burqa. Et c’est, pour les ministres UMP, la tournée des popotes, avec des panels de « vrais gens » pour leur donner la réplique. Il s’agit de diffuser les éléments de langage de Guillaume Peltier (UMP, Tours), du genre « La France de Hollande, c’est la Grèce d’aujourd’hui ».

Les déclarations fusent, comme celle d’Olivier Chartier (UMP, Vienne) : « Il est normal de mettre des heures de travail pour les titulaires du RSA, comme il est normal que l’on interdise les stocks option aux chefs d’entreprises. ». Commencez-donc par les stocks-options, pour voir. Pas par mettre des RSA a faire le ménage dans les HLM des élus UMP de Puteaux.

Copé, qui tient la main de Rachida Dati à Paris (et celle d’Yves Foulon contre Anny Bey, tous deux UMP, à Arcachon), estime que « Hollande ne tient pas la barre dans son camp. ». Pour celle de DSK, peut-être… Jeannette Bougrab en rajoute : Hollande « se limite à des incantations, des slogans. ». Et voilà Wauquiez qui plaide pour « un quinquennat des classes moyennes » (celui qui s’achève ne l’était donc pas ?).

Le PS vendrait « du rêve ». L’UMP veut vendre des HLM à leurs locataires. Pour ceux de Puteaux, pas de problème, ils ont des comptes en banque bien garnis. Pour les autres, ce ne serait pas leur vendre du vent ?

Après le Parti chrétien démocrate, l’UMP nous amuse avec le retour des uniformes à l’école. Pourquoi pas la petite blouse grise Dior, Prada, ou Smalto ?
Et des amendes pour les blouses sales ou trop mal rapiécées ?

Rendez-vous du courage

L’UMP appelle, en région, à des « rendez-vous du Courage ».  Ce sera d’abord, à Lille, une sorte de convention UMP avec… Éric Woerth. Mais aussi Wauquiez, Daubresse, Kosciusko-Morizet, Estrosi. Qui viendront de Paris à quatre dans la même voiture de qui ?

Il faut en effet beaucoup de courage, après avoir fait considérablement baisser le nombre des fonctionnaires (par ex., en priorité, ceux de la Concurrence et des prix, ou de l’inspection du Travail), pour soutenir devant l’opinion, comme le fait Didier Quentin (UMP, Charentes), de faire appel à des salariés du privé pour combler les trous de la fonction publique. « Le recrutement de ces salariés de droit privé se ferait (…) dans les cas où le recrutement d’un fonctionnaire titulaire ne serait pas rendu possible… ». Mais pourquoi cesser de sous-traiter à des cabinets privés, comme on n’a cessé de le faire ces cinq dernières années, plutôt massivement, en tous domaines, selon la Cour des comptes ?
Pourquoi ne pas, au lieu de prendre pour profs des étudiants, faire appel à des boîtes d’intérim qui fourniraient, à l’heure-l’heure, des remplaçants ? Courage ! Des boîtes d’intérim créées par l’enseignement confessionnel, par exemple. Avec des pions chargés de traquer celles et ceux se livrant au « délit d’abandon éducatif pour les familles qui détournent les aides sociales à d’autres fins que l’éducation de leurs enfants » que veut instaurer l’UMP Emmanuel Bresson  (Carcassonne). Les pions pourraient en profiter pour fourguer une encyclopédie à crédit, des collections de DVD d’aide scolaire en soixante mensualités.

Et puis, pour l’apprentissage de l’arabe, l’émir du Qatar a proposé à une délégation française dirigée par Kamel Hamza (UMP, La Courneuve), d’implanter des écoles d’apprentissage gratuit en Seine-Saint-Denis. Encore une généreuse initiative de Sa Majesté, chaleureusement applaudie par Kamel Hamza reçut à Doha.

Décryptage

Analyser le discours et les éléments de langage est assez simple d’un côté. Le bilan de Sarkozy est très bon, et c’est lui le nouveau maréchal « sauveur de la France ». Pour les propositions qui pourraient suivies d’effet, il y ce que l’UMP pompe dans les mesures peu essentielles du programme du FN. Pour les propositions qui ne sauraient être suivies d’effet, il y a des annonces sur le maintien du pouvoir d’achat des classes moyennes, un relèvement de la fiscalité pour certaines hautes tranches, un peu de régulation contournable (eh, il faut bien faire croûter les avocats fiscalistes) du système bancaire.

Car quand le Sénat propose une « taxe sur les transactions automatisées » entre établissements financiers, Philippe Marini (UMP) rétorque que cela revient à « ne pas se placer dans le monde réel », celui des « vrais gens » de la haute-finance.

En revanche, Roselyne Bachelot-Narquin a supprimé l’entrée « Mademoiselle » dans les formulaires administratifs. Espérons que les existants ne vont pas être envoyés au pilon histoire de répartir les nouveaux entre les imprimeurs qui consentiraient des rabais pour les documents électoraux de l’UMP.

Question croissance, juste des déclarations d’intention. Après avoir favorisé les grandes entreprises, voilà que l’UMP veut donner un coup de pouce (lequel ? comment ?) au PME. « Nous devons faire grandir nos PME conquérantes, ces entreprises qui créent de l’emploi et de la valeur en France. C’est le sens de la politique économique défendue par le Président de la République. ». C’est texto sur le tout nouveau site projet-ump.fr.
Concrètement, à part taxer et favoriser le soutien à l’accession à la propriété (comment ? avec des maisons Borloo, échec total), c’est plutôt creux. Mais en face, évidemment, selon l’UMP, c’est un « vide abyssal ».

