Tiens, on les avait oubliés (et bien plus qu’oubliées). Il s’agit de ces homosexuel·le·s s’étant prononcé·e·s contre le mariage pour tous, non point in petto ou en ordre dispersés dans quelques tribune ou forums, mais brandissant l’étendard et les oriflammes dans les manifs. Voilà que Jean-Pier Delaume-Myard, porte-parole catho romain et homo de La Manif pour tous, nous les remémore. Ceux (davantage que celles) d’Homovox ou de Plus gay sans mariage (cathofriendly), et d’autres, revendiquent une meilleure reconnaissance de la conférence épiscopale catholique romaine française et de leurs « bien-aimés » (comment ?) pasteurs une plus forte « promotion » publique. Foutaise, leur répond en substance Delaume-Myard…

Le site Radio Vatican a mis en ligne un appel intitulé « des catholiques français homosexuels contre la chape de plomb dans l’église et la société ». Bon, alignons les clichés : doit-on revenir aux bancs d’église ornés de noms de donateurs sur plaques de cuivre, cette fois avec un petit symbole ornemental « homo » ? Réserver un quota pour les diacres et les suisses « homos » ?

Je sais, il s’agit sans doute là d’un préjugé sans doute caricatural. Mais je n’ai pas entendu trop fort des lesbiennes catholiques lors des rassemblements des manifs pour toutes et tous, ou évidemment, lors des veilles silencieuses. Serait-ce parce que les homosexuels seraient moins animés de pulsions de paternité que les lesbiennes de maternité ? Ou que, ayant fondé famille, engendré, les homosexuels catholiques romains se satisfont fort bien de combler leurs attentes affectives et autres auprès de compagnons, dans le dos de leurs braves épouses ? Supputations gratuites, mais j’ai suffisamment fréquenté les milieux cléricaux catholiques romains pour présumer qu’une bonne dose d’hypocrisie puisse aussi marquer leurs contingents homosexuels s’affichant tels.

Extraits du fameux appel. Les signataires souffrent de « leur inclination subie ». Qu’en termes onctueux cette chose-là est dite ! Cela s’assortit d’un soupçon de chantage tout en componction : si pas de soutien, les personnes homosexuelles « continueront, notamment après un rejet familial, à se tourner vers certaines des associations LGBT – celles qui militent ouvertement pour diffamer le message de l’église ». En clair, retenez les plus faibles d’entre nous ou elles feront un malheur et négligeront « totalement le salut de leurs âmes ».

D’où la réclamation de pastorales, de pelerinages plus nombreux, d’action de grâce et d’onction des prêtres, évêques et fidèles. Il faut « rompre le silence médiatique ». Comment, en recensant fidèles, prêtres, prélats, invité·e·s à un retentissant coming out ? Nous qui avons tant fait « pour sauver le mariage et la filiation humaine, serons-nous remerciés en étant enfin justement reconnus ? », questionnent-ils (voire elles, ce qui ne saute pas aux yeux).

En quoi l’adoption ou tout autre mode de procréation excluant le coït seraient-ils moins humains que, par exemple, la vaccination ou la transfusion sanguine (que condamnent d’autres chrétiens) ? Inventions sataniques ? Mais bon…

Il s’agit surtout de conforter « la suite vertueuse » du mouvement citoyen anti-mariage pour toutes et tous. Bref, vite, des pasteurs portant l’écharpe gay en sautoir, des nonnes en manteaux arc-en-ciel, en tête des manifs, goupillons brandis, bras chargés de rameaux d’oliviers bénis, avant que les troupes homos vaticanes ne tissent « le linceul du vieux monde ».

Bah, après tout, pourquoi pas ? Foin de préjugés. Après tout, n’en étant pas, qu’en sais-je ?

Réplique de Jean-Pier Delaume Myard sur Le Plus : « Ce sont des attitudes et des appels  (…) qui créent l’homophobie en faisant penser que l’homosexualité est un pêché et qu’il n’est concevable que sans la pratiquer. ». Ou, en tout cas, la pratiquer fort discrètement, dans les presbytères, ou en pékin, backstage, croix et médailles ostensibles si l’on veut, mais plutôt clinquantes que discrètes, pas de celles pouvant s’assimiler à une appartenance au clergé ? Allez, je dérape encore.

Quoi alors ? Des tentes aux JMJ pour copuler et donner une maman, un papa, aux enfants des couples homosexuels ?

