Valérie Trierweiler se rend sans doute en Afrique pour s’intéresser à des projets de l’Onu ou de diverses ONG s’intéressant aux problèmes des Africaines, mais, ouf, elle se dispense de créer et populariser sa propre fondation. Et la mise en lumière des dessous de la Fondation Carla Bruni risque de la faire réfléchir au moins deux fois avant de prendre une telle initiative. Au fait, qui finance vraiment cette fameuse fondation, et les fonds ne vont-ils pas davantage aux amis et affidés qu’aux bénéficiaires des actions popularisées ?
« J’ai le sentiment que l’esprit de solidarité n’a jamais été aussi présent dans notre société », énonce Carla Bruni sur le site de sa fondation. Intuition confirmée par les faits. Depuis le 4 juillet, et le lancement de sa souscription, l’UMP a perçu plus de sept millions d’euros, ce qui, compte tenu de la possibilité de rétrograder d’une tranche pour les impôts sur le revenu, privera Bercy et l’État sans doute de plus de 67 % de cette coquette somme…
En son temps, l’info selon laquelle la Cour des comptes était revenue sur les comptes de présidence de la République de mai à décembre 2012 ne m’avait pas échappée. Mais bon, les histoires de sondages sur tout et rien (genre maternité de Rachida Dati), les libéralités de la Fondation Carla Bruni à destination de proches, c’était pour moi de l’histoire ancienne, déjà très amplement traitée.
Mais il se trouve que le site Politique.net a relevé une confirmation incidente dans ce rapport. Le coût du site de la Fondation Carla Bruni était réglé par le contribuable et il a représenté 410 000 euros en 2011-2012. Avec, pour actualiser les contenus, non pas vraiment l’ex-première dame se collant devant ses clavier et écran, mais des prestataires extérieurs empochant 25 714 euros du mois. Faites la comparaison entre le renouvellement des contenus sur Come4News et celui de la Fondation Carla Bruni et vous aurez tout compris.
Certes, le site de Carla Bruni est (beaucoup) plus épuré, franchement plus élégant que celui de C4N, mais ce qu’on y apprend est succinct, et quelque peu « espacé ».
Le 20 juin dernier, on se félicitait de savoir qu’un jeune couturier, lauréat de la Fondation, avait décroché un stage d’été de trois semaines chez Jean-Paul Gaultier. L’info tient en quatre (longues) lignes et on ne sait pas trop s’il s’agit d’un stage rémunéré (et par qui).
Le 7 juillet dernier, la Fondation s’enorgueillissait d’avoir fait projeter le court métrage de Mohamed Megdoul, boursier de la fondation, au cinéma parisien Le Brady. Pas tout à fait (forte litote) Le Grand Rex, cette salle quelque peu confidentielle longtemps soutenue à aussi moindre frais que possible (léger euphémisme) par le cinéaste Jean-Pierre Mocky qui passait ses films en boucle. Cela tient en trois lignes. Même pas un lien vers le site du réalisateur (mohamedmegdoul.com) ni de mention du titre de la réalisation (s’il s’agit de Désir, bon, ben, bof… on voit bien que la Fondation a été très chiche sur les cachets de la figuration… les décors… &c., et je reste dans l’understatement).
Olivier Laurelli, de Rue 89, s’est penché en technicien sur la réalisation du site. Je vous passe les détails, lisez, lisez… Sa conclusion est fort amène (j’aurais plutôt, poing par poing, insisté sur le fondement) : « un doigt tendu bien haut au contribuable ». Sept lignes pour plus de 60 000 euros mensuels, c’est une balayette géante du Guinness des Records.
Mais l’essentiel n’est pas là. Voyons un peu le bilan 2012 des projets portant sur l’aide à la régression de l’illettrisme. On voit bien que des associations ou actions subventionnées, soutenus par des administrations et collectivités territoriales, ou par d’autres organismes caritatifs, ont été mises en valeur sur 136 pages au graphisme soigné. Mais rien n’est chiffré. Quelle est la part, l’apport de la Fondation, per se ? Demander des photos et des textes conformes au gabarit à ces associations ou organismes ? Leur donner un petit coup de pouce auprès d’administrations ? Impossible de le déterminer dans le détail. On ne sait d’où proviennent les 700 000 euros dont il est fait état, s’il s’agit de fonds publics ou privés.
Tout juste peut-on comprendre que, en mai 2011, Carla Bruni avait rencontré Gérard Depardieu, qu’au sommet du G8 de Deauville, où elle était invitée aux frais des contribuables, elle s’était entretenu avec des épouses ou conjoints de chef·fe·s d’États.
Impossible de comprendre quelle était la contribution financière de Carla Bruni, de quatre autres personnes, de Lancôme, LVMH, Madame Figaro et Roger-Vivier. Woman’s Wear Daily a fait quoi au juste ? Obtenu que Carla Bruni pose gratuitement ?
On comprend très bien que WWD signale que Carla Bruni est l’ambassadrice d’un grand bijoutier, Bulgari, qu’elle assiste à des défilés de mode, qu’elle a apprécié l’exposition de Christian Lacroix, qu’elle est apparue dans Vogue, qu’elle pense du bien d’Yves Saint-Laurent, qu’elle a été enceinte, et était présente au gala Sidaction.
En 2009, Carla Bruni-Sarkozy répondait à Marianne, qui l’interrogeait sur sa fondation, son site, que « aucun argent public n’a été reçu ». La Cour des comptes se serait donc gravement fourvoyée, et répandu inconsidérément des propos diffamatoires ?
Si l’on comprend bien, la Fondation CBS, dépourvue à présent de fonds publics, doit faire appel à des dons. Le surplus de ce que recueillera l’UMP sera sans doute fort bien venu.
Je vois à l’instant que mon ancien titre, Creanum (.fr), opère un rapprochement : « un fiasco qui n’est pas sans rappeler le site de campagne de Ségolène Royal, Désir d’avenir (…) mais il n’avait coûté “que” 40 000, soit dix fois moins ». Fâché avec les chiffres, Louis Adam ? Pour comparer, il fallait tenir compte du coût total, depuis le lancement, en 2009. Ou alors, c’est moi qui m’emmêle.
Si j’en crois Économie matin (qui rassure ses visiteurs sur le coût de son propre site), en 2012, le coût du site serait tombé subitement à 80 000 euros. Contre 330 000 en 2011. Mais auparavant ?
Et puis finalement, n’est-ce pas mesquin d’avoir cessé de faire financer le site de la Fondation par le contribuable. Ce n’est qu’une goutte d’eau. Le couple ex-présidentiel revient encore chaque année à près de deux millions d’euros, soit un appartement de 323 m² rue de Miromesnil, et les salaires de sept collaboratrices (dont Consuelo Remmert, demi-sœur de Carla) ou attachés divers, plus ceux de deux chauffeurs, de deux domestiques, et l’entretien d’une voiture de fonction. Ne pouvait-on pas ajouter quelque 300 000 euros annuels et des poussières pour le site de la Fondation ? Sachant que deux autres anciens présidents bénéficient des mêmes avantages, à vie, un petit site de rien du tout, un blogue en fait, cela représente quoi ? Une paille.