Ce sont des dizaines d'avions qui devaient commencer à être livrés cette année à sept pays européens : 50 pour la France, 60 pour l'Allemagne, 27 pour l'Espagne, 25 pour la Grande-Bretagne, 10 pour la Turquie, 7 pour la Belgique et un pour le Luxembourg. Pourtant EADS ne pourra pas fournir ces appareils avant 2015 au plus tôt. Il faudra ensuite patienter le temps que les avions sortent des usines. L'Afrique du Sud et la Malaisie qui avaient commandé une douzaine de ces avions sont également en attente.
Ce retard est catastrophique pour les armées européennes qui ont besoin de remplacer leurs parcs aériens. Nos pays sont équipés de vieux appareils principalement américains, des C-130 Hercules pour la plupart mais aussi de quelques C-17 pour la Grande-Bretagne et de Transall franco-allemands pour ces deux pays ainsi que pour la Turquie. Tous ces appareils arrivent en fin de vie et doivent être remplacés dans un délais de plus en plus court.
C'est ce vieillissement des matériels qui s'est présenté comme une opportunité industrielle pour EADS et politique pour les pays européens : lancer un géant du transport militaire aérien pour montrer que ce secteur clef de la Défense peut garder son indépendance sur le Vieux Continent et même être vendeur à l'international. Une opportunité qu'EADS a saisie en 2003 en signant ces divers contrats et en promettant un A400 M particulièrement ambitieux.
Le problème c'est que dans un délais de développement aussi court, l'industriel était incapable de fournir tout ce qui a été promis. La révision de l'avionique, de la motorisation, des normes de sécurité pour avoir un avion répondant aux normes civiles, le tout pour un appareil qui se veut à la fois transport stratégique d'hommes et de matériels mais aussi tactique en étant capable de pratiquer des atterrissages d'assaut. Une telle absence de résultats a été enregistrée que le vol d'essai prévu en 2008 a été repoussé à une date non précisée, probablement fin 2009. Ces problèmes couplés à l'urgence d'un besoin de solution ont mis en péril l'avenir de ce projet. L'A400 M doit sa survie à la volonté politique des Européens de refuser d'admettre un échec dans une telle industrie.
En attendant, les concurrents annoncent des projets de transporteurs aériens militaires. Le Brésilien Embraer vient de lancer le projet KC-390, un transporteur de 19 tonnes, légèrement moins lourd que le C-130 américain mais surtout beaucoup moins cher. Son premier vol est pour l'instant prévu pour 2013 pour une première livraison en 2015 d'une vingtaine d'appareils. Comme pour l'avion européen, sa principale raison d'être est le remplacement de la flotte brésilienne ainsi que le potentiel marché mondial.
Les Russes et les Indiens discutent également d'un projet commun pour lancer sur le marché un avion de transport multirôles qui pourrait sérieusement concurrencer le A400 M. Cet appareil pourrait faire ses premiers vols en 2014. L'union de ces deux pays assure un premier marché naturel particulièrement vaste pour cet engin.
En attendant, les armées européennes doivent remplacer leurs avions à l'agonie et trouver des solutions intérimaires. Si les Anglais peuvent tenir le coup avec les C-17 Globemaster III qu'ils ont déjà acheté, les Français et les Allemands sont en difficulté. Paris cherche pour l'instant quoi faire : acheter en urgence des CASA 235 et des versions militaires du A330 pour patienter, louer des avions comme les Antonovs ukrainiens voir se tourner vers les Etats-Unis. La DGA (Direction Générale de l'Armement) a ainsi demandé une proposition d'offre à Boeing pour des C-17 Globemaster III.
Photo : Romain Mielcarek