Florence Lamblin, 265 amis sur Facebook, dont Europe Écologie-Les Verts Suisse-Liechtenstein, embarrasse beaucoup des connaissances (universitaires, architectes, stylistes, élus…) et associés, notamment celles et ceux du Lieu du design, et singulièrement celles et ceux d’origine marocaine. Cette adjointe EELV au maire du 13e arrondissement de Paris, Jérôme Coumet (PS), qui compte Yves Contassot, Jean-Marie Le Guen et Marie-Pierre de la Gondrie parmi son conseil, est en effet présumée, selon Europe nº1, d’être la détentrice d’un compte en Suisse ayant servi à placer 40 millions d’euros retirés de la vente de cannabis marocain écoulé en région parisienne et réinvesti dans des opérations immobilières au Maroc. L’élue écologiste se dit innocente et étrangère à ce trafic.

Eh non, il n’y a pas que les Strauss-Kahn, les Sarkozy, et quelques autres, à être sensibles aux charmes du Maroc. Du côté des Verts, les ryads font aussi rêver. 20 personnes ont été interpellées par les policiers français et suisses chargés du trafic des stupéfiants et des affaires de blanchiment de l’argent sale cette semaine, et plus de deux millions d’euros, des tocantes de luxe en veux-tu, en voilà, des œuvres d’art, des lingots d’or, &c., ont été saisis.

Il s’agit de beau linge : chefs d’entreprises, publicitaires ou chargés de relations publiques, avocats, qui hébergeaient complaisamment sur leurs comptes bancaires à l’étranger le produit de la revente de drogues d’origine marocaine. Ensuite, les banques se chargeaient, via des caisses de compensation ou directement, de faire transiter l’argent vers des paradis fiscaux. Il pouvait revenir pour financer des investissements immobiliers au Maroc.

Maillon faible dans le système, et qui pourrait craquer en garde à vue, et balancer un max, une adjointe au maire du 13e arrondissement de Paris, la sémillante et décorative Florence Lamblin, chargée du développement durable (des plans de cannabis ?) et du plan climat (favorable aux cultures alternatives ?). Une petite envie ? À Marseille, les policiers des brigades Bac soulevaient les faux-plafonds… À Paris, c’était plus simple. Le flouze était livré par coursier. La fraîche arrivait par pigeon voyageur, en quelque sorte. 375 000 euros en billets se trouvaient au domicile de Florence Lamblin : de quoi tenir la dragée à Liliane Bettencourt.

Directrice des projets sur Le lieu du design, Florence Lamblin soignait ses relations. 457 sur Linkedin, autant ou presque sur Facebook. Peut-être, aussi, sauf homonymie, des relations d’affaires via FHL FashionBox, société de commerce de gros. Question fumée, elle était surtout versée dans celle émise par les véhicules diésel, pas vraiment réputée pour s’intéresser à la fumette.

Évidemment, cela fait désordre et l’exploitation politique ne va pas tarder. Manuel Valls dira que seule une poignée d’élu·e·s ne doit pas compromettre l’ensemble de la classe politique (tout comme, à Marseille, une brigade ne saurait être symptomatique de toute la police). N’empêche, le site Français de souche appelle déjà à communiquer des photos de Françoise Lamblin « en compagnie de personnalités ». On pourra en trouver tout plein dans les archives du Centre francilien de l’Innovation et du Lieu du design qui ont revitalisé l’un des passages du faubourg Saint-Antoine à Paris.

Une autre fine équipe

Évidemment, on peut s’attendre à des purges d’importance sur les blogues, sites et réseaux sociaux. Jean-Marc Pasquet, conseiller régional IdF, évoquera-t-il encore longtemps « ma copine Florence Lamblin », critique, comme lui, de McDo Plage (Paris Plage) ?

Animatrice de Novo Idéo (think-tank des politiques publiques), Florence Lamblin bénéficiait d’un relationnel fort étendu.

L’affaire la concernant remonte à une enquête initiée à Nanterre et Mantes-la-Jolie en février dernier. À Conches, en Suisse, de fortes sommes en liquide, et des bijoux, ont été saisis.
Le procureur suisse Yves Bertossa a évoqué « un mécanisme qui permettait de camoufler tout lien entre le trafic de drogue en France et le recyclage de son produit en Suisse. ». Trois personnes ont été arrêtées à Genève. Gageons que les sources suisses seront plus prolixes que les françaises.

