La couverture s’orne de la fameuse raffarinade prémonitoire de Raymond Barre : « Quand le moment est venu, l’heure est arrivée. ». Ce qui évoque un top départ pompidolien : « une fois les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. ». C’est bien connu : plus l’on parle, mieux on rate des occasions de se taire et les plus beaux parleurs sont donc les meilleurs gaffeurs. Ou gaffeuses s’élançant, emplies de « bravitude », à l’assaut des micros.
Les Perles des politiques rassemblent « près de 300 formules d’anthologie » des successeurs et émules du maréchal Mac Mahon (« que d’eau, que d’eau ! » et « c’est vous le nègre ? Très bien, continuez ! »). Figurent sans doute le lapsus de Rachida Dati (« fellation » au lieu d’inflation) et la brillante sortie de Nadine Morano confondant la régie Renault et le chanteur homonyme. Vous en retrouverez un florilège sous forme de QCM sur le site de Rue89 et quelques formules bien senties vous sont certainement restées en mémoire (ainsi de celle de Frédéric Lefebvre confondant Zig et Puce avec Zadig et le roué Arouet).
Kouchner ouvre le ban des lapsus avec ses « crétins d’Irak » (pour « chrétiens ») qui m’évoque fort le massacre de la grotte d’Ouvéa (Nouvelle Calédonie) et la confusion d’un journaliste de radio qui annonça la révolte des « Macaques » (au lieu des Kanaks). Édouard Balladur, qui ne promettait rien mais tenait néanmoins ses promesses (de rétrocommissions sur divers marchés d’armement ?), côtoie des promoteurs d’engagements hasardeux tel François Bayrou (« si je suis élu, rien ne changera en France ») ou d’assurances allant de soi, telle Corinne Lepage (« je me bats pour que notre futur ait un avenir »). Plus cela change, mieux c’est la même chose. Car déjà, Bernard Tapie avait lancé : « l’avenir appartient aux défricheurs de l’avenir… ». Le futur, c’est parfois comme la géographie et Michel Barnier rappelait : « Que l’on soit pour ou contre la Turquie, on ne pourra changer l’endroit où elle se trouve. ».
Georgina Dufoix, qui avec le « Premier minus » (de Borloo à propos de Villepin), avait « des rapports tous les matins », n’en gardait pas les « empreintes génitales » (d’Hortefeux), mais elle réfléchissait peut-être avec Fabius « en amants » (de Duflot, avec l’aval de Cohn-Bendit, si ce n’était celui, tacite, de Benoît Hamon). Fricotage et pelotage sont parfois les deux mamelles de la politique française, cela va sans dire, c’est parfois mieux en le taisant comme l’énonçait Luc Chatel : « le chef de l’État appelle parfois Brice Hortefeux pour ne rien lui dire. C’est la preuve de la qualité de leurs relations. ». Tout un symbole, ils ou elles s’entendent fort bien pour taire et pourtant faire porter leurs voix jusqu’au lointain, comme Ségolène Royal (« Même quand je ne dis rien, cela fait du bruit »), et en recueillir les échos.
Certaines phrases maladroites, comme la fameuse « le problème en France, c’est que les gens héritent trop tard, » (de Nicolas Sarkozy), n’en sont pas moins frappées du coin du bon sens (mais à ne pas prononcer tongue in cheek, la langue en coin, comme disent les Britanniques). Raffarin remarquait déjà que « les veuves vivent plus longtemps que leurs conjoints. » D’autres formules n’engagent à rien, telle la saillie de Philippe de Villiers (« Quand on va m’entendre et que l’on va me voir, ça va se voir et ça va s’entendre ») : on ne voit pas davantage qu’on n’entendrait le fondateur du Mouvement pour la France. Bernard Laporte qui, débarquant en Guadeloupe, exprimait le souhait de « voir les Antilles de vive voix », n’est plus le porte-voix du Stade français, et encore reste-t-il peu prolixe sur ses exploits. C’est plus prudent : le silence est d’or, et Dominique Strauss-Kahn ne disant strictement rien publiquement à présent, le démontre amplement.
