Jusqu'où iront-ils ? On avait sursauté quand Yves Thréard, directeur-adjoint de la rédaction du Figaro, avait prétendu au micro de RTL que "Dassault (propriétaire du journal, Nda) n'a jamais travaillé avec l'Etat" (et les commandes de l'armée française alors ?). On s'était indigné de lire, dans un article censé rapporter les propos de la ministre de la Santé, que les franchises médicales tiendront "compte des situations sociales dégradées", ce qui permettait au quotidien de titrer "Pas de franchise pour les ménages modestes".
Alors que Bachelot-Narquin avait en réalité parlé très exactement d' "exonérations nécessaires pour tenir pleinement compte des situations sociales très dégradées", ce qui change tout : les ménages simplement modestes ne correspondent pas à la définition de "situations sociales très dégradées". En "omettant" un simple petit mot, Le Figaro pouvait donc prétendre que les franchises ne concerneraient pas les ménages modestes, pur mensonge, alors qu'ils la prendront au contraire de plein fouet, seuls les très pauvres en étant exemptés (en l'état actuel du projet).
On était déjà là en présence de désinformation flagrante. Mais l'article sur lequel un commentateur de Plume de presse (lui-même blogueur) a attiré notre attention surpasse encore en scélératesse les deux exemples précédents. Son titre ? 63% des Français veulent travailler après 65 ans.
L'introduction, au risque d'être redondante, enfonce le clou : "Plus de six Français sur dix sont d'accord pour continuer à exercer leur activité après 65 ans." Voilà qui est parfait pour préparer l'opinion à la sévère (mais juste) réforme des retraites, qui ne manquera pas d'allonger encore la durée du travail nécessaire à l'obtention d'une retraite à taux plein – pour ceux qui auront la chance de ne pas se faire virer avant, les autres étant pour leur part condamnés au chômage des seniors. Les Français sont d'accord pour travailler plus vieux, on vous dit ! On se doute que Le Figaro va sortir de sa manche un miraculeux sondage. Bingo: il s'agit d'une étude de CSA publiée le 7 août.
Et le "plumitif" – nous ne pouvons l'appeler journaliste -, Alexandre Panizzo, ne cache d'ailleurs pas sa joie : "Un sondage qui vient conforter le gouvernement dans son projet de repousser l'âge légal de départ à la retraite". C'est bien ce qu'on disait et jusque-là, tout est normal. Mais là où l'on tombe à la renverse, c'est que 63% des personnes sondées n'ont absolument pas répondu qu'elles voulaient travailler après 65 ans ! Elles se sont dites favorables à ce qu'un salarié puisse travailler après 65 ans s'il le souhaite. Loin de signifier qu'elles-mêmes trépignent de désir à l'idée de se tuer à la tâche au-delà de 65 ans, elles autorisent simplement ceux qui le voudraient à ne pas être mis à la retraite d'office. La manipulation est si grossière qu'on n'imaginait pas qu'elle fût possible dans les colonnes de ce qui se prétend un grand organe de presse national, censé remplir la mission d'informer. Sur le plan de la déontologie, cet article est bien une pure ignominie. Et Le Figaro est décidément l'organe officiel de la mensongère propagande sarkoziste.