Au Royaume-Uni, obtenir un rendez-vous d’un médecin « conventionné » ou hospitalier exige vraiment de la patience. C’est moins grave en France, et c’est peut-être pourquoi les patients, du moins certains, prennent leurs aises. Petite anecdote… C’est à l’hôpital parisien Saint-Louis et la patiente venue en consultation, à l’heure et minute dites, s’étonne de ne pas se retrouver dans une salle d’attente en compagnie de plusieurs personnes. Réponse de la secrétaire : « vous avez vu comme il pleut ? ». Une étude de l’Union régionale franc-comtoise des professionnels de santé scrute et chiffre le phénomène.

Jean-Pierre Tenoux, du Pays de Franche-Comté, résume fort bien la teneur d’une étude régionale récente sous le titre « les médecins n’aiment pas les lapins ». Elle émane de l’Union régionale des professionnels de santé qui regroupe généralistes, spécialistes, et professionnels consultant ou se livrant à des actes sur rendez-vous…
Elle est sujette à caution dans la mesure où ces professionnels sont surchargés de paperasses diverses et que seuls 11 % des généralistes, et 24 % des spécialistes (plus touchés par le phénomène des patientes et patients faisant faux-bond) ont trouvé le temps de répondre. Cela peut s’expliquer aussi par le fait que nombre d’entre-eux ont pu estimer que ce sondage ne pourrait servir à rien : comment, réellement, enrayer le phénomène ?
Mais cette enquête n’en reste pas moins éclairante : des patients prennent rendez-vous, le sautent, sans prévenir à l’avance et encore moins en prenant la peine de présenter par après des excuses. Cela touche six pour cent des rendez-vous, avec le double (3,6 contre 8 %) des cas constatés par les généralistes.

Comme par hasard, les ruraux, qui éprouvent souvent plus de mal à obtenir un rendez-vous que les urbains, honorent plus facilement leurs engagements. Et les bénéficiaires de la CMU (couverture maladie universelle) forment, dans les deux environnements, le gros des indélicats chez les spécialistes (la moitié chez les généralistes), ce qui, proportionnellement à leur nombre, forme un pourcentage élevé. C’est l’inverse pour les tiers-payants (plus absents chez les spécialistes, plus coûteux, que les généralistes).

Bien évidemment, les médecins à honoraires libres peuvent répercuter ce manque à gagner, pas les conventionnés… qui doivent attendre un relèvement global négocié avec la Sécurité sociale. Qui, de fait, tiendra compte du phénomène. Laquelle SS serait bien en peine de contrer cette pratique. Pénaliser individuellement les patients serait délicat, entraînerait des contestations. Le contrôle d’un remboursement sur la base de déclarations des médecins serait aussi coûteux.

Il reste que les médecins ont une certaine latitude de décourager les récidivistes de revenir consulter chez eux. L’un des palliatif consiste à mettre en place une procédure de rappel des rendez-vous (ce qui a un coût). Un médecin franc-comtois sur cinq y a recours. D’autres, peut-être, comme dans de nombreux cabinets de groupe parisiens ou d’Île-de-France, ont renoncé à donner des rendez-vous : les consultations se font dans l’ordre d’arrivée, celles et ceux se présentant en toute fin de soirée étant invités à se représenter le lendemain (ou lors du prochain jour de consultation).

L’intégralité de l’étude est téléchargeable sur le site de l’URPS de Franche-Comté mais, semble-t-il, réservée aux membres. Cependant, le dernier numéro de la Lettre de l’Union (nº 29, daté de ce mois) – librement consultable – réserve deux pages à cette étude (pp. 16-17). Les professions médicales salueront cette initiative qui pourra utilement être reprise par d’autres unions régionales. 

Cet article débute en page 16… Il est précédé, en bas de page 15, d’un encart pour le numéro d’appel d’une association médicale qui a développé un service SOS Burn out, « réseau d’aide aux médecins libéraux » ayant institué une « cellule d’écoute ». « Pour aider à passer un cap difficile, ce dans le respect de l’anonymat. ». On n’en tirera aucune conclusion ; si ce n’est que les rendez-vous non respectés peuvent grandement contribuer à l’irritabilité des praticiens.