Mais où sont donc les promesses d’antan ou de naguère ? Ou les annonces en rafales de contrats mirifiques ? Rama Yade, qui avait accueilli le colonel libyen à Paris par un « je me retrouve aujourd’hui avec la journée des Droits de l’Homme sur les bras et Kadhafi sur le tarmac », pourra peut-être reprendre à son compte l’appréciation de Jean-Pierre Soisson qui, en 1991, estimait : « je n’ai pas l’impression d’avoir modifié ma ligne politique, j’ai plutôt celle que les gens ont tourbillonné autour de moi. ». Le même Soisson était fidèle à ses orientations de 1982 : « je ne trahis pas mon camp, j’en prépare un autre. ». Il ne faisait que paraphraser Georges Clémenceau (« un traître est un homme politique qui quitte son parti pour s’inscrire à un autre ; un converti est un homme politique qui quitte son parti pour s’inscrire au vôtre. »).
Si les politiques étaient chefs d’escadrilles, en matière de bourdes, ils pourraient reprendre à leur compte les fortes paroles de Jacques Toubon : « même en avion, nous serons tous dans le même bateau. ». Ils progressent ou régressent, méditant la pensée d’Edgar Faure (« voici que s’avance l’immobilisme et nous ne savons comment l’arrêter. »). Parfois, ils parviennent à s’exprimer sans trébucher, mais cela ne dure pas. François Goulard se félicitait : « Cette semaine, le gouvernement a fait un sans-faute ; il est vrai que nous ne sommes que mardi. ».
L’année n’est pas finie, et l’ineffable Éric Woerth, qui écrit à présent un peu tout le contraire de ce qu’il déclarait voici peu (il vient de publier Dans la tourmente chez Plon), saura sans doute encore nous égayer en commentant les appréciations de la Cour de justice de la République, et ce sans vider les étriers. Droit dans ses bottes, comme l’exprimait Alain Juppé. Avec les primaires du Parti socialiste, un Manuel Valls, qui avait estimé être « descendu d’une catégorie » en se faisant qualifier de « Copé de gauche » après avoir été comparé à Sarkozy, ne décevra sans doute pas. François Hollande éprouve de la peine à se départir de la normalité, mais gageons qu’il ne faillira pas. Quant à Marine Le Pen, son entourage saura lui donner l’occasion de quelques savoureux dérapage, n’en doutons guère. Borloo remettra du vin dans son eau : il nous fera bien un chabrot d’ici peu. Les candidatures à la primature nous vaudront quelques beaux coups de hure, rassurons-nous…
Le regretté Jean Yanne concluait déjà que « si le gouvernement créait un impôt sur la connerie, il serait tout de suite autosuffisant. ». Cela vaut tout autant pour l’opposition.
Je n’ai pas lu ces Perles des politiques que je ne saurais donc vous recommander plus qu’un autre bêtisier antérieur (il s’en publie à peu près chaque année). Mais un tel ouvrage ne pourrait totalement décevoir. Pour se départir de la langue de bois, pour trouver la petite phrase qui ferait à coup sûr le 20 heures, les femmes et hommes politiques doivent faire preuve d’imagination et ne pas évoquer ces sous-préfets aux champs que Nicolas Sarkozy n’entend guère : « c’est quand même agréable de voir des hauts fonctionnaires à qui vous comprenez quand y parlent, » assurait-il à Provins (mémorable 20 janvier 2009). Mais cela dérape souvent.
2011 a sans doute été un bon cru, mais avec les présidentielles 2012, on peut s’attendre à un grand millésime. Raffarin avait proclamé « il n’y a pas de pataquès entre Nicolas Sarkozy et moi. » (c’était en novembre 2009). Entre Nicolas et Sarkozy, ou entre Sarkozy et Nicolas, tous les espoirs de pataquès sont permis, et ce ne serait pas la première fois. Tous les prétendants, toutes les impétrantes à un maroquin sauront bien, dans leur hâte à se mettre en avant, « faire un cuir ». En la matière, l’effet « cale », imprévisible, est toujours certain de survenir. Toutes et tous dans les starting-blocks, elles et ils se donneront à fond : soyons sûrs qu’il sera plus souvent touché qu’effleuré.Martine Aubry saura aussi faire tout un Brie de… mots. Et comme avec Fillon, Rachida Dati tient son filon, je suis prêt à prendre les paris : elle ne tardera pas à inaugurer la nouvelle série. Ne piper mot, pour une ou un politique en mission, ce n’est pas français !
[b]Jeff,
juste………..j’adore..sourires. ;D
Ils me font toujours autant rire ces politicards..rires.
Amitiés
Tom[/b]
Super !
Heureusement qu’ils sont là pour nous faire rires ;D ;D ;D