Dans « Global gâchis », documentaire diffusé le 17 octobre 2012, le constat est clair : l’humanité produit de quoi nourrir environ trois fois sa population entière, sans problèmes, et pourtant, près d’un milliard de personnes souffrent de la malnutrition.

Ou finit, alors, toute la nourriture non consommée ? Ou vous l’imaginez bien : à la poubelle, pour l’essentiel, jetée par tous les acteurs de la chaine de consommation : producteurs, maraichers, hypermarchés, restaurants, et bien sûr, nous, les consommateurs.

Mais ce que montre le film avec intelligence, une touche d’ironie et une excellente pédagogie, c’est que cette nourriture est jetée à un moment où elle pourrait encore être consommée, pour la simple raison qu’elle n’est pas assez belle….

« Le marché occidental a habitué ses consommateurs à des pommes rondes et calibrées, des bananes sans taches et à la courbe parfaite, des champignons blancs et super sphériques, etc. La plupart des produits sortant de la terre ne possédant pas ces critères esthétiques impeccables sont directement jetés, ou, dans le meilleur des cas, transformés en nourriture pour animaux, alors que leurs qualités nutritives sont intactes » explique Oliver Lemaire, réalisateur de « Global gâchis ». Son constat s’applique aussi aux produits encore bons mais à l’aspect vaguement défraichi : les supermarchés les retirent systématiquement des rayons avant leur péremption, là encore, souvent, pour les jeter sans autre forme de procès.

Autre fléau : la DLUO… sur les produits frais et sensibles (viandes, produits laitiers, charcuterie, traiteur) une date limite de consommation est apposée par le fournisseur, et consommer la marchandise passé ce délai représente un risque. En revanche depuis plusieurs années, tous les produits dits « secs » comme les pâtes, le riz, les lentilles, portent une « Date limite d’utilisation optimale » (la DLUO) que vise seulement à garantir au producteur que vous consommez un produit dont le goût et la présentation sont préservés.

Il n’y a AUCUN risque à consommer des produits en DLUO dépassée. Il est fort dommage donc, de procéder comme pas mal des consommateurs, à un nettoyage systématique des fonds de placards sous prétexte que les dates sont « passées ». Des millions de tonnes de cette bonne nourriture se perdraient ainsi.

C’est un livre qu’a inspiré « Global gâchis » : il s’intitule Waste et a été publié (et très lu et très récompensé) en Angleterre par Tristam Stuart, spécialiste de la question du gaspillage alimentaire. Son auteur a fait très jeune un intéressant constat : « j’habitais une ferme, et pour nourrir les cochons, je me suis mis a récupérer des déchets alimentaires auprès de ma cantine scolaire, du boulanger local, des maraîchers… » il découvre ainsi que la plupart de ces déchets sont encore consommables pour des humains. En grandissant, devenu auteur et historien, il approfondit sa compréhension du phénomène : « si les pays occidentaux jettent des millions des tonnes de céréales à la poubelle, il en restera moins sur le marché mondial. S’ils arrêtaient de le faire, on en trouverait davantage, et leur prix serait probablement plus abordable. Jeter de la marchandise à la poubelle équivaut réellement à la soutirer du marché mondial, et à la retirer à la bouche de ceux qui ont faim ».

Le film, et le livre, s’attache cependant, au-delà du scandale spectaculaire ainsi démontré, à proposer des solutions. Et la force de ce britannique, et de plusieurs autres acteurs de ce mouvement, c’est de savoir rendre ces solutions glamour et attractives aux yeux du grand public. Le parti pris de la réalisation de « Global gâchis » donne le ton : « Je tenais à ce que, malgré l’horreur du constat, le film ne soit ni sombre ni morbide. Et puis, pour favoriser une prise de conscience, il est plus facile d’inviter les gens à regarder des images belles et léchées plutôt qu’anxiogènes et laides » explique le réalisateur.

Le banquet de 5000 personnes devant la Mairie de Paris est encore une idée de Stuart, et est un autre exemple de cette philosophie : nourrir gratuitement 5000 personnes avec un curry délicieux, mais aussi animer ce moment agréable par la présence de chefs, de vedettes de la télévision. Au programme, partage des recettes spectaculaires et efficaces, pour apprendre comment recycler les restes dans des plats très chics, ou encore l’art de cuisiner les abats, trop souvent jetés simplement parce qu’ils sont passées de mode… Quoi de mieux pour distraire la foule en lui apprenant d’excellentes pratiques ? Le banquet a été une réussite totale.

Infos :

« Global gâchis, le scandale mondial du gaspillage alimentaire ». Documentaire d’Olivier Lemarie (Canal+)

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