La France semble s’orienter vers une heure de vérité. La persistance de son attractivité économique et industrielle ne serait vraiment plus aussi assurée. Comme en atteste notamment l’Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII) ou  l’European Investment Monitor, dont les appréciations sont justifiées et éclairées, le pays se heurte au recul ou pour le moins à l’attentisme prudent  des sources potentielles étrangères d’investissement sur le territoire national. Et si la France laissait passer le train de la reprise économique dans lequel bien des pays ont déjà pris place ?  

S’agissant des citoyens, 76% d’entre eux estiment comme « probable » ou « certain » que la France connaisse une explosion sociale durant les prochains mois, selon un sondage paru récemment dans le journal Ouest France. Comme le précisait la même enquête le pourcentage s’élevait déjà à 64% en Janvier 1998, 66% en Avril 2009, atteignant 70% en Avril 2013. Un « mal Français » particulier  frapperait tout un peuple depuis des années ?  

Évoquer un travers intrinsèque ou une pathologie somatique chronique permet à divers observateurs ou élus d’expliquer ce phénomène. La dégradation de l’image ou de l’état bien réel de l’économie de la supposée « cinquième puissance du monde » n’est pourtant pas une vue  de l’esprit. Il est à noter que les 39/45 ans recouvrent 80% des réponses participant de l’enquête parue dans Ouest France. Les Français  désespèrent de leur pays, 73% d’entre eux pensant pareillement que la France est actuellement en « déclin » selon un sondage réalisé par l’institut CSA. En outre, 88% des Français affirment que « les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne se préoccupent pas des gens comme eux ». Les Français ont majoritairement une perception négative des partis politiques (à 75%), des syndicats (à 52%), des médias (à 49%) ou encore du Parlement (à 50%). Le peuple remet le « modèle français » en question. Outre la critique d’un mode de gestion économique et social ou de sa représentation nationale, le peuple atteste surtout de sa plus grande maturité. Et si la France était prête pour atteindre l’âge adulte de son Histoire ? L’espoir caché derrière le French Bashing ? Les premiers pas vers un nouveau modèle plus adapté au monde actuel..

Entendre le président français déclarer que « nos Métropoles sont de taille Européenne, et parfois même …mondiale » confirme la difficulté que la France éprouve à se considérer encore comme une puissance de dimension mondiale, à contrario du Royaume-Uni et de l’Allemagne. Ces deux pays amis progressent manifestement avec plus d’aisance à bord de la « mondialisation »,  laquelle demeure un adversaire ou grand méchant loup dénué de toute morale aux yeux des français.  

Le Baromètre de l’attractivité de la France 2013 reflète ainsi un décalage frileux de notre pays par rapport à la marche du Monde, n’ayant de fait bénéficié que de 471 projets d’implantation d’entreprises étrangères en 2013 (en diminution de 13%) par rapport à ses deux principaux concurrents européens. Outre le pessimisme en partie « chronique » de ses citoyens, le « modèle » français serait-il devenu le pire frein à son propre développement ?  

Alors que bien des pays voisins repartent à la conquête de la croissance, la France aura donc commencée l’année 2014 par la création d’un « Conseil de Simplification », formule en soi représentative de toute une gouvernance demeurant plus volontiers dans la conjecture et le débat que dans l’action ? A n’en pas douter « l’Observatoire des contre-parties » trouvera les moyens de faire plus compliqué.  Alors que leur président ose fébrilement ressentir la « cristallisation »  prochaine du meilleur de la France, les citoyens songeraient donc à se révolter les mois prochains…d’abord contre eux même ? A moins qu’un « Conseil de l’attractivité » ne vienne les rappeler à tous leurs atouts.  

