Qui finance les syndicats français ? Cette interrogation fait figure d’épouvantail au sein même de l’actualité politique de notre beau pays. Autant vous avertir tout de suite, personne n’est actuellement en mesure d’y répondre. Cependant, l’affaire dite de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) mettant en cause son président, Denis Gautier-Sauvagnac, tend sérieusement non seulement à alimenter les rumeurs mais aussi à apporter des éléments tendant à mettre en lumière ce qui pourrait être l’un des plus gros scandales de notre république.
A l’origine peut être du scandale figure la loi Waldeck-Rousseau, du nom du ministre de l'intérieur libéral Pierre Waldeck-Rousseau qui la fit voter. Il s’agit en clair d’une loi française votée le 21 mars 1884, la première à autoriser les syndicats en France, en abrogeant la Loi Le Chapelier. Ce qui nous intéresse précisément au sein de ce texte législatif est le fait que son alinéa 5 précise que les organisations syndicales ne sont pas tenues de rendre public leurs comptes.
Ceci est compréhensible compte tenu du contexte social de l’époque, cette opacité du financement syndical étant censée protéger le salarié du patronat en garantissant la discrétion, voire le secret sur son appartenance ou non à tel ou tel syndicat. En effet, en l’absence de chiffres précis traduisant le nombre d’adhérents aux différentes organisations syndicales, mener une étude sur leur financement relève de l’opacité la plus totale et la plus extrême.
De cette loi, partant d’un constat social avéré et juste, nous en arrivons à une situation extrême, tant et si bien que depuis deux jours, Denis Gautier-Sauvagnac, également le numéro deux du Medef, est l'acteur principal d'un scandale politico-financier de grande ampleur, peut être le plus important de la Vème république. Premier indice, ce dernier est suspecté d'avoir prélevé près de 15 millions d'euros en liquide dans les caisses de l’UIMM, l’organisation la plus riche du Medef, dans le cadre d’une enquête opérée par la brigade financière à la suite de la demande de l’ouverture d’une enquête préliminaire par le procureur de la République de Paris.
Selon Le Figaro, Tracfin, la cellule de lutte contre le blanchiment du ministère de l’économie et des finances, avait été
alerté de ces retraits par un cadre de la BNP, intrigué de voir ce responsable du Medef, une assistante ou un de ses collaborateurs venir retirer d'importantes sommes en liquide, pouvant atteindre 150 000 à 200 000 euros, du compte de l'UIMM. Cependant, la question maitresse est de savoir
à qui était destiné tant d’argent en liquide. L'idée selon laquelle ces retraits étaient destinés à financer les syndicats de salariés apparaît de plus en plus crédible, malgré les protestations et les différents démentis des organisations syndicales s’indignant que l’on puisse les suspecter de malversations alors que le Medef détiendrait des caisses noires.
Le journal Les Echos rapporte dans son édition du mardi 16 octobre que l'UIMM disposerait d'un "trésor de guerre" de plusieurs centaines de millions d'euros alimenté notamment par une caisse de solidarité antigrève ("Epim") constituée à la suite des événements de mai 1968 et évaluée aujourd'hui à 160 millions d'euros. On ne connaît pas la destination des sommes qui y ont été prélevées, mais plusieurs sources proches estiment qu’elles étaient probablement destinées aux syndicats. L’intéressé à expliqué que ces sommes étaient destinées à «fluidifier les relations sociales». Curieuse explication des choses et cruel euphémisme que de qualifier ainsi le financement occulte de syndicats en vue d’étouffer un mouvement social ! Selon Les Echos, «Au fil des ans, l'UIMM a alimenté en son sein plusieurs fonds grâce à des cotisations volontaires et supplémentaires des entreprises du secteur», affirme le quotidien économique, sans préciser ses sources.
La CFDT demeure pour l’instant la seule organisation syndicale à sembler vouloir moins pratiquer la langue de bois que ses consœurs. François Chérèque a confessé, ce lundi 8 octobre dans le Figaro:
"La CFDT est financée à 30% par des fonds publics, sur un 'budget total de 41 millions d'euros ». Voilà pour la partie émergée de l'iceberg. Le reste est très flou du fait de la loi de 1884.
Depuis des années, la cour des comptes dénonce l'opacité du financement des syndicats. Outre les subventions publiques et les cotisations des adhérents, les syndicats placent certains fonds de caisse de retraite en bourse afin de faire fructifier ces capitaux à leur seul bénéfice. A regarder de plus près les comptes des syndicats, on peut être en droit de rester parfois estomaqué des surprises de taille que l’on y décèle : les notes de frais de certains dirigeants sont d'un montant anormalement élevé et certaines centrales syndicales investissent même dans l'achat de chevaux de course hippique !
