Après le transfert en France de Salah Abdeslam pour la prison de Fleury-Merogis, le feuilleton lugubre se poursuit. Et chacun de ses déplacements, sirènes hurlantes, défraye la chronique. Non content d’être logé, nourri, dans des conditions plus que décentes avec à sa disposition l’exclusivité d’un studio, d’une salle de sport, Salah A s’est engagé dans une bataille judiciaire pour obtenir la suspension de la vidéosurveillance permanente. Bien que le dispositif mis en place préserve son intimité, le terroriste ne fait pas profil bas. Il joue la montre face à ceux qui sont prêts à des concessions pour lui tirer les vers du nez. Débouté en première instance, il a fait appel pour un même résultat.

Devant notamment cette starification à outrance à coups de reportages, de crépitement des flash, voilà que resurgit cet éternel cas de conscience auquel sont confrontés les médias en période de turbulences : le dilemme cornélien entre le montrable et l’inmontrable. Et pour cause ! Quand Hannah Arendt observait Eichmann dans le box des accusés, elle découvrait, à sa grande stupéfaction, un médiocre personnage d’une indigence affligeante. Sans nulle intention de le dédouaner de la gravité des horreurs qu’il avait commises, elle affirmait ne pas percevoir en lui le monstre qu’elle imaginait. D’où sa théorie de la banalité du mal qui lui avait valu un certain dénigrement.

Une théorie qui trouve tout son sens aujourd’hui. C’est justement en prenant connaissance du parcours de ces criminels souvent à « l’intelligence de cendrier vide » que survient la tentation de faire la généalogie de la chaîne des responsabilités. Comprendre juste pour tenter de prévenir et jamais pour excuser l’inexcusable ! Si et seulement s’il n y avait pas eu le 11 septembre et si et si et si, marabout bout de ficelle…

Si toutefois la starification des terroristes dérange notamment pour sa potentielle influence sur certains individus, la diffusion bien dosée de leur CV avec nom prénom complets constitue à elle seule la base de toute information digne de ce nom. La presse ne peut en faire l’économie, au risque de rajouter des zones d’ombre à un problème déjà épineux, conformément au souhait de certains dont BHL, le métrosexuel. Si ce dernier, rompu aux subtilités de la politique, s’inquiète à juste titre d’une recrudescence de ce type de vocations par identification sous l’effet du matraquage par les portraits de terroristes, en revanche il passe sous silence tout le reste : l’impact désastreux de certaines alliances, de certaines ingérences dont les siennes. Lesquelles en amont font le lit des extrémismes. Comme s’il n y en avait pas assez, voilà une entourloupe de plus pour mieux nous enfumer…