Frigide Barjot, et son nouvel Avenir pour tous, soutiendrait Homovox et l’appel conjoint. On avait connu Delaume-Myard cumulant sa fonction auprès de Frigide Barjot et une similaire pour le collectif Homovox. Lui aurait-on fait un enfant (sans jeu de mots) dans le dos ? S’adressant à François Hollande dans une intervention, il revendiquait : « je représente le Collectif Homovox » (25 jan. 2013). Quelque chose lui aurait échappé ?

Ou craindrait-il que les voix de l’appel de Radio Vatican soient trop vite vite, trop charitablement et avec enthousiasme, entendues ? Ce qui donnerait de prochaines manifs ou événements constellés de chasubles et robes noires, ponctués de cantiques, au point que les laïcs ressentent comme un malaise et désertent ?

La Vie a amplement répercuté l’appel, fait état des réticentes de Delaume-Myard, mais aussi donné la parole à Claude Besson (de Réflexion et Partage, pro-mariage pour tous), à Philippe Ariño, homo et auteur de l’écurie France catholique, et à Clément Borioli, 21 ans, qui semble avoir évincé Delaume-Myard dans son rôle de porte-parole d’Homovox. On voit que la question de la continence taraude. Car, souligne Marie-Lucile Kubacki, de La Vie, dans les faits (et les paroisses) « existe une division profonde sur le contenu ». Existe ou subsiste ou se développe et se renforce ?

Le message pour le moins sibyllin, n’engageant à strictement rien, du pape François sur l’homosexualité (mais présenté tel une avancée formidable), doit susciter quelques remugles dans les sacristies et sous les nefs.

L’ennui, pour la nébuleuse fort diversifiée des anti-mariage pour toutes et tous, c’est d’avoir à cohabiter et se révéler à soi-même que les clivages existent, s’approfondissent. La prêtresse latine tridentine (la chanteuse Sinead O’Connor reste Bernadette-Marie en religion, malgré sa bisexualité), qui souhaiterait « interdire tout mariage » (après divers mariages et divorces), y perdrait son grec. 

Mouvement initialement voulu très fédérateur, la Manif pour tous a pu rassembler aussi des laïcs redoutant que des enfants de couples homosexuels se retrouvent en butte à l’ostracisme, voire à des persécutions de cours de récréation. Après tout, du temps de la chrétienté catholique triomphale en de nombreuses régions françaises ou d’Europe du Sud, c’était aussi le lot des bâtard·e·s, voire des enfants de divorcé·e·s ou de filles-mères. Le faible – et fort prévisible – très lent accroissement des mariages d’homosexuel·le·s, concernant surtout des couples établis de longue date, et fort peu de très jeunes gens (s’il en était), n’a pas galvanisé les troupes, à présent ouvertement dissidentes pour certaines.

Ce que réclament les tenants de l’appel publié par Radio Vatican n’a sans doute que vraiment fort peu à voir avec la caricature que j’en fais supra. Une commentatrice marseillaise de La Vie rappelle que le bouffeur de curés qu’était Brassens était aussi l’ami du père Duval. Un homosexuel y relève la décision de la conférence épiscopale camerounaise (qui approuve l’emprisonnement des homosexuel·le·s), une ou un anonyme sous pseudo note que l’Aco (Action catholique ouvrière) se distingue de l’épiscopat français sur ces questions. Bref, des catholiques écoutent, fraternellement et sororalement (adelphiquement, écrirait Florence Montreynaud), tandis que des enjeux de pouvoir, voire électoralistes, se laissent entrevoir.

En médiocre religiophobe, je ne me précipiterai pas à tirer des conclusions, même provisoires, de cet appel. Je ne saurais consigner ce qu’il connote ou dénote réellement. Je suppute simplement, en mode prospectif aléatoire, que le mariage pour tous s’inscrit dans la durée, que la droite décomplexée estimera ce thème de moins en moins porteur. Sans elle, la dispersion ne saurait tarder. Voire l’évanescence. Je remarque un heureux reflux des actes et provocations homophobes. Est-ce corrélé ? Laissons à d’autres commentateurs le soin (et risque) de l’évoquer…

Terminons par une note « gauloise » : le texte, sur Radio Vatican, a été accompagné d’une  photo légendée « opposants au mariage pour tous lors d’une course cycliste organisée (…) entre Versailles et Paris ». Quoi, déjà un éloge la pédale ? Au fait, elles et ils s’étaient dopés ? À l’eau bénite ? Quoi qu’il en soit, on verra si le Vatican passera le braquet et lequel. Il est fort prématuré d’en augurer.