Traité européen : la démocratie confisquée

Retentissant coup de gueule du journaliste Serge Faubert sur son blog, Ça grince, à propos de l'entourloupe du traité européen : "Il faut le répéter encore et toujours. Le document, adopté vendredi au Portugal, reprend l’essentiel des dispositions que les Français ont refusées en mai 2005.

Et comme on sait que ces gredins seraient capables de réitérer leur refus – si d’aventure on les consultait – on choisit cette fois de ne soumettre le texte qu’à la représentation nationale. Représentation qu’on sait acquise, contre l’avis de ses mandants, à ce projet, puisqu’elle en a soutenu la première mouture. A défaut de pouvoir dissoudre le peuple, contournons-le !

Qu’on ne vienne pas me faire ici le procès du souverainiste de service, archaïque, frileux, etc. Ce n’est pas le débat. Que l’on ait été favorable ou non à la constitution européenne, la seule question à considérer est la suivante : peut-on laisser la représentation nationale revenir sur une décision du peuple souverain ? Peut-on laisser commettre ce hold-up constitutionnel ?

Le culot de ces fossoyeurs est sans limite. Entendez-les se présenter en sauveurs. Comme des parents qui viendraient réparer une bêtise que leurs enfants, inconscients, auraient commise. Car c’est bien connu, seules les élites détiennent la vérité."


Merci Serge d'appuyer ainsi où ça fait mal, il faut dénoncer haut et fort ce scandaleux déni de démocratie. Sarkozy l'avait certes annoncé à l'avance : "Ceux qui disent qu'ils vont refaire un référendum… Je vous pose une question : si ce référendum, c'est encore non ? Avec le premier référendum échoué, on a mis l'Europe en panne. Si on a un deuxième référendum, on dit non, qu'est-ce qui se passe ? On détruit l'Europe ? (…) Je ne laisserai pas l''idée européenne partir comme ça".

C'était le 12 mars 2007 sur France Inter et nous parlions alors de cette conception très particulière de la démocratie, qui lui faisait proposer de rayer d'un trait de plume parlementaire le vote de 55% des Français, ces imbéciles qui n'ont pas compris qu'il fallait voter oui. Pas question de faire un nouveau référendum de peur que le résultat ne soit pas celui qu'il souhaite, de cela, on était prévenu.

Copie conforme
Par contre, ce qu'il n'avait pas expliqué aussi clairement, c'est que son traité serait la copie conforme du TCE rejeté par les Français (et les Néerlandais). imagesL'organisation Attac s'est livrée à une consciencieuse analyse pour établir ce constat avec évidence. Pour simplifier, le libéralisme capitaliste pur et dur reste l'horizon indépassable de l'Union Européenne : "au fil des articles, des protocoles et des déclarations, on s’aperçoit que cette concurrence (libre et non faussée, Nda) demeure omniprésente, et qu’il est impossible d’échapper au modèle néolibéral.

C’est la concurrence qui régit les services d’intérêt économique général (SIEG) et qui risque d’être étendue aux autres services publics. C’est elle encore qui sert d’excuse au refus d’une harmonisation sociale et fiscale par le haut. Le traité, tel qu’il se présente, rend impossible pour les États un autre choix que celui du libéralisme débridé." Ce qui s'illustre à merveille dans le domaine monétaire : "Quant à la Banque centrale européenne (BCE), elle échappe à tout contrôle démocratique, et conserve comme seul objectif la stabilité des prix, promue au rang d’objectif de l’Union".

Et les droits fondamentaux ? Leur charte "a certes une «valeur contraignante», mais ces droits sont en général de très faible portée et leur application est renvoyée aux «pratiques et législations nationales». Ainsi la Charte ne crée aucun droit social européen". On ne peut enfin pas aborder le domaine diplomatique sans se désespérer, qui entérine la canichisation de l'Europe vis-à-vis des Etats-Unis, comme le dénonce l'Appel des Attac d'Europe contre le Traité modificatif : "la défense commune de l’Union n’est envisagée que dans le cadre de l’OTAN, et le militarisme est officiellement encouragé : «Les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires.»

Au nom de la lutte contre le terrorisme, les interventions militaires à l’étranger sont même encouragées. Autant d’éléments qui figuraient déjà dans le TCE et qui on été repris mot pour mot dans le nouveau traité.Ce traité modificatif est marqué de bout en bout par le néolibéralisme, tant dans les principes qu’il promeut que dans les politiques qu’il prône. Les rares points positifs ne remettent pas fondamentalement en cause le fonctionnement actuel de l’Union et son profond déficit démocratique."

 

GiscardConstitutionUEEntubage
Un texte donc inacceptable sur le fond, et dont l'adoption parlementaire représente un gigantesque entubage démocratique du peuple ayant rejeté le TCE. C'est justement l'auteur du premier Traité constitutionnel, Valery Giscard d'Estaing, qui l'écrit, dans une Tribune publiée par Le Monde : "les outils sont exactement les mêmes, seul l’ordre a été changé dans la boîte à outils (…)

Le traité de Lisbonne se présente ainsi comme un catalogue d’amendements aux traités antérieurs. Il est illisible pour les citoyens, qui doivent constamment se reporter aux textes des traités de Rome et de Maastricht, auxquels s’appliquent ces amendements. Voilà pour la forme. Si l’on en vient maintenant au contenu, le résultat est que les propositions institutionnelles du traité constitutionnel (…) se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent, et insérées dans les traités antérieurs. (…)

