homme de gauche, résistant et humaniste.

 

 

Support Wikipedia Lorsque j’étais à Mediapart, lors d’un débat au théâtre de la Coline le 7 février 2011 sur «s’indigner créer de Tunis au Caire jusqu’à Paris» j’ai écouté Stéphane Hessel et Edgar Morin. Je ne connaissais ni l’un ni l’autre mais je me rappelle son intervention ou il fut applaudi comme jamais peut être il ne le fut. Son opuscule d’une trentaine de pages indignez-vous était déjà un best seller, qui défendait l’esprit de résistance passive. Cette soirée dont le thème portait sur l’espoir donné par les révoltes des pays arabes Tunisie et Égypte entrait parfaitement dans l’esprit d’indignez-vous. Nous ne pouvions qu’applaudir ces Tunisiens et Égyptiens qui venaient de mettre bas des années de dictature. On sait ce qu’il en est actuellement advenu d’une dictature à l’autre pire que la première, ces révolutions arabes ne sont pas encore apaisées, la démocratie laïque ne s’établit pas en quelques années, voir, pour l’exemple les manifestations des pacifistes, les indignés de Wall Street, ici.

 

Cet opuscule lui donna une gloire mondiale à 93 ans, il fut vendu à plus de 4 millions d’exemplaires. Stéphane Hessel y précisait ses positions sur Israël, la Palestine, tout en rendant un hommage exceptionnel au créateur des Nations unies, le président américain Franklin Roosevelt, Cette dernière édition anniversaire intègre des ajouts, mais aussi des corrections de lecteurs, des photos inédites, sans oublier la fabuleuse histoire de ce soulèvement des consciences.

 

Il est certain qu’un autre que Stéphane Hessel n’aurait eu cette gloire. Son parcours de résistant et d’humaniste plaida en se faveur ne fut-t-il pas celui qui participa au palais de Chaillot à la rédaction de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen lorsqu’il fut au Quai d’Orsay en 1945. Homme de gauche, il fut l’ami de Pierre Mendès France et de Michel Rocard. La vidéo de la soirée Médiapart au théâtre de la Coline retrace cette soirée mémorable.

 

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Stéphane Hessel et ses amis à la Colline par Mediapart

 

Une longue vie de 95 années lui permit de côtoyer les plus grands lorsqu’il fut diplomate. Sa famille politique est Mendesienne pour laquelle il reste un fidèle partisan par son attachement à Pierre Mendes France. Ce n’est donc pas comme certain à gauche le voient un communiste, mais un socialiste conscient des réalités d’aujourd’hui. La fraîcheur d’esprit que dégagea Stéphane Hessel à ce débat, nous montra qu’à 93 ans, il était encore jeune comme si les années de guerre n’avaient pas eues de prises sur lui.

 

À l’automne de 1939, Stéphane Hessel fut mobilisé et partit faire ses classes à Saint-Maixent comme d’autres normaliens et, en mars 1940, il fut affecté dans la Sarre, puis envoyé au front, et il assista impuissant à la débâcle, déposant les armes à Saint-Dié pour se retrouver dans le camp de prisonniers militaires de Bourbonne-les-Bains d’où il s’évada pour rejoindre le général de Gaulle lors de l’appel du 18 juin 1940. Il rejoignit à Toulouse sa femme Vitia puis se rendit à Marseille via Montpellier. C’est là qu’il rencontra Varian Fry, qui était mandaté par Eleanor Roosevelt pour organiser, via le consulat des États-Unis, l’évasion de deux cents, qui seront finalement plus de deux mille, intellectuels en danger. Il s’agissait de faire évader des artistes, les intellectuels et militants politiques de gauche, souvent juifs, menacés par la Gestapo. La modeste organisation qui fut mise sur pieds s’opposa à l’article 19 de la convention d’armistice entre la France et l’Allemagne, «le gouvernement Français était tenu de livrer sur demande tous les ressortissants désignés par le gouvernement du Reich». En treize mois, avant que la police pétainiste n’expulsa Varian Fry, avec l’aval des États-Unis, le Centre américain de secours aura, par des moyens légaux ou illégaux, aura sauvé plusieurs milliers de personnes.

