Le Maroc a vivement réagit à la visite que prévoit d’effectuer à Sebta lundi prochain le Roi Juan Carlos d’Espagne. D’abord par un communiqué rappelant le caractère à relent colonial de cette visite et la marocanité historique, géographique et humaine de Sebta (Ceuta)de Mlilya ( Melllilia).

Aujourd’hui, le Maroc a rappelé son ambassadeur en Espagne pour consultation pour une durée indéterminée. En ce moment le débat fait rage au parlement marocain et tout porte à croire que des manifestations de protestations seront organisées dans les principales villes marocaines pour protester contre cette visite et réclamer l’ouverture de négociations en vue du parachèvement de la décolonisation.

Cette visite est interprétée comme une réponse maladroite à la visite effectuée la semaine dernière à Tanger et au port en chantier de Tanger-Med, appelé à devenir l’un des premiers ports de la Méditerranée et de l’Afrique et construit en grande partie par Bouygues, par le président français Nicolas Sarkozy.

Au cours de la visite de Sarkozy, des contrats pour 3 milliards d’euros ont été signés et cerise sur le gâteau, un protocole d’accord pour l’étude de la construction d’une ou de deux centrales nucléaires pour la production de l’énergie a été approuvé.

Tout cela a été certainement mal perçu par l’Espagne, d’autant plus que lors de sa dernière visite au Maroc, le roi Juan Carlos a été reçu par le roi Mohammed VI à Marrakech et a été dissuadé d’être reçu au nord du Maroc, comme il le souhaitait.

L’affaire de l’îlot Laila en 2002 est encore vive dans les mémoires ; mais bien plus que cette affaire, l’Espagne a toujours été perçue par les marocains comme un ancien colonisateur du nord du pays ayant gardé des réflexes coloniaux perceptibles dans ses relations avec le royaume. Hassan II ne s’y était pas trompé lorsque lors de son allocution au parlement portugais, il a fait l’éloge de son hôte dépourvu de comportements post coloniaux, et le message était bien entendu adressé aux espagnols.

L’Espagne n’a pas encore digéré la décolonisation des provinces du Sud du Maroc, de ce qui était appelé le Sahara Occidental, géographiquement, historiquement et juridiquement territoire marocain et qui fait l’objet d’un bras de fer marocco-algérien; l’Algérie hébergeant à Tindouf, ancienne ville marocaine rattachée à l’Algérie par la France au moment de l’indépendance du Maroc, et finançant le mouvement séparatiste du Polisario, sous couvert de « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », mais avec des visées hégémoniques pour une ouverture sur l’Atlantique.

Le soutien de l’Espagne aux séparatistes est conjoncturel, tantôt l’Espagne appuie le droit du Maroc sur ses provinces du Sud, tantôt elle reçoit en grande pompe les séparatistes comme pour narguer le Maroc sur d’autres dossiers tels que l’immigration clandestine, la pêche, le terrorisme, la contrebande, mais aussi et surtout le dossier de Sebta (Ceuta)et Mlilya ( Mellilia).

Le juge anti terroriste espagnol a même été plus loin cette semaine en déclarant la répression d’une émeute des séparatistes comme « crime de guerre » et en inculpant les responsables ; c’était en …1976 et Driss Basri, l’ancien homme fort de Hassan II, n’est plus de ce monde.

Mais si une plainte devait être déposée auprès de la Cour Internationale de la Haye pour génocide et crime de guerre, c’est bien à l’encontre de l’Espagne pour la guerre chimique qu’elle a menée contre l’armée de libération menée par Abdelkrim El Khattabi en 1926 à Anoual dans le Nord du Maroc et qui a fait plus de 50.000 morts et touché plus de 200.000 autres atteints de cancer de la peau et des poumons.

La colonisation espagnole du Nord du Maroc est la pire de l’histoire des colonisations, et la colonisation de Sebta et Mlilya reste pour le Maroc comme un poil dans l’œil : 2 villes off shore, qui déversent quotidiennement sur l’intérieur du pays des millions, de lots de marchandises en contrebande, de gadgets chinois et de contrefaçons de grandes marques, de produits alimentaires périmés et toxiques, de cartons de tabacs et d’alcool en hors taxes. Une économie parallèle qui fait perdre au Maroc plus de 5 milliard d’Euros par an.

Paradoxalement, l’Espagne étant dans l’Union Européenne, les villes de Sebta et Mlilya sont dans l’UE, or ces villes sont en … Afrique !!! Et si l’UE a enrichi l’Espagne, elle a crée entre les frontières marocaines voisines et Sebta / Mlilya, la plus grande disparité du revenu moyen au monde entre 2 voisins: 1 à 15. Entre les frontières du Mexique et des Etats-Unis, le rapport est de 1 à 7.

L’Angleterre a intelligemment décolonisé Hong Kong, le Portugal, Macao; l’Espagne qui périodiquement soulève la question de décolonisation de Gibraltar, est pressée d’entamer des négociations avec le Maroc en vue de la décolonisation des villes marocaines de Sebta, Mlilya et des iles avoisinantes.

L’ère des colonisations est révolue

Depuis l'accession du roi Mohammed VI au trône, en juillet 1999, le souverain marocain a réorienté la vision geopolitique du Maroc de l'axe atlantique  Rabat-Casa vers l'axe méditerranéen Tanger-Saidia et d'énormes projets d'infrastructure ont vu le jour au Nord du Maroc, rattrapant par là le retard cumulé de plusieurs années d'abandon ee cette région aux trafics de tout genre : contrebande, trafic de cannabis, immigration clandestine.

Le Maroc ne peut pas se développer sans l'ouverture vers la Méditerranée et les enclaves de Sebta et Mlilya constituent un blocage de taille à la fois politique, économique et humain. Alors que l'Espagne n'y voit qu'une course d'influence Franco-espagnole, comme au temps du protectorat.