Rares sont les films capables de faire réagir les critiques des décennies durant, et pourtant, le film Le vieux fusil de Robert Enrico sorti le 22 août 1975, aborde avec talent, authenticité et puissance l’envers de la seconde guerre mondiale avec toute l’émotion et le dégoût que l’on peut ressentir, à juste titre.

 
Réunissant plus de trois millions de téléspectateurs au moment de sa sortie, ce long-métrage fut primé par 3 césars (meilleur film, meilleur acteur pour Philippe Noiret et meilleure musique) et dix ans plus tard, par le césar des césars.
 
Directement inspiré de la tragédie D’Oradour-sur-Glane qui avait dû subir les exactions atroces d’une troupe de SS en déroute, le film Le vieux fusil est en fait un hommage tacite à ce fait historique qui ne doit en aucun cas être oublié.
 
Robert Enrico a juste ajouté une composante dans son histoire, la loi du Talion qui fut justement sujet à toutes ces controverses.
 
Pour mettre sur pied ce film, on fit appel à un casting d’exception :
Philippe Noiret (Les ripoux, Ripoux contre ripoux, Ripoux 3, Père et fils), Romy Schneider (Saga Sissi, La piscine, Les choses de la vie, La passante du Sans-Souci), Jean Bouine (Les choses de la vie, Subway, Nikita), Robert Hoffmann (Saga Angélique Marquise des Anges), Madeline Ozeray (Médecins de nuit(TV), Antoine Saint-John (Il était une fois la révolution, Maintenant on l’appelle Plata, Mon nom est Personne, Les brigades du Tigre(TV)), Jean-Paul Cisife (Les brigades du Tigre(TV)).
 
L’histoire narre, durant la seconde guerre mondiale, de la détresse d’un homme à qui les allemands ont tout pris et qui décide de partir en croisade seul pour venger l’assassinat de sa femme et de sa fille.
 
La bande originale autant magnifique, qu’oppressante du film fut signée par le compositeur François de Roubaix (Adieu l’ami, Dernier domicile connu).

L’histoire :

 
Julien Dandieu a toujours vécu dans le Tarn-et-Garonne, et est chirurgien à Montauban.
Il vit dans la demeure patriarcale avec sa mère, sa femme Clara et sa fille Florence, le fruit d’un précédent mariage, et possède également un château familial dans son village natal le Hameau de la Barberie qu’il rénove à ses heures perdues.
 
Julien avait fait la connaissance de Clara par l’entremise de son ami de toujours François, et s’était marié avec elle peu de temps avant la guerre.
En 1939, les vacances passées à Biarritz et les fêtes durant l’été de la même année dans le Hameau de la Barberie furent les seuls vrais moments de bonheur et d’insouciance, en compagnie de sa femme et de sa fille.  
 
Mais cette époque paraît bien lointaine déjà, en 1944, cela fait bien longtemps que la France est aux mains des allemands, et tout le monde vit dans l’angoisse de l’occupation.
 
Résistant dans l’âme, Julien n’hésite pas à soigner des maquisards dans son hôpital, au risque de s’attirer les foudres de la milice française qui n’hésite pas un jour à le menacer vertement en évoquant sa famille.
 
Julien prend peur et en parle à François. Il lui demande de mettre sa famille en lieu sûr, le Hameau de la Barberie est évoqué, finalement, il est décidé d’emmener dès le lendemain Clara et Florence, Julien les rejoindra plus tard.
 
Cinq jours plus tard, Julien ne tient plus et décide d’aller les voir le temps d’un après-midi.
 
Il est loin d’imaginer qu’un spectacle d’horreur l’attend, dans ce qui était jusqu’alors un hâvre de paix… 
 
Conclusion :
 
Il est important de préciser que ce long-métrage a fait coulé beaucoup d’encre depuis sa sortie, tantôt vénéré, tantôt abhorré par les critiques, mais ces réaction vives témoignent avant toute chose de la prégnance étonnamment puissante, si juste et finalement dérangeante de ses images.
 
