A l’heure de l’étude du mariage dit homosexuel par l’Assemblée nationale, je vous propose un petit point sur l’état de la législation en France en matière d’union des couples de même sexe.

Un petit point de sémantique de comptoir avant de commencer. La loi française n’interdit pas le mariage des homosexuels. En effet, une personne peut se marier quelque soit son orientation sexuelle à condition qu’elle le fasse avec quelqu’un du sexe opposé. Par conséquent, les homosexuels peuvent se marier. (Une petite vidéo assez drôle là dessus tourne actuellement sur les réseaux sociaux  http://www.collegehumor.com/video/6846855/gay-men-will-marry-your-girlfriends)

Ce qui pose problème donc c’est le mariage des homosexuels entre eux. 

Que dit la loi française ? Dans le texte, rien du tout. C’est la jurisprudence qui est venue dire suite à l’affaire des mariés de Bègles, que la loi devait être interprétée comme n’autorisant le mariage qu’entre un homme et une femme (Cour de cassation 1ère civ, 13 mars 2007.)

Comment se justifie se refus ? Tout d’abord, le juge a considéré que le législateur n’a pas fait de précision quant au sexe des mariés parce que dans son esprit (ce qu’on appelle barbarement la ratio legis) il ne faisait aucun doute que les futurs époux devaient être de sexe différent.

Ensuite, ont été mis en avant que les personnes homosexuelles disposaient de modes alternatifs de conjugalité : le concubinage (bien que ce ne soit pas un vrai statut) et le PACS qui à la base avait été voulu comme un "mariage homosexuel". Je dis bien à la base, puisqu’il suffit de se pencher sur la naissance et la fin du PACS pour voir qu’il est bien loin de l’institution qu’est le mariage.

A celà, s’ajoute à l’argumentation des opposants au mariage homosexuel, le caractère nécessairement procréatif du mariage.

Alors pourquoi les revendications pour le mariage homosexuel n’ont elles pas été apaisées ? 

Parce qu’au delà de  la signification symbolique se trouve une autre question bien plus importante celle de la filiation et de l’adoption, qui ni le concubinage ni le PACS ne permettent de régler. En effet, à l’heure actuelle, les couples homosexuels qui décident d’avoir des enfants ou d’adopter ne peuvent faire établir de filiation qu’à l’égard de l’un d’eux et non comme pour les couples hétérosexuels ou mariés à l’égard des deux parents.

Or, certains aspects de la question reste en dehors du débat. Ces aspects pourraient amener à la conclusion que le mariage homosexuel existe déjà dans notre droit positif.

Tout d’abord, la France reconnait le mariage des personnes homosexuelles mariées à l’étranger. En effet, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas et d’autres pays ont intégré ce type d’unions. Si ces personnes légalement mariées à l’étranger viennent vivre en France, celle-ci n’a pas d’autre choix que de reconnaitre leur union. La seule condition que le juge devra vérifier est que la loi personnelle de chacun des époux (la loi de leur nationalité) reconnaisse le mariage. Par conséquent, un français ne pourrait pas valablement contracter un mariage homosexuel à l’étranger et le faire reconnaitre en France. Ce qu’il n’empêche qu’il existe des couples homosexuels dont la France reconnait le statut d’époux.

 

Ensuite, (et je pense que c’est le point le plus important), la jurisprudence autorise qu’une personne ayant subi un changement de sexe se marie avec une personne de son sexe d’origine. En réalité deux situations sont possible:

Situation 1 : Paul né homme décide de suivre une thérapie et engage un processus de changement de sexe. Il devient alors Paula. Par la suite, il rencontre Jacques. La loi autorise Paula (ex- Paul) et Jacques a se marié.

Quelles sont les conditions pour que se mariage soit valide ? Il suffit que Paul ait fait effectuer son changement de sexe à l’Etat civil.

Situation 2: Paula née femme se marie avec Jacques. Elle décide de changer de sexe, ce que son mari soutient. Ils veulent rester marier. La jurisprudence dit la chose suivante: il ne peut y avoir de changement d’état civil que si le mariage prend fin.

Si dans la situation 2, le juge tente de faire respecter la loi en ne permettant pas le maintien d’un mariage homosexuel sur le papier, rien n’empêche les époux de rester marier même si en apparence le sexe de Paula ne correspond plus à son sexe d’origine.

 

Que pensez de ses situations ? D’une part, l’argument procréatif du mariage est mis KO. En effet, le couple de la situation 1 reste dans les faits un couple homosexuel.

D’autre part, on a l’impression que la loi en matière de mariage n’est basée que sur l’apparence. L’argument parait peu convaincant au vue des enjeux pour ces couples.

 

Pour conclure, l’union des personnes de même sexe est indéniablement reconnu en droit français. La reconnaissance du mariage homosexuel permettrait une plus grande justice sociale et une plus grande égalité entre les personnes mais également une simplification des situations présentées ci-dessus.

En ce qui concerne la question de la filiation, elle fera l’objet d’un autre billet mais vous verrez que là aussi le refus de l’établissement du double lien de filiation pour les couples homosexuels est une source d’insécurité juridique.