Concernant, ensuite, les réponses apportées aux demandes formulées notamment en France par certains adversaires du traité constitutionnel, il faut constater qu’elles représentent davantage des satisfactions de politesse que des modifications substantielles. Ainsi l’expression "concurrence libre et non faussée", qui figurait à l’article 2 du projet, est retirée à la demande du président Sarkozy, mais elle est reprise, à la requête des Britanniques, dans un protocole annexé au traité (…). Il en va de même pour ce qui concerne le principe de la supériorité du droit communautaire sur le droit national (…)

Le texte des articles du traité constitutionnel est donc à peu près inchangé, mais il se trouve dispersé en amendements aux traités antérieurs, eux-mêmes réaménagés. On est évidemment loin de la simplification. Il suffit de consulter les tables des matières des trois traités pour le mesurer ! Quel est l’intérêt de cette subtile manœuvre ? D’abord et avant tout d’échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dispersion des articles, et au renoncement au vocabulaire constitutionnel."

Le peuple français a voté non au TCE. On ne lui demande pas son avis pour lui en imposer une copie. Est-on encore en démocratie ?

Mise à jour de 8h 23 : On nous abreuve de sondages à tous propos, la plupart du temps pour conforter le gouvernement, mais aucun média français n'a pris l'initiative de faire interroger nos compatriotes sur le sujet. C'est ce qu'a fait le Financial Times, et le résultat est clair : 63% en faveur d'un nouveau référendum. Marianne2, qui publie les résultats du sondage, le commente ainsi : "une fois de plus, les élites préfèrent contourner le suffrage universel et tenter de faire adopter le Traité en catimini, et les dirigeants de médias préfèrent regarder ailleurs. Comme pour le référendum de 2005, un défi redoutable est ainsi lancé aux vrais démocrates : au-delà de leurs options pour ou contre le Traité, seront-ils capables d'imposer le débat interdit par les élites ?"

 

Une réflexion sur « Traité européen : la démocratie confisquée »

  1. J’accuse : lettre ouverte à Nicolas Sarkozy et à la représentation nationale !

    J’accuse en conscience la représentation nationale de se faire complice sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, de l’ignominie d’un forfait qui n’aura d’égal dans notre histoire contemporaine que la relégation de la République par le Maréchal Pétain !

    Oui, j’affirme que le 4 février 2008 les parlementaires réunis en congrès à Versailles, s’apprêtent à commettre l’irréparable en acceptant sans coup férir la révision de la Constitution Française, révision qui ouvrira la voie à l’adoption du Traité de Lisbonne, traité complexe qui n’est ni plus ni moins à plus de 99% la « constitution » européenne rejetée par le Peuple français en 2005.

    D’ailleurs cette procédure choisie par Nicolas Sarkozy est-elle conforme à notre Constitution ? Rien n’est moins sûr ! Primo en optant pour la voie parlementaire, le Chef de l’Etat s’assoit sur la souveraineté populaire puisque les Français ont rejeté la Constitution européenne et que le traité de Lisbonne en reprend l’essentiel.

    Secundo, la Constitution Française prévoit dans son article 89, al. 2 une règle qui vaut pour toute révision : « Le projet ou la révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum ». Le père de la Constitution Française, Michel Debré, rappelait que le référendum devait demeurer la voie normale de la révision et que l’application de l’alinéa 3 (Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum, lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ) de l’article 89 de la Constitution Française ne pouvait être mise en œuvre que pour des révisions mineures de la Constitution Française.

    Or l’intégration dans la Constitution Française du Traité de Lisbonne, traité modificatif du traité de « constitution européenne » n’est en rien une révision mineure de notre Constitution, ce qui de droit conduirait à la convocation non de la voie parlementaire mais de la voie référendaire. Procéder autrement serait violer purement et simplement la Constitution Française, la loi fondamentale du peuple français.

    Le Conseil constitutionnel avait déjà statué sur le traité européen de « constitution » européenne et il estima qu’il portait « atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté ». Le substitution du traité de Lisbonne à la défunte « constitution » européenne ne changera rien à cet état de fait, ce qui avait conduit l’ancien Président de la République, Monsieur Jacques Chirac à n’avoir que pour seul choix et devoir républicain de convoquer un référendum.

    Nicolas Sarkozy entend faire fi du droit constitutionnel et s’apprête à piétiner la Constitution Française et son expression populaire. C’est pourquoi j’insiste sur le fait que ni le Président de la République, ni les parlementaires ne détiennent de titres justifiant qu’ils anéantissent le droit politique de tout citoyen de décider, en tant que partie du peuple souverain, d’une révision majeure de l’acte fondateur et suprême de notre droit qu’est la Constitution Française.

    Si toutefois la représentation nationale par lâcheté s’avisait à commettre un tel acte, la résistance populaire et déterminée à l’oppression que constituerait ce viol démocratique deviendrait non seulement le droit le plus légitime de chaque Citoyen mais elle serait aussi le plus impérieux devoir de toute la Nation avilie par ceux qui sont censés la représenter !

    Ce droit de résistance à l’oppression appartient à tous ! Il est fondé sur l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui l’établit comme un droit naturel et imprescriptible au dessus de la Constitution.

    Aux Armes Citoyens, marchons, marchons, sur Versailles !

    Koffi Ghyamphy

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