Un autre fait vient renforcer la suspicion à l’égard du financement des syndicats français : la faiblesse du nombre de leurs adhérents. Le taux de syndicalisation est de l'ordre de 83% en Suède, de 65% en Belgique, de 50% en Italie, de 29% au Royaume-Uni et en Allemagne et de…8% en France, selon plusieurs études comparatives -de l'IGAS. En extrapolant, la revue Société civile parvient aux évaluations suivantes:
CGT: 220,6 millions d’euros de budget dont 145 millions hors cotisations.
CFDT: 138 millions d’euros de budget annuel dont 69 millions hors cotisations.
FO: 61 millions d’euros de budget annuel dont 26 millions hors cotisations.
CFTC: 60 millions d’euros de budget annuel dont 48 millions hors cotisations.
L'affaire de l'argent liquide de l'IUMM devrait donc servir de prétexte pour une remise à plat du mode de financement des syndicats dans un souci de transparence, sur le même modèle que les lois de financement public des partis politiques dans les années 1990. S’il s’avère effectivement que le patronat s’est payé le silence des syndicats, qu’il a « fluidifié les relations sociales » en ayant corrompu les organisations syndicales lors de grands mouvements sociaux, alors nous sommes certainement en présence de l’un des plus gros scandales de la Vème République mélant à la fois le patronat et les syndicats. Alors, patronat et syndicats, même combat?
Pour aller plus loin:
C.D.G.D.P
Et quand l’état UMP donne de l’argent au groupe Carlyle de Bush et D Cheney :
L’imprimerie nationale livrée à la spéculation
Scandale . Les sénateurs communistes demandent une enquête parlementaire sur l’achat des bâtiments de l’imprimerie nationale.
En 2003, l’immeuble de l’imprimerie nationale, propriété de l’État, situé dans le 15e arrondissement de Paris, est vendu par le gouvernement, pour 85 millions d’euros au fonds d’investissement américain Carlyle. En juin 2007, après l’élection présidentielle, l’État rachète, pour les besoins du ministère des Affaires étrangères le même bâtiment pour la somme de 376,7 millions d’euros, soit une différence de 291,7 millions d’euros. Nicole Borvo, présidente du groupe communiste républicain et citoyen au Sénat adresse, fin juin, deux lettres, l’une au premier ministre, l’autre au président de la cour des Comptes, dénonçant « le gâchis des deniers publics ». Elle informe qu’elle interpellera le gouvernement et demandera la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. Pour l’heure, c’est le silence du côté de Matignon comme de la cour des comptes.
Seul le ministre du Budget, Éric Woerth, a reconnu, du bout des lèvres, que « certes le prix de rachat était beaucoup plus important que le prix de vente », mais assure « que c’est une opération très bénéfique pour les finances de l’État… des travaux colossaux ayant été réalisés pour faire de ce site industriel un immeuble de bureau ». Malheureusement pour le ministre, les chiffres ont la tête dure. Les travaux n’ont coûté « que » 120 millions d’euros. En conséquence, quand on additionne ce que cela a coûté à Carlyle, 85 millions d’achat et 120 millions de rénovation, soit au total 205 millions d’euros et que l’on compare avec le prix de vente du bâtiment à l’État, soit 376,7 millions, le bénéfice réalisé en quatre ans sur le dos des contribuables français par Carlyle est de 171,7 millions d’euros environ. Il n’est pas sûr que le scandale puisse être tu encore longtemps. Un tel gaspillage contredisant les objectifs affichés du gouvernement en matière de gestion du budget de l’État.
Nicole Borvo, qui, avec Hélène Luc, sénatrice (PCF) du Val-de-Marne, a toujours été aux cotés des salariés de l’entreprise, souligne : « Cet argent aurait sans doute été plus utile à soutenir, par exemple, l’activité industrielle de l’imprimerie nationale et ses emplois ainsi qu’à sauvegarder le patrimoine culturel de cette grande entreprise publique. » Avec la fermeture du site de Paris, ce sont 900 emplois qui ont été supprimés, rappelle Patrick Pinceloup, ancien secrétaire du syndicat CGT de l’imprimerie nationale, et aujourd’hui, sur le site de Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne, 77 emplois sur 120 sont menacés.