L’impression globale est plutôt que le creux « se répond d’écho en écho ».

Comme le répète Devidjian, « Sarkozy a démontré ses capacités dans la tempête (…) François Hollande n’en a pas eu l’occasion. ». À Neuilly, Sarkozy avait démontré sa capacité à favoriser des opérations immobilières (et d’en bénéficier de retombées), et en divers ministères, à donner des coups de pouce à ses amis (sauf Dassault, grosjean comme devant avec le Rafale). Pour le reste, dans la tempête, il a beaucoup utilisé le porte-voix. Et quel est le résultat ?

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

8 réflexions sur « Bruno Le Maire : vide sidéral des éléments de langage »

  1. Le Maire a sur le dos le dossier Lactalis. Il a rencontré récemment des producteurs bretons.
    Commentaire de Philippe Colin, de la Confédération paysanne, au sujet de la nomination de Le Maire à la tête de la cellule d’élaboration du projet UMP :
    « [i]C’était une rencontre de politesse à notre égard, mais rien de plus, a-t-il confirmé. Le cas Lactalis faisait évidemment partie des sujets abordés. Mais il n’a visiblement pas grand-chose à dire. En tout cas, il ne promet rien du tout quant à l’arrivée du décret. Il semble plus préoccupé par ses nouvelles attributions que par les difficultés des agriculteurs[/i]. ».

    Sur le frelon asiatique qui décime les ruches d’abeilles, sa seule déclaration positive, c’est de décréter que le frelon est un nuisible. Cela change tout ! Les pompiers pourront les détruire sans refiler la facture à l’apiculteur. Pour le reste, pas question de réglementer l’utilisation des pesticides. Pourtant, même chez Berlusconi, on l’a fait.

    Sur les GAEC : « [i]Il me paraît important que la transformation en GAEC d’une société civile agricole constituée entre époux, dont l’un est jeune agriculteur, puisse bénéficier des mêmes avantages que l’accueil d’un jeune agriculteur au sein d’un GAEC déjà constitué. Je serais donc conduit à proposer, sans tarder, une modification du décret interministériel sur ce point.[/i] » Ok, si Bercy en convient.

  2. Il faut absolument que la gauche toute la gauche réagisse et attaque le bilan de ce gouvernement en n’oubliant pas toute les casseroles.Et surtout aussi de démontrer que ce gouvernement a favoriser les plus riches et appauvris les plus pauvres

  3. Très drôle, très argumenté, très bon article.
    Je ne sais pas si Marine règlera tout, mais elle au moins, on sait qu’elle fera de son mieux!

  4. Je veux bien, Incrédule, je veux bien qu’elle tente de faire de son mieux.
    Au profit de qui, au final, c’est la question.

  5. La pensée du jour :

    – Les finances doivent être saines,
    – Le budget doit être équilibré, la dette publique doit être réduite,
    – L’arrogance de l’administration doit être combattue et contrôlée,
    – La population doit encore apprendre à travailler au lieu de vivre de l’aide publique.
    – Et l’aide aux pays étrangers doit diminuer de peur que Rome ne tombe en faillite

    Cicéron – 55 ans avant Jésus-Christ

    Moralité : la crise dure depuis 2065 ans ! c’est rassurant quelque part…

  6. Sans oublier que +-5% des 11 milliards d’aides PAC sont détournés pour financer les………élections. Agriculteurs, regardez votre déclaration PAC au moment de votre déposition au 30 mai, et vérifiez sur votre compte en banque, en novembre ; la surprise est de +-5% en moins du montant demandé ! Mais personne n’osera faire une réclamation, car le chantage marche très bien ; « on vient te contrôler si tu rouspètes »
    Alors il vaut mieux fermer sa G….E. Et sans oublier que depuis 1992, des millions de fermes ont disparus, car pour la plupart, les primes PAC sont supprimées, et sans raison valable !

  7. Eh oui, Citoyenne Lambda (dont je reporte le commentaire sous un nouvel article sur la PAC et les très hauts-salaires au Royaume-Uni, publié ultérieurement).

    Le problème avec Sarkozy, c’est que c’est Sarkozy. Il décide de tout.
    Le problème, avec Hollande, ce n’est pas tout à fait Hollande. Il aura un Premier ministre, un gouvernement.
    Et franchement, j’espère que Cahuzac, par ex., en sera. Et pourquoi pas aussi Dosière (le pourfendeur PS des dépenses de l’Élysée).
    Pdt., grâce à Sarkozy qui, pour une fois, n’aura pas fait que du négatif, de la commission des Finances de l’Assemblée nationale (c’est donc un PS qui a regard, avec d’autres députés PS ou UMP ou autres, sur les comptes vus de l’AN), Cahuzac argumente fort autrement qu’en tapant sur les personnes, sur la couleur de leur cravate ou de leur robe.
    La droite a raison : 60 000 postes dans l’éducation, d’un seul coup, n’est pas très faisable, par ex. Mais sur 5 ans, cela remettrait les effectifs au niveau européen, compensant les départs en retraite.
    Quant aux 35 heures, elles arrangent bien aussi le patronat : plus de flexibilité.
    En revanche, dans les PME, on les dépasse souvent allègrement sans toucher d’heures sup’. Il faut sauver les petites boîtes dont les patrons n’exagèrent pas leurs rétributions.

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