« La Marche », le film de Nabil Ben Yadir

La Marche, le film de Nabil Ben Yadir a pour ambition de nous faire revisiter une certaine France de 1983. En cette année là les plaies de la guerre d’Algérie étaient encore bien vives aussi bien pour les partisans de l’Algérie française que pour les indépendantistes. Certaines rencontres entre ces deux groupes antagonistes ne manquaient pas de provoquer des étincelles du genre, « ratonnades ».  

L’expérience douloureuse du président de l’association « SOS Avenir Minguettes » lequel avait été la cible accidentelle d’un policier au cours d’une altercation contribuera au déclic de l’idée de cette Marche pour l’égalité relatée dans le film : en réponse à ce climat de xénophobie ambiante, avait donc germé le projet d’une marche pacifique pour l’égalité, de Marseille à Paris, Ghandi et Martin Luther King étant les maîtres à penser des instigateurs de cette aventure. Il n’y sont pas allés de main morte ! 

Une poignée de personnes sillonnera la France dans des conditions pas très évidentes. Après un démarrage peu enthousiaste où les foules espérées n’étaient pas au rendez-vous, la Marche a peu à peu commencé à prendre un peu plus de consistance. Les incidences d’un odieux crime viendront la rebooster plutôt que de lui porter le coup fatal : dans un train Bordeaux Vintimille, un touriste algérien sera tabassé à mort par des aspirants de la légion étrangère avant d’être balancé par la fenêtre, dans l’indifférence des passagers. 

C’est aussitôt l’éveil des consciences. Et par effet boule de neige, la Marche culminera entre la Bastille et Montparnasse de manière fulgurante. Cerise sur le gâteau, Georgina Dufoix, secrétaire d’Etat à la famille était venue annoncer aux Marcheurs que le président Mitterand en personne souhaitait les rencontrer. La récupération politique suivra sans trop tarder. 

Tout ce film nous est monté avec des spécimens pour le moins haut en couleurs : un tout gentil curé, (Olivier Gourmet), un chef de file avenant, Mohammad , un gras, obsédé de la bouffe, Farid, une lesbienne, une représentante de la jeunesse immigrée, Mounia, un clown de Djamel Debbouze, et la pire de tous Kheira, (Loubna Azabal), une comédienne aux allures de Fadela Amara. 

Le quotidien de ce monde est ponctué de conflits internes et du coup nous sommes aspergés à longueur de film d’engueulades, de colères hystériques. De temps en temps, on nous injecte une dose de piètre suspense, censé nous déstabiliser sous prétexte qu’en catimini les Renseignements généraux s’emploient à démanteler cette Marche contre le racisme. En vain. Quant aux notes de romantisme supposées contrebalancer le rythme, elles laissent à désirer : servies principalement par Mounia et Sylvain, Claire la lesbienne, elles sonnent archi-faux. 

Ce film de deux heures semble malheureusement desservir à fond la cause qu‘il prétend défendre en offrant à profusion du grain à moudre aux Finkielkraut et consorts. Le mauvais timing de sa sortie n’arrange pas non plus les choses : exhumer maladroitement un passé à l’heure où les priorités se bousculent , où l‘inquiétude est à son paroxysme… 

Pour couronner le tout, est sortie en marge de ce film, une chanson collective de rap émaillée d’éléments sonores et visuels du film de Nabil Ben Yadir : D’t’façon y’a pas plus ringard que le raciste / Ces théoristes veulent faire taire l‘islam/ Quel est le vrai danger le terrorisme ou le taylorisme/ Les miens se lèvent tôt, j‘ai vu mes pottos taffer/ Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo. Contre toute attente, ces paroles vulgaires ont réussi à sortir de ses gonds Charlie Hebdo. Le chantre de la liberté d’expression…

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