Les i-slaves, une révolution d’Apple


On croyait l’esclavage aboli, que des hommes de loi l’avaient proscrit, qu’il était cantonné à une époque révolue. On pensait qu’aliéner son semblable n’était plus à la mode et que cette pratique était enterrée dans nos livres d’Histoire. Théoriquement, dans les recueils constituant les valeurs des nations, l’esclavage n’existe plus. Les maîtres n’ont plus à poser un bonnet phrygien sur la tête de leur serviteur pour leur rendre la liberté. 



Il y a quelques jours, entre les seins d’une princesse pris en photo à son insu, une tentative orchestrée par les médias de monter les communautés les unes contres les autres, afin de vendre du sensationnel et la sortie du nouvel iphone 5, un énième cas d’esclavage a fait une timide apparition dans les encarts de nos journaux. Le buzz ne s’est pas fait et pourtant le sujet était porteur : les conditions de travail  des salariés des magasins Apple et leur grève éclair. 

A la veille de la sortie du nouveau joujou (inutile) de la marque à la Pomme, une réunion syndicale s’est tenue entre les salariés, les syndicats et la direction du groupe Apple,  portant sur le sort de ses travailleurs français. Les discussions n’aboutissant à rien, les patrons faisant la sourde oreille, leur kit bluetooth ne devait pas fonctionner ce jour là, le syndicat Sud, bien que minoritaire (25% des employés du groupe), a lancé le mouvement de grève. Une cessation de travail peu suivie de fait, il fallait sans douter, les sphères dirigeantes le pressentaient et n’ont même pas dédaigné réagir. En effet sur les 1500 salariés, une petite centaine ont décidé de planter le piquet. 

A Paris, seuls les magasins situés près du Louvre et de l’Opéra Garnier ont suivi l’appel. On pouvait voir, dès l’aube, les grévistes, disséminés dans la foule venue chercher le nouveau produit phare, distribuer des tracts afin de sensibiliser les badauds de leur difficulté à travailleur dans un environnement sain. Même si sur le terrain ils étaient peu nombreux, ceux restés dans les magasins pour vendre la camelote, ont revêtu des bracelets verts portant l’inscription " believe". Un mot de ralliement et de soutien faisant référence aux promesses restées vaines de la direction. 

Car oui, l’accès au magasin n’était pas entravé, les moutons de la Pomme, les aficionados des produits à moitié fini et qui devront racheter le même modèle légèrement modifié dans un an, ont pu trouver satisfaction. Dès 8 heures du matin, les billets ont pu couler à flot et les caisses enregistreuses, s’en gaver.  



Intéressons nous au coeur du problème, les vendeurs des boutiques Apple sont-ils les nouveaux misérables du XXIème siècle ? Et bien, on s’en rapproche beaucoup. Toutefois, relativisons, nous ne sommes pas en Chine, dans des usines d’assemblage où les hommes (et les enfants?) alignent des pièces électriques afin de faire des appareils qu’ils ne pourront jamais s’acheter avec leur salaire de misère. En France ce que l’on peut décrier, ce sont les horaires à rallonge, il se trouve parfois qu’un employé fasse des journées de 17 heures sans que les heures supplémentaires soient comptabilisées ! Pouvant commencer à 6 heures du matin et terminer à 23 heures.



S’il veut prendre des congés et partir en week-end, il ne peut pas, car les règles sont contraignantes et les responsables pas conciliants. S’il veut, et s’il peut, se sustenter, il doit le faire à ses propres frais car des tickets resto, il n’en a pas. Si une petite soif le prend en plein travail, il doit garder sa bouche sèche, car des fontaines à eau, il n’y en a pas. Si l’hiver il a froid et l’été il a chaud, il doit subir car du chauffage ou la climatisation, il n’y en a pas. S’il veut faire des cadeaux à Noel, il doit économiser car un 13ème mois, il n’en a pas. S’il veut améliorer son quotidien avec des extras, il ne peut pas car des intéressements sur les ventes, l’accès au Comité d’Entreprise, un contrat à temps plein et des primes, il n’y en a pas. Il doit se contenter de ses 25 à 27.000 € brut par an. Une liberté de travail et des perspectives d’évolution, là encore, il n’y en a pas. De la joie de vivre derrière ce sourire de façade qui nous accueille et nous vend du rêve, il n’y en a pas. A l’inverse de sa publicité prônant qu’il y a une application pour tous les cas de figure, être salarié en bas de l’échelle Apple, est un véritable calvaire. 



Tout est fait pour que les clients ne voient pas ces dysfonctionnements pourtant flagrants et notables. Ou bien font-ils minent de ne pas les voir ? L’amour rend aveugle, il faut bien l’avouer, il y a chez Apple, une relation affective entre la marque et ses clients. Le sentimental altère l’objectivité car dans n’importe quel autre cas, l’appel aurait eu nettement plus de retentissement. Des organisations de protection et du respect du code du travail aurait relayé l’information avec un peu moins de fébrilité. Elles auraient dénoncé l’aspect quasi esclavagiste de l’organisation de la Pomme. Dans la Genèse, elle fut le fruit maudit et pour ses salariés, elle leur a apporté l’enfer. 

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