Le réalisateur Robert Enrico a voulu rester le plus fidèle possible aux aspects contextuels et aux faits historiques de la seconde guerre mondiale, à l’exception de la trame principale de l’histoire se passant dans le château de Bruniquel, qui elle est totalement fictive.
 
Dès la scène d’ouverture du film, on peut assister brièvement à la pendaison de quatre résistants à Montauban, Robert Enrico a tenu à relater ce fait historique pour témoigner de la tension palpable et du climat de peur qui régnaient à cette époque, les nazis avaient voulu frapper fort en montrant ce qui était réservé à tous ceux qui osaient se lever devant l’ordre établi !
 
Par la suite, le film montre les conditions du couvre feu imposé par les nazis et le travail à l’hôpital du chirurgien Julien Dandieu, le personnage central de l’histoire, quant à ce lieu de travail, il est le point de démarrage du destin tragique réservé à sa femme et sa fille.
En effet, la milice menace vertement le chirurgien qui prend peur pour sa famille, et l’envoie dans un endroit qu’il croit être sûr.
 
Les scènes du viol collectif et des massacres dans le village eux aussi imaginaires, avec notamment le personnage interprété par Romy Schneider qui est brulé vif, sont à la limite du soutenable !
 
Par ces images chocs, le réalisateur a voulu montrer le vrai visage de la guerre et ses abominations, pour mieux nous rappeler ce qu’il s’est passé, et ainsi faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que de telles choses ne reproduisent plus jamais.
 
Selon moi, on ne peut pas faire réfléchir et marquer les esprits, si on montre des images édulcorées, les scènes du film sont volontairement crues et c’est cela qui constitue la vraie sémantique de l’oeuvre, même s’il est regrettable de voir que certaines critiques n’ont pas du tout compris le véritable message que Robert Enrico a voulu faire passer !
 
Robert Enrico a voulu mettre en exergue la souffrance du personnage Julien Dandieu qui réalisant qu’il a tout perdu, va éliminer un par un, les tortionnaires de sa famille et du village, au rythme de ses flash-backs tous plus douloureux les uns que les autres, où il se remmémore les moments heureux de sa vie.
 
Cet aspect de l’histoire peut déranger, en effet, la vendetta menée par le personnage Julien Dandieu peut être choquante, mais même si ce comportement peut être discutable, personne ne peut savoir quelle serait sa réaction dans une telle situation !  
 
Certaines critiques ont même été jusqu’à dire que le réalisateur faisait l’apologie de la guerre et de la violence gratuite, ce qui est totalement faux, il est important de dénoncer l’histoire, surtout cette période qui est tellement proche de nous, et cela est encore plus vrai à notre époque, où l’on peut assister à une poussée du racisme, de l’homophobie et de la xénophobie dans nos sociétés occidentales.
 
Ignorer la cruauté et l’absurdité de la guerre est le meilleur moyen de recommettre les même erreurs, et assister avec désolation à la récursivité de l’histoire !
 
Philippe Noiret campe parfaitement son rôle de victime et de justicier, son interprétation est magistrale, il s’agit probablement de l’un de ses plus beaux rôles.
 
L’équipe de tournage s’était sentie très troublée lors des scènes avec Romy Schneider, car elle était parfaitement crédible dans son rôle. Il s’agit d’un rôle de composition, en effet, jamais dans sa carrière, on n’avait pu la voir jouer un personnage aussi malmené et au destin aussi tragique.
 
Si je devais qualifier ce film en un mot, je dirais incontournable, il s’agit d’un film rare dans le cinéma français, un film qui a sa place dans le patrimoine culturel plus que tout autre, car il joue un rôle de mémoire pour toutes les victimes d’Oradour-sur-Glane.
 
Un film à voir absolument, ou à revoir !