Les allumés du califat islamique communiquent soigneusement et sous contrôles sur un peu tout et n’importe quoi. Là, ils proposent d’envoyer un détachement à Ferguson pour conquérer un territoire aux États-Unis à la faveur des émeutes faisant suite à l’acquittement d’un policier pour le meurtre d’un jeune homme. De l’aide, oui, mais à la condition de se rallier au führer Abu Bakr al-Baghdadi, d’adopter la charia dictée par Mahomet, de renoncer aux sheitans des lois votées sous régime démocratique.

« Renoncez aux lois érigées par les hommes et à la démocratie », prêtez allégence au calife, et nous viendrons combattre avec vous en compagnie de soldats « qui ne dorment pas, boivent du sang et ont le carnage pour loisir ».
Tel est le tweet enthousiaste émanant de #IS2Ferguson, accompagné de photos d’hommes cagoulés, dont un certain Abu Hussain al-Britani, et d’un poignard de jeu de rôle…
Dans ce type de propagande soigneusement élaborée et validée avant diffusion, la religion tient de fait une place de second plan.
Montrer un gant Nike est toutefois toléré (Adidas ou Le Coq sportif sont peut-être moins prisés…).
Ce qui est reproché aux chiites de diverses obédiences ou aux musulmans non salafistes intégristes, c’est surtout de tolérer, comme en Iran ou au Maroc, une dose de démocratie, pour le moins formelle, mais déjà « impie ».
Ein, zwei, drei…
Une oumma, une Terre, un calife, telle pourrait être la devise du califat islamique. Un, deux, trois, c’est tout bon. Tout le monde derrière le chef qui dicte à sa guise les lois et règlements censés lui être inspirés par le coran (si ce n’est directement un dieu en personne), et les peuples de l’Univers connu et inconnu seront réunis dans une même entité idéale.
Idéale, peut-être, pour le calife et ses proches qu’il maintiendra ou non en vie et engraissera davantage de prébendes que de spiritualité.
La propagande s’affine et désormais, les armes sont mises au premier plan sans trop de garde-temps de luxe ou de bling-bling apparent dans le décor.
Quant à la rhétorique, certes, il pourrait être fait plus sobre, mais, justement, la consigne est de se montrer grandiloquent, exaltant, pour susciter une adhésion sans faille.
Pour faire bonne mesure, on réécrit l’histoire en faisant appel à la mémoire des Malcom X ou d’autres chefs de file de mouvements américains dont il est présumé que leur pratique islamique était islamiste grand teint pur jus sunnite intégriste.
Il n’est d’autre calife que le calife, que son nom vénéré soit sans cesse invoqué.
Tout cela a été relayé à l’envie et paraphé #FergusonUnderISIS, et on verra peut-être des #Sivens ou #NotreDamedesLandesrégie par l’ISIS. Ce pourvu que quelques barbus s’implantent, dressent une sorte de minaret et modifient la dénomination des sites s’ils sont estimés peu conformes.
L’appel émane du Britannique Junaid Hussain (à présent Abu Hussain al-Britani), dont le téléphone s’orne d’un écran « cali-fatal ». Pas de « fait ta bayah » (allégence) et t’auras de bayadères au plumard puisque ces braves jeunes gens ne dorment pas et ne font des galipettes qu’à l’entraînement sur le parcours du combattant. Cela étant, piller le WalMart de Ferguson, le bazar de Raqqa ne recelant plus grand’ chose d’intéressant, et quelques bonnes razzias dans l’Ohio doit certainement titiller les vocations.
Un référent édulcoré
Ces sauvageons ne sont pas motivés que par leur croyance dans les super-pouvoirs de leur calife. Ils connaissent du coran ce qui les arrange et exhortent les habitants de Ferguson de s’inspirer de Bilal Ibn Rabah (ou al-Habashi). Ce dernier était l’intendant et régisseur général d’un potentat polythéiste. Lequel, apprenant que son esclave pensait que, tôt ou tard, Mahomet vaincrait et qu’en conséquence il avait pris les devants en se convertissant à l’islam, entreprit de le châtier.