 

En 1941, il fut arrêté et déporté à Buchenwald, puis à Dora, et ne dut la vie qu’à une substitution d’identité avec un prisonnier mort du typhus, et à son évasion.

 

Il fut une vie dans le siècle puisque né en 1913 à Berlin il vit donc deux guerres, le nazisme, le stalinisme, la persécution et l’extermination des Juifs, la libération, le boom technologique et le déclin de notre économie. Cette expérience lui permit d’écrire à la fin de ses jours et d’être entendu.

Stéphane Hessel n’était pas un révolutionnaire, il était comme le définit Pierre Larrouturou un homme lumineux. Voici le texte de Pierre Larrouturou qui le rencontra quelques semaines avant son décès.

 

Ce fut un homme lumineux jusqu’au bout. Il y a trois semaines, il m’a appelé pour que je vienne le voir. Il était dans son lit. Son corps était usé mais son visage était toujours aussi souriant. Il savait que la mort pouvait advenir d’un jour à l’autre, cela fait plusieurs mois qu’il nous parlait de sa mort possible, mais comme Václav Havel qu’il aimait beaucoup, il voulait jusqu’au bout «contempler le miracle de l’être». Jusqu’au bout, agir pour la dignité de l’Homme et de la Femme.

Un de ses plus grands regrets était de ne pas être parvenu à construire la Paix entre Israël et la Palestine. Juste avant Noël, lors d’un dîner amical, Christiane, son épouse, et Stéphane se demandaient encore quelle initiative on pouvait prendre pour ouvrir les yeux de ceux qui ne comprennent pas ce qui se passe en Palestine.

Jusqu’au bout, agir pour la dignité, même allongé dans son lit, il réfléchissait à ce que nous pouvions faire ensemble pour obliger les dirigeants de notre pays à mettre en œuvre les solutions de Roosevelt 2012. Nous pensions publier bientôt un petit livre (Répondez-nous !) et dans sa dernière interview au Nouvel Observateur, la semaine dernière, à deux reprises, il mit en avant Roosevelt 2012 comme un des moyens de répondre à la crise du politique. Jusqu’au bout, alors que ses forces le quittaient, il aura porté cette volonté d’agir ensemble pour la justice, pour la dignité de l’homme et de la femme dans ce qu’elle a de très concret et de très matériel.

Mais jusqu’au bout, il aura porté aussi ce qu’il y a d’immatériel, de léger, d’inaliénable en chacune et chacun de nous, jamais un dîner ne se finissait sans que Stéphane ne récite un poème. Puis, dans le taxi, il me parlait du plaisir qu’il avait à retrouver Christiane, «j’ai beaucoup de chance d’avoir une femme aussi jeune, elle a dix ans de moins que moi, et aussi délicieuse que Christiane».

Je ne sais comment nous pourrons consoler Christiane mais je pense que c’est nous qui avons eu beaucoup de chance de rencontrer Stéphane. Il avait dix ans de moins que nous. Il gardait au cœur une incroyable jeunesse. Lui qui avait connu tant de moments difficiles gardait une incroyable énergie et une joie contagieuse. À nous maintenant de reprendre le flambeau. En gardant la même intransigeance sur le fond et la même humanité dans le dialogue. Pierre Larrouturou, Roosevelt 2012.fr, le 27/02/13.

 

Stéphane Hessel et Edgar Morin : indignations en concurrence

 

Stéphane Hessel et Edgar Morin lors d’une soirée organisée le 7 février 2011 par le site internet Mediapart autour de l’auteur d’"Indignez-vous !". © Haley / Sipa/Montage Le Point.fr.

 

Son regret aura été de ne pouvoir aider suffisamment les Palestiniens à construire leur pays.

 

Que l’on soit de gauche ou de droite l’homme d’exception fut salué, et certains proposèrent même des obsèques nationales et le Panthéon. François Hollande déclara, «une grande figure dont la vie exceptionnelle aura été consacrée à la défense de la dignité humaine». Il a rendu hommage au diplomate qui s’était mis «au service de la paix» et à «l’humaniste passionné qui s’est livré à tous les combats pour lutter contre les préjugés, les conformismes, les conservatismes». «Au moment où sa vie s’achève, il nous laisse une leçon, celle de ne se résigner à aucune injustice», conclut le communiqué.