L’Homme qui Rit, le film de Jean-Pierre Améris, adaptation du magnifique roman de même nom de Victor Hugo est loin d’être à la hauteur de certaines de nos  attentes. Ce bref voyage d’environ une heure trente dans cette Angleterre du XVII e siècle marquée par une aristocratie oppressive haute en couleurs, sous forme d‘un drame intense s’articulant à la fois sur des repères d’ordre historique et social n‘est que fiasco et les scènes censées nous faire vibrer semblent insipides. 

Bouche fendue jusqu’aux oreilles, nez ouvert, oreilles rabattues sur les yeux, cheveux dressés en crinière, ainsi était le hideux visage qu’arborait Gwynplaine, le monstre aux membres disloqués au moment où, pris de panique devant leur bateau ivre au milieu d’une tempête, les Comprachicos, voleurs d’enfants, l‘abandonnent seul au bord de la berge. 

Dans le film, l’interprète de ce rôle, Romain Morelli, a un minois plutôt délicat qui ne peut en aucun cas inspirer hilarité, dégoût ou quelque sentiment de cette nature. Encombré de ses vieux haillons,  bravant froid, faim et tempête, l’enfant âgé à peine d’une dizaine d’années avance lourdement en quête de la ville la plus proche quand soudain lui parvient le gémissement d’une enfant, blottie au creux d’une mère morte, sur le sein de laquelle perlait encore une ultime goutte de lait, si mes souvenirs sont exacts. 

Ici la fillette est plus grande, elle semble être la cadette de deux ans ou presque de Gwynplaine qui s’en empare, poursuivant péniblement son chemin dans un cadre enneigé à ravir, où se trouve l’hospitalière roulotte d’Ursus (Gérard Depardieu), le saltimbanque qui les prend sous son aile.

C’est donc tout au long des pérégrinations de cette nouvelle famille dont le père Ursus dirige ses enfants adoptifs, Gwynplaine et Déa (Christa Theret), désormais sur les planches pour la représentation de son spectacle, "chaos vaincu", que nous serons confrontés aux diverses failles qui sous tendent la société sur fond d‘histoire d‘amour entre ces deux orphelins. 

Marc-André Grondin affublé de légères cicatrices, interprète le Gwinplaine adulte censé être l’alter-ego du Quasimodo de Notre Dame de Paris, mais contrairement à lui qui est né monstre, les siennes de mutilations sont les résultats de tortures qui lui ont été infligées à des fins politiques par les hommes, les Comprachicos ! 

Quant au célèbre scandale du combat pour les opprimés de Gwynplaine, dans la Chambre des Lords, supposé faire trembler les montagnes dans le roman, il ne passe pas du tout car son "Ce qu’on m’a fait, on l’a fait au genre humain", n’a pas d’âme. "On lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement". On ne dirait pas vraiment! 

Heureusement qu’Ursus, l’alchimiste, le saltimbanque, le philosophe aux longues tirades est là pour insuffler une force au film, sans laquelle il s’asphyxierait. 

Etrange, vous avez dit étrange, comme  c’est étrange en effet que Gérard Depardieu, ce grand comédien qui respire la vie, en vienne à quitter Paris, cette belle ville à laquelle il ressemble tant tellement elle lui a donné, pour aller vivre dans un lieu si austère. Juste de peur de se faire déplumer alors que son plumage si luisant ne risque pas grand-chose ! 

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