Le contraste reste en effet saisissant entre les entreprises installées sur le territoire national, se montrant souvent revendicatives (parfois à juste titre s’agissant des charges), et le regard que portent malgré tout les possibles clients de la France. Ils nous attribuent toujours des atouts que nous nous refusons nous même, qu’il s’agisse « de technologie, de potentiel industriel, du nombre et du dynamisme des créateurs, d’un mode et art de vie », bref « tout pour prétendre à un destin à la hauteur de notre Histoire ». Autant de propos présidentiels qui tardèrent longtemps à se faire entendre d’un bord à l’autre de l’échiquier. Le « pays des droits de l’Homme » tiendrait-il à compter toujours plus de pauvres pour garder sa « mission » philosophique et existentielle ? La France intra-muros serait devenue prisonnière de tous ses démons intérieurs. Les riches seraient donc toujours plus malhonnêtes que tous les pauvres réunis ? L’argent aurait mauvaise odeur en public et toutes les vertues en privé. L’ambition garderait toujours les dents trop longues de façon officielle, mais elle agirait en maître fraternel en coulisse. Oui, il est grand temps de « mettre de l’esprit de réussite dans ce pays » comme l’aura affirmé le président, quitte à tourner le dos à bon nombre de ses discours de campagne. Le récit se déroulerait comme il fut écrit de longue date. La France semble rejeter tout ce que ses racines chrétiennes ont de bon, des talents que chacun se doit de fructifier jusqu’aux graines créatives qu’il faut semer et non pas épargner, pour n’en garder  qu’un rejet aveugle de l’argent, vouant par la même tous « les patrons » ou créateurs de richesse aux enfers. Un « Conseil en ligne idéologique » sera probablement inauguré pour définir la doctrine « sociale » ou « libérale » sur laquelle faire reposer la gouvernance idéale française. Pour peu que le pays en décide encore vraiment.


Les résultats du Baromètre de l’attractivité de la France 2013 notent que « les investisseurs étrangers adressent un dernier appel à la France pour qu’elle devienne enfin un acteur à part entière de l’économie mondiale ». Outre « la crise » permettant aux dirigeants successifs de justifier une dette publique qui ne cessa de croître depuis plus de 30 ans, notamment pour alimenter  un Mammouth  Public sans équivalent dans le monde, la France ne peut donc plus contourner une remise en question générale de son « modèle ». Non pas qu’il faille engager une chasse absurde et injuste « aux fonctionnaires », mais le pays dans son ensemble  semble en effet s’être lui même cru dépositaire d’un statut « à vie » de puissance mondiale,  perdant peu à peu toute sa volonté d’innover ? La gestion même du Service Public possiblement si noble dans sa « mission » initiale traduit ce conservatisme frileux d’enfant gâté allant jusqu’à ignorer le monde pour prolonger son système autant ruineux qu’agonisant. 2014 aux urgences ?

Avec 471 projets d’implantation industrielle internationale enregistrés en 2013, soit un recul de 13% par rapport à 2011, la France aura pourtant eue tout le temps de voir venir les menaces de déclassement qui pèsent sur elle. Les 10 540 emplois associés à ces investissements étrangers sont en diminution de 20%. Même si la France garde sa 3ème place au classement européen, elle passe ainsi au 5ème rang en termes d’emplois créés, derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne, la Russie et la Pologne.  

Toujours selon le Baromêtre de l’attractivité 2013, alors que la France demeure donc en 3ème position au niveau européen, le Royaume-Uni confirme son leadership historique avec 697 projets étrangers annoncés en 2013, et l’Allemagne conforte sa 2ème place avec 624 projets. Ces deux pays bénéficient en effet d’une augmentation du nombre de projets étrangers d’implantation industrielle, accroissant ainsi l’écart avec la France.  Que le président français souhaita que « Berlin et Paris se coordonnent en amont des grands projets » pourrait bien voir en retour l’Allemagne choisir de prospérer par elle même.  

Certes, 63% des investisseurs étrangers gardent leur confiance à la France pour surmonter la crise actuelle (ils étaient 70% en 2012). Mais 69% de ceux qui s’y sont déjà implantés mettent en doute la politique d’attractivité nationale à l’égard des investisseurs étrangers. Ces derniers n’étaient que 36% à dire vouloir lancer des activités en France en 2013, contre 43%  en 2012. Après tant de mois marqués en France par un discours pour le moins agressif à l’égard des entreprises, voir les investisseurs se situer désormais en observateurs prudents ne saurait surprendre. Après que la France tourna le dos au monde tous ces derniers mois, il reste à espérer que le monde ne lui rende pas la pareille désormais.  Que le sommet de l’état se demande « si  nous serons dans dix ans, un pays désolé qui regarde les autres »  n’est plus seulement une hypothèse défavorable. Au sens plein du terme, le besoin se fait sentir d’un vrai « pacte de responsabilité », et d’abord dans le choix courageux d’une stratégie économique et sociale volontariste.  L’insatisfaction des investisseurs étrangers sur l’attractivité de la France renouait donc l’an passé avec son niveau record atteint en 2009, peu après la grave crise de 2008. Le pessimisme ou la distance des investisseurs recouvre bien des facteurs spécifiques liés à la politique menée ces derniers temps en France. Le président n’aura pas manqué de se questionner lui même pour ce qui est de « voir la France prendre le wagon de queue ou être la locomotive » des pays européens.  Et les français ? La plupart reste toujours plus nombreux sur le quai, dissuadés par les charges d’oser se lancer, ou abandonnés aux minimas sociaux.



