Longs développements sur l’affaire Cahuzac dans Le Canard enchaîné : deux colonnes de haut en bas. Pour ne finalement que constater qu’UBS n’avait toujours rien communiqué et le chef retenu, « blanchiment de fraude fiscale » ne permettait pas d’obtenir de la Suisse l’entraide judiciaire. Si J. Cahuzac a quelque chose à cacher « quel soulagement ». On peut le voir ainsi… Ce jour, Michel Gonelle a remis aux enquêteurs copie de l’enregistrement téléphonique semblant très fortement incriminer soit l’actuel ministre, soit un proche, soit quelqu’un de son entourage qui aurait pu intégrer le conseil municipal de Villeneuve-sur-Lot ou devienne maire d’une ville du département.

Si ce n’est lui, Jérôme Cahuzac, qui donc ? À moins qu’il ait été établi que le fameux enregistrement ait été trafiqué, il faut tirer la question au clair. Qui, selon Jérôme Cahuzac – qui réfute en détail, comme en bloc, dans le ou les détails – pourrait être celui qui parle lors de l’enregistrement. La question lui sera-t-elle posée devant un juge ? 

Pour Michel Gonelle, la « voix » appartient bien à Jérôme Cahuzac. Il s’en est longuement, hier, ouvert aux enquêteurs et l’a confirmé à divers titres de presse. Selon Mediapart, Michel Gonelle a été « entendu pendant plusieurs heures », hier mardi, par les enquêteurs de la Division nationale des investigations financières et fiscales (Dniff).

Toujours pour Mediapart, l’interlocuteur est le gestionnaire de fortune de Jérôme Cahuzac, Hervé Dreyfus, associé du banquier suisse Dominique Reyl.
« Est » et non « serait ». « Il n’est pas exclu que je devienne maire au mois de mars » disait la voix. Bah, on ne sait jamais trop qui devient maire (enfin, en général quand même une tête de liste), et il n’y a pas qu’une mairie dans le Lot. Michel Gonelle n’a pas le moindre doute, mais tout le monde peut se tromper, surtout un témoin auditif : cujus unus, cujus nullus. Mais si voix il y a, il y a bien existence d’un compte en Suisse, de la part d’un élu potentiel. Jérôme Cahuzac n’a pas la moindre idée de son identité, dont acte.

Pour Mediapart, devraient être aussi entendus Patricia Cahuzac, Hervé Dreyfus, Jean-LouisBruguière, Rémy Garnier (et d’autres encore sans doute). Il semble inutile d’entendre Jérôme Cahuzac si ce n’est pour lui poser la question : si ce n’est vous, qui donc ?

La plainte du ministre contre Mediapart a été retirée, subsiste celle du particulier Cahuzac, Jérôme. Des trois plaintes qu’il évoquait, il n’en resterait donc plus qu’une.

Un fiscaliste étonnant

Pour l’opinion, le choix de Me Edmond Tavernier en tant que conseil fiscaliste suisse ne plaide pas trop pour Jérôme Cahuzac. Mettons que ce soit le meilleur spécialiste. Mais Me Tavernier avait œuvré de concert avec Me Goguet (mis en examen dans l’affaire Bettencourt) pour régulariser la situation fiscale de l’île d’Arros (depuis cédée par la famille Bettencourt). Me Tavernier siégeait aussi au conseil d’administration chargé de la fondation créée ad hoc.

En France, il s’agit de Me Gilles August, un ami, un proche du ministre. Mais Jérôme Cahuzac dispose aussi de l’appui de nombre de juristes éminents dont Philippe Terneyre, qui avait par avance blanchi un adjoint aux finances de J. Cahuzac à la mairie de Villeneuve, en vain puisqu’il avait fini condamné pour prise illégale d’intérêts. Le même Ph. Terneyre s’était empressé de conseiller au ministre, à sa demande, de ne pas tenter d’appuyer les poursuites contre Éric Woerth, son prédécesseur au Budget, dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne.

Il reste aussi que les enquêtes fiscales sur les déclarations patrimoniales antérieures du ministre sont toujours évoquées et que le parquet, en la personne de François Molins, pourrait en avoir communication.

UBS pourrait répondre

Contrairement à ce que laisse entendre Le Canard, UBS pourrait répondre, affirme Gaëlle Macke, de Challenges. Selon elle, UBS n’aurait pas donné une « fin de non recevoir » à toute requête.
Le règlement intérieur d’UBS précise que s’il est interdit d’établir des confirmations négatives, des exceptions au principe sont possibles. On ne sait pas, et Mediapart ne le précise pas, si J. Cahuzac serait ou non encore client d’UBS, cette fois à Singapour. Mais même si ce n’était ou n’avait jamais été le cas, la banque pourrait encore décider de répondre.

Le service de communication de la banque a admis que le secret bancaire « pouvait être levé ». Si et seulement si la question posée est du type « veuillez confirmer que j’ai eu ou je conserve une relation d’affaires avec UBS. » J. Cahuzac a fait savoir, par la voix de Me August, qu’il s’y refusait formellement.

« La banque semble désormais d’autant plus de bonne volonté (à condition d’en passer par ses subtiles règles) que si elle ne donne pas la réponse d’elle même, elle sera probablement contrainte de le faire par l’autorité judiciaire. », estime Challenges. Ce que dément de fait Le Canard enchaîné.
Mais le parquet pourrait demander l’entraide judiciaire pour tout autre motif que le principal invoqué. Resterait à la justice suisse de se prononcer.

En commentaires du dernier en date des articles de Mediapart, Rémy Garnier, ancien inspecteur des impôts dans le Lot, confirme qu’il y avait bien « soupçon de compte non déclaré en Suisse » et « diverses anomalies » (charges déduites, revenus pour 2003 à 2005) dans le cas de Jérôme Cahuzac. Conclusion de l’inspecteur désavoué par sa hiérarchie : « l’égalité des citoyens devant l’impôt est constamment bafouée. ». Encore à présent ?

Tout autre chose. Puisque Michel Gonelle affirme dans les médias avoir reconnu la voix de Michel Cahuzac, qu’attend ce dernier pour l’assigner ?