Mahomet délégua à un proche le soin de négocier son échange contre un autre esclave moins affaibli que Bilal et comme ce dernier restait néanmoins doté d’une voix puissante, il le nomma premier muezzin de la première mosquée de Médine, puis de celle de La Mecque. Il est présumé que lorsque l’âge l’époumona, et qu’il devint peu capable d’assumer ses fonctions, il fut affranchi. Il mourut, selon les sources, aux alentours de 60 ou 70 ans.
Comme son histoire fut portée à l’écran et qu’il fut incarné par l’acteur sénégalais Johnny Sekka, les Afro-Américains de Ferguson sont censés l’identifier à l’un de leurs lointains ancêtre, ce qui reste, au sens second et ancien du terme,improbable. Mais comme l’estimait Furetière, « il y a bien des vérités qui sont improbables, au-dessus de la raison » (et parfois bien commodes et idoines à l’occasion du moment). Va donc pour Bilal, en qui d’aucuns voient un Africain ou au moins un métis ou quarteron.
Que l’on sache, pas davantage que le coran ou Mahomet, le califat n’a pas formellement condamné l’esclavage. Les Afro-Américains de Ferguson pourront cependant s’en consoler, car un Sémite ou un Occidental pouvait tout autant qu’un Africain être réduit en esclavage, tout combattant ennemi ainsi que sa famille et ses esclaves pouvant être employés, revendus, &c.
Internationalisme patriarcal
Mais à présent, sans proclamer qu’il y aurait un bon esclavage, celui régit par la charia, et un mauvais (celui pratiqué par les infidèles au calife), il est décrété que l’un était plus égal et plus probre que l’autre. Mahomet prêchait qu’il était inutile de les punir, car il suffisait de s’en séparer en les vendant. On pouvait aussi s’en débarrasser en trucidant un rival, un concurrent : dans ce cas, refiler un esclave pas trop mal en point pouvait acquitter de la dette et suffire en réparation.
En Turquie, Erdogan vient publiquement de décréter, conformément à la charia, que la femme n’est pas l’égale de l’homme et qu’il y a un féminisme musulman conforme et évidemment distinct de celui influencé par « l’étranger ».
La presse occidentale s’en est fait l’écho, mais il faut vraiment consulter la presse turque anglophone pour se former une idée adéquate de la manière dont l’AKP envisage le féminisme. Édifiant ! Soit bonne musulmane, ô être voué à la procréation, et occupes-toi des affaires dont il t’es donné loisir d’exercer.
Avec le califat, femmes et esclaves sont « libérés » du mauvais esclavage et du mauvais patriarcat qui, eux, ne sont pas remis en cause pourvu que leur gestion convient au calife dictant le bon esclavage et le bon patriarcat. Aussi simple que cela.
Comme le résume un certain cheik « Abd Allâh bin Hamid » Ali, l’esclavage « selon les enseignements prophétiques » était bien plus doux et « attrayant » (faute d’être libre, c’est un bon emploi) que les autres, allogènes à l’islam, et « gardez à l’esprit que les esclaves n’étaient pas tous noirs » (et pas forcément albinos).
Bref, du moment que l’esclavage n’est pas tout noir, qu’il présente des avantages, il faut assumer l’islam tout comme la droite française, selon Nicolas Sarkozy, doit s’assumer pleinement. D’ailleurs, les salariés à deux euros de l’heure ne sont pas tous des métis, ils peuvent être souchiens pur jus, et même blonds ou roux.
Par la suite, post mortem, Allah départage les siens des autres selon leur piété (Zâd al-ma’âd, 5/158). Notez que selon ce hadith, en tout cas selon ses traductions admises, l’égalité ne concerne, comme l’a remémoré Erdogan, que les hommes entre eux.
Le coran est parfois très réminescent d’un testament chrétien ou d’un autre et le « regardez les petits oiseaux dans le ciel » christique devient (s4-v92) « s’ils sont pauvres, Allah pourvoira, par sa grâce, à leurs besoins ». Habitantes, résidants de Ferguson, la conversion au calife ne vous enrichira pas forcément, mais votre mieux-être coulera de source divine.
Les jeunes esclaves femelles, « si elles veulent rester chastes », ne doivent pas être contraintes à la prostitution. Convaincre n’est pas contraindre, n’est-il point .. Et qui n’est plus chaste (entendez, vierge), peut entretenir son souteneur.