Pour le moment, libérée samedi sous caution et contrôle judiciaire, Florence Lamblin a fait savoir qu’elle n’avait « rien à voir là-dedans ». Yves Contassot a déclaré qu’il croyait à son innocence mais vouloir se former plus avant une opinion avant de s’exprimer sur le fond.

Les services de police français et suisse ont interpellé vingt personnes (17 en France, trois en Suisse) et neuf ont été mises en examen en France. Deux Genevois, deux frères, ont été placés en détention provisoire pour trois mois, le troisième étant placé sous contrôle judiciaire. Les Genevois faisaient partie de la communauté juive marocaine. L’un des deux frères était gestionnaire de fortune chez HSBC. La troisième personne serait une femme. La société était établie depuis 35 à Genève.

Doutes… raisonnables ?

En France, Écologie libérale a appelé à soutenir Florence Lamblin en lui manifestant son soutien via un groupe Facebook « Soutien à Florence Lamblin EELV Paris 13e ». Mais l’initiative a surtout suscité des critiques ou des quolibets. On veut bien admettre que des dérives puissent être constatées dans la police, mais placer 375 000 euros en numéraire, provenant d’une cagnotte, dans l’appartement de Florence Lamblin semble… délicat. Mais l’avocat de Florence Lamblin a affirmé sur LCI qu’aucune importante somme d’argent n’avait été retrouvée au domicile de sa cliente. Démenti aussitôt à moitié réfuté par le parquet de Paris qui a précisé qu’une somme en numéraire a bien été saisi à son domicile mais que l’essentiel se trouvait dans des coffres d’établissements bancaires (en France ou en Suisse ? des parents de l’architecte détiendraient un compte en Suisse).
Me Jérôme Boursican a de même démenti l’affirmation selon laquelle sa cliente aurait renoncé à assumer sa charge d’adjointe au maire de l’arrondissement. Ce dernier, ainsi que Bertrand Delanoë, l’avaient priée de tirer les conséquences de sa mise en examen.

Pour Me Boursican, interrogé par  France TV Info, sa cliente a été inquiétée en raison d’une relation amicale « avec une personne mise en cause » et aussi en raison « de conversations téléphoniques dénuées de tout fondement concernant le blanchiment.&nbps;».

Discrétion suisse

Le nom de la société genevoise mise en cause est un secret de polichinelle en Suisse, tout comme l’identité des deux frères « bien implantés dans la communauté israélite de Genève », précise Le Temps. Ils auraient peut-être blanchi l’argent de la drogue à l’insu de leurs clients français qui avaient usé de leurs services pour détenir des comptes dans des paradis fiscaux. Un compte-pivot d’HSBC à Londres permettait la ventilation des sommes. Selon Me Josiane Stickel-Cicurel, avocate du gestionnaire de fortune d’HSBC, son client aurait procédé à des opérations de compensation « en pensant que l’argent était propre ».

C’est là tout le problème qui se pose en Suisse. Car le volet suisse découle du français et la société en question, jouissant d’un bon renom à Genève, n’avait pas pour seuls clients des personnes ayant pu fournir, peut-être sans le savoir, de quoi faire transiter de la drogue marocaine à bord de très puissantes et rapides voitures en Espagne et en France. Sans l’enquête française, la société aurait encore longtemps, en toute impunité, qui ne finançait pas que l’achat et le transport de drogues. Ce ne sont donc pas que les interpellés récents qui ont quelques soucis à se faire.

L’infraction à la loi sur les stupéfiants est une chose, l’inculpation pour « faux dans les titres », retenue par la justice cantonale genevoise en est une autre, aux plus vastes implications. Le Temps a indiqué que « plusieurs comptes ont déjà été séquestrés dans d’autres banques » que HSBC.

Depuis janvier 2011, la Suisse a renforcé sa législation qui interdit désormais « l’assistance active à la fuite de capitaux et à la soustraction fiscale. ». L’importance des sommes transitant par la société genevoise, plusieurs millions d’euros par mois, et la durée des faits, laissent entendre qu’il subsistait des failles dans le contrôle de diverses sociétés. Récemment, 600 millions de CHF ont été gelés par les autorités confédérales. La somme provenait d’un homme d’affaires ouzbek, Bekzod Akhmedov, qui plaçait ses fonds chez Lombard Odier, banque privée fondée en 1796, représentée sur presque tous les continents et notamment à Nassau et aux Bermudes. En juillet dernier, c’était le courtier pétrolier Gunvor, très lié au Kremlin, qui se trouvait sur la sellette : l’un de ses employés reste soupçonné d’avoir favorisé un blanchiment de sommes importantes en liaison avec la famille de Denis Sassous Nguesso, président du Congo-Brazzaville. Fin août, c’était USB qui se trouvait impliquée dans une affaire de pots-de-vin en Malaisie portant sur 71 millions d’euros.