Pour ceux qui se comptent parmi les 10 ou 12 millions de citoyens « vivant » au seuil de pauvreté, les 4,5 millions de chômeurs  partiels ou absolus évoqués par le président lui même, les 12000 qui se suicident chaque année…l’idée de prendre un train ne leur vient plus.  

Selon l’étude de CSA réalisée fin 2013, le manque d’égalité dans la prise en compte et considération reste l’un des principaux maux qui frappe le pays. Ils sont 74% à justifier leur opinion en ce sens. Un véritable sentiment d’abandon demeure donc très présent dans la population, des plus démunis jusqu’aux entrepreneurs débutants.  Ainsi, 88% des Français affirment que « les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne se préoccupent pas des gens comme eux ». Les Français gardent une approche négative des partis politiques (à 75%), des syndicats (à 52%), des médias (à 49%) et du Parlement (à 50%). L’urgence d’un pacte de confiance est là, avec les entrepreneurs, comme avec une majorité de français.  Gardons que selon la même enquête 57% des citoyens estiment que ce qui divise les Français est plus fort que ce qui les rassemble.  Pacte de responsabilité ? Aussi dans le Vivre-ensemble. 

La représentation nationale est marquée par un désaveu probablement jamais atteint auparavant. Le soupçon de malhonnêteté rivalisant avec l’accusation d’incompétence (69% le pensent). Ce sondage réalisé du 4 au 21 Décembre 2013 auprès d’un échantillon de 2 004 personnes représentatives de la population française selon la méthode des quotas, n’aura pas été sans caractériser aussi l’auditoire de la dernière intervention présidentielle.

Le fait que la France stagne à la 22ème place de l’Indice de Perception de la Corruption de Transparency International dans sa dernière édition n’est pas pour faire évoluer favorablement l’opinion majoritaire des citoyens. Le pays reste à la traîne derrière l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou les pays scandinaves. L’indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency international traduit la perception que les acteurs de la vie économique ont de la corruption affectant la vie publique de plus de 170 pays. Le pays supposé « des Droits de l’Homme » y fait donc bien mauvaise figure, malgré son "modèle" ?

Néanmoins, une écrasante majorité des personnes interrogées par CSA (94%) se disent attachés à la France et à certaines valeurs, telles que la famille et le travail.  Quitte à contredire bien des lois votées ces derniers mois, voilà de quoi alimenter le « président de l’offre » en idées nouvelles. Puisse l’accord de l’entretien qu’il a sollicité de la part du Pape éclairer la présidence, notamment au niveau de la famille, celle de France, restée longtemps « Fille aînée de l’Eglise ».    
 
La mondialisation ne saurait délocaliser la France, ni son expertise dans bien des domaines, ni sa culture de la qualité, ni sa créativité, ni la puissance et légitimité de son Histoire. Il reste à valoriser la prise de risque et les initiatives, à soutenir l’esprit entrepreneurial et la création de richesse pour la communauté. Il importe au plus tôt de rompre avec la tradition de la subvention, de lever le couvercle d’une fiscalisation et d’une bureaucratie plus que pesantes, d’en finir avec un discours de peur mêlée de jalousie à l’égard de tout ce qui marche. Que du fait de son "modèle" sclérosé pour être trop administré, la France soit elle même devenue son obstacle majeur au développement ?
 
Qu’il s’agisse ou pas d’une "attirance répulsion" des français à l’égard de leur représentation nationale, l’urgence de mettre en place un nouveau modèle économique et social  relève de l’évidence. En s’inscrivant dans son temps et  dans le mouvement d’un monde ouvert, la France a tout pour rester un des pays les plus attractifs. 

Guillaume Boucard.