Qui réside à Ferguson ou ailleurs gagnera à approfondir la conception que le calife de l’État islamique se forme de lui-même. Il est sévère, certes, mais juste. D’ailleurs, chez lui, c’est inné. Il est d’une nature similaire à celle du présumé Jésus-Christ. S’il se goure, c’est qu’il est resté humain, légèrement trop humain (et ayant droit à l’erreur), mais la plupart du temps, il est divin. Si cela se gâtait, son usurpateur établira que l’inné n’était pas si durablement acquis chez lui.
Le Coran pour les Nuls, de Chebel et Sultan (éds First) n’a pas été adapté déjà en version approuvée par le calife. Celui a l’intention de Ferguson le sera pour les nullissimes. Après conversion, il sera toujours temps d’approfondir.
Et puis, sa meilleure exégèse, c’est l’usage et la pratique du jihad. En moins de deux temps, trois mouvements, emballez, c’est converti… On peut donc aisément réduire les infidèles à l’esclavage – le convenable –, au préalable, et se convertir encore plus vite que l’on se marie à Las Vegas.
Les djihadistes al-Franci vous le disent, si vous n’êtes pas assez futé pour les rejoindre, alors que c’est l’enfance de l’art, tu peux commencer le jihad à domicile.
Enfants et ados soldats
Tape de la bouffe à la superette, mais une fois dehors, balance un caillou dans la vitrine en clamant que dieu est grand. Tu peux commencer hors des heures de grande affluence, pour t’enhardir ensuite. Parmi les djihadistes français en Syrie, « beaucoup de jeunes de 14-15 ans » détaille Abu Omar, qui en est revenu et s’est réfugié dans la sympathique Turquie d’Erdogan.
L’appel est d’autant plus attrayant que Dabiq, l’organe du califat à destination de l’étranger, prône de venir faire l’école buissonnière dans le califat : « les écoliers et étudiants qui se réfugient derrière leur scolarité ou leurs études doivent se repentir et répondre à l’appel de l’hijrah sur le champ » est-il stipulé en substance (nº3, p.26). L’hijrah est la voie de passage vers le jihad.
Notez que le califat est le seul État au monde encourageant l’immigration massive. Tout converti, toute musulmane, sont bienvenus. En cas de surpopulation, dieu y pourvoira, en vous poussant en avant pour repousser les frontières (avec promesse de balle dans le dos pour qui recule ?). C’est d’ailleurs pourquoi le califat garantit le plein emploi (Dabiq, nº 3, p. 29).
L’Eldorado des minots
Plus besoin d’attendre une dérogation pour se marier vers ou avant 16 ans, et c’est tellement amusant d’éduquer les gamins en bas âge avec de vraies armes, plus faciles et moins chères à trouver que des imitations en plastique fabriquées par des enfants infidèlès chinois (qui pourraient faire de bons esclaves habitués sérieux à se faire suer la natte).
On oublie seulement d’indiquer aux plus jeunes bizuths qu’ils seront d’abord de corvées de pluches et cirage de bottes, de popote et de torchage des gosses pour les filles. Mais dans un monde de plus en plus complexe, commencer à apprendre par cœur le coran approuvé par le calife suffit à t’assurer un avenir (de martyr pour les plus exaltés, de flic ou fliquette islamiste pour les moins doué·e·s). Fastoche.
La vulgate du jihad du calife est aussi simpliste que la méthode miraculeuse pour agrandir les pénis. Sauf que la loupe que tu reçois est coranique, ce qui change tout. Pas besoin de connaître les couplets de la salsa du calife, le refrain suffit.
Et pour passer en Syrie, faute de mieux, tu peux obtenir de l’aide d’une faction islamiste pas encore affiliée au califat. Si tu es capturé, tu deviendra esclave, mais attention, esclave musulman : emploi à vie, retraite d’éventuel affranchi pas vraiment garantie mais envisageable lorsque ta voix chevrotera, eau fraîche gratuite pour tes ablutions… C’est plus facile que d’obtenir un crédit Cétélem. Alors, convaincu ?