En Suisse, le contrôle est le plus souvent délégué à des sous-traitants privés, comme KPMG ou PriceWaterhouseCoopers. « Beaucoup d’entre elles jouent aussi le rôle d’intermédiaires financiers, et sont à ce titre soumises à la loi sur le blanchiment. Il y a donc un conflit d’intérêts évident, » avait souligné Transparency International.

Selon la société Hevea, 86 % des avoirs étrangers déposés en Suisse (soit à peu près la moitié de tous les avoirs détenus dans le pays) ne sont pas, encore en 2012, fiscalement déclarés dans les pays d’origine.

L’affaire pourrait aussi se révéler gênante au Maroc, dans la mesure où une partie des bénéfices était réinvestie dans de l’immobilier.

Autres fuites

Selon Marianne, l’un des trois frères, le français, serait un certain Elmaleh.  Parmi les personnes impliquées ayant fait transiter de l’argent figurerait un ou une avocate, Me Sellam (plusieurs personnes du barreau de Paris portent ce patronyme), l’un des trois architectes domiciliés avenue Montaigne à Paris, des entrepreneurs du BTP et « des rois de la confection ». On se souvient que le milieu dit du Sentier, alors Mecque du prêt-à-porter, avait été marqué par une affaire de blanchiment et d’évasion fiscale ayant impliqué près de 90 personnes à la fin du siècle dernier. En février 2008, le procès avait vu défiler 151 prévenus, dont les représentants de quatre banques…

Libération pense pouvoir affirmer que les placés sous contrôle judiciaire auraient déposé des cautions allant de 80 000 (cas de Florence Lamblin, dont la caution serait « la plus faible ») à un million d’euros.

Un internaute suisse estime être en mesure de situer la société genevoise dans « la maison des paons » (avenue Pictet-de-Rochemont), ou se situait le siège de Multi Securities SA, ex Index Securities Trading SA, société liquidée en 2002 et ou se trouve VIP Asset Management SA, société de gestion de fortune et de conseil financier. C’est effectivement l’adresse qu’à filmé la RTS. Il s’agit d’un monument historique très récemment restauré, de style art nouveau, où sont domiciliées diverses sociétés dont GPF SA (gestion et promotion financière). Mais aussi un certain Meyer El Maleh. Mais bon, il s’agit d’un patronyme assez répandu. Il s’agit peut-être d’un homonyme du personnage mentionné par Frédéric Ploquin, de Marianne

Le nom de Judah El Maleh, domicilié en Suisse, était déjà apparu dans l’affaire des ventes d’armes à l’Angola, et dans celle du clan Chaabani, qui, en septembre 2005, avait été jugé par le tribunal de Bobigny pour trafic de stupéfiants et évasion vers la Suisse de cinq millions d’euros. Déjà, le milieu des commerçants du Sentier avait été impliqué. 

Il faut peut-être dissocier l’affaire Lamblin de celles d’autres mis en examen. L’avocat de Florence Lamblin a fini à évoquer un compte en Suisse, ouvert en 1920, sur lequel aurait été placé un héritage de 350 000 euros. « On » aurait mis l’élue écologiste en rapport « avec quelqu’un qui a rapatrié cet argent en France. ». Il s’agirait donc surtout d’évasion fiscale.
Ce qui n’est pas moins répréhensible, mais les peines encourues sont moindres. Mais on peut comprendre que le maire de l’arrondissement lui retire, dès lundi, sa délégation d’adjointe, et son indemnité d’élue (un millier d’euros mensuels). Rétribuée principalement par le Conseil régional d’Île-de-France, via Le Lieu du design, elle risque de se voir réclamer sa démission. Car arguer qu’il s’agit « tout au plus » d’une fraude fiscale n’est pas une ligne de défense très recevable quand l’employeur perçoit des fonds publics.

La suite actualisée :

• « Les juteuses affaires des El Maleh » ;
• « Florence Lamblin-Martin et MyBioShop » ;
• « Le carnet de GPF SA va parler ».