Contrairement à l’habitude de l’ex-candidat, le président François Hollande a fait preuve d’une ponctualité de roi, à la minute près pour son investiture. Hélas, il est parvenu en retard pour son rendez-vous avec Angela Merkel et le mot d’excuses d’un commandant de bord (son premier avion, frappé par la foudre, a dû faire demi-tour) ne suffira pas : il avait auparavant plus d’une demi-heure de retard à l’embarquement. À l’heure ou la Grèce est dans une position encore plus délicate, Angela Merkel regrette peut-être de n’avoir pas voulu recevoir l’ex-candidat présidentiel français. Il vient en effet bien tard la rencontrer. Mais en fera-t-il trop ou trop peu ? C’est bien sûr l’autre question… 

La Grèce n’avait certes pas besoin de se retrouver avec un problème juridique sur les bras. Elle avait ce jour écoulé deux solutions : ne pas régler 435 millions d’obligations échues, ce qui revenait à déclarer faillite ; les payer (ce qu’elle a fait) et susciter le mécontentement d’autres investisseurs qui, eux, ont accepté de voir dévaluer leurs avoirs de 70 %. Ces derniers risquent, pour certains, de saisir diverses juridictions, dont la justice anglaise (certaines obligations, y sont, par contrat, soumises). D’autres échéances vont survenir ces prochains jours.
Sur le plan politique, on ne sait ce qu’il ressortira de la nouvelle campagne électorale grecque. Mais d’autres nouvelles ne sont pas réjouissantes.

En Espagne, des communautés (pays ou régions, comme la Catalogne ou l’Andalousie) sont en quasi cessation de paiements (des fonctionnaires, de fournisseurs). En Italie, l’agence de notation Moody’s a dégradé de nouveau 26 banques et le secteur de la construction publique et du bâtiment proteste : les entrepreneurs n’ont pas vu leurs factures réglées depuis des mois… Tous secteurs confondus, ces retards, puisque les banques sont réticences à couvrir, ont entraîné déjà près de huit mille faillites (380 000 chômeurs de pire). Des factures vieilles de deux ans ne sont parfois toujours pas honorées par l’État, ou les collectivités territoriales, des organismes publics.

 

La bonne nouvelle pour la France et certains exportateurs français c’est que l’euro recule encore devant la livre sterling (à bientôt près de 1,3 euro), par conséquent, on y regardera à deux fois avant de se rendre aux Jeux Olympiques. La mauvaise en découle : certains secteurs importent du Royaume-Uni. La valeur de l’euro contre le dollar (ou d’autres devises) n’est guère meilleure.  

Christine Lagarde a estimé que la BCE pourrait encore baisser son taux directeur, pourtant fixé à seulement 1 % à présent, afin d’éviter un effondrement de la Grèce et la contagion. Mais, à propos d’un éventuel retour à la drachme, elle a déclaré qu’il fallait « techniquement se préparer à toute éventualité. ».

Le 31 mai, il y aura des élections en Irlande. En fonction des événements, l’issue pourrait en être incertaine. La plupart des exportateurs vers l’Eurozone ou le Royaume-Uni se prononcent pour le oui, mais le non gagne du terrain… Si l’Irlande rejetait le pacte de cohésion budgétaire, elle se trouverait, de facto, disent certains, obligée de renoncer à l’euro.

C’est donc assez tard cette nuit que François Hollande et Angela Merkel mettront fin à leur discussion. Vient-elle trop tard pour apporter trop peu ? Quelles que soient les déclarations d’intention, leur mise en œuvre prendra du temps. La Grèce, en feu, évoque un bateau sans embarcations ou bouées de sauvetage. Si la foudre frappe l’hélicoptère européen, le forçant à faire demi-tour, et qu’une sortie désordonnée (elle ne pourrait en fait que l’être si elle se produit avant la fin de l’année) ouvre une autre brèche, les Grecs de l’équipage risquent fort de se battre pour tenter de saisir de quoi confectionner des radeaux. Chypre ne sera guère mieux loti. En sus, selon l’ancien ministre Christian Baroin, la France se retrouverait avec 50 milliards d’euros « grecs » en moins. D’autres estimations font grimper ce montant à 66,4 milliards pour le Trésor public, auxquels il faudrait ajouter encore près de 40 milliards détenus par des banques françaises.

Cela pourrait avoir bien sûr des répercussions sur les élections législatives françaises, mais est-ce bien le plus important ?  Le risque de contagion peut s’étendre à l’Espagne (dont l’indice boursier est revenu neuf ans en arrière et les taux des emprunts souverains à dix ans remontés à 6,36 %), au Portugal (toujours en récession), à l’Italie (taux remontés à 6,02 %) et à l’Irlande… puis… à l’ensemble.

L’organisateur de voyages TUI, comme d’autres, a déjà pris des mesures (contradictoires selon les scénarios) au cas où la Grèce sortirait de la zone euro avant septembre. Le Portugal, que son Jornal de Negocios qualifie de « maillon faible », s’avoue désemparé. Selon certains observateurs, le Portugal et l’Irlande pourraient suivre la Grèce et retourner à leurs monnaies nationales.

L’Allemagne reste encore une valeur refuge pour les investisseurs, au risque de perdre de l’argent (le taux d’intérêt est très, très bas, et érodé par l’inflation, mais les placements sont considérés sains). Mais c’est un peu par défaut.

L’ex-ministre australien des Finances, Ken Henry (dix années en poste), a estimé que la zone euro allait s’effondrer, faute de cohésion et de volonté vraiment concertée. Le ministère des Finances indien se dit prêt à réagir en cas d’effondrement de l’euro. Si l’Allemagne consent à quelques aménagements de détail, il n’est pas sûr que ces rustines suffisent.

La presse internationale a déjà trouvé un surnom pour le couple, ou duopole, franco-allemand ; cela donne « au revoir Merkozy, bonjour Frangela ».  Leur conférence de presse a débuté à 21 heures 18, Angela Merkel annonçant un conseil européen informel le 23 juin. La France et l’Allemagne présenteront leurs idées sur la croissance. « Nous souhaitons que la Grèce demeure dans l’euro » mais « le mémorandum doit être respecté » a précisé Angela Merkel. François Hollande a insisté sur le respect des partenaires européens et des institutions européennes. À propos de la Grèce, il a salué les efforts engagés de part et d’autre. « Je suis favorable à ce que nous puissions dire aux Grecs que l’Europe est prête à ajouter des mesures de croissance. ». Il a estimé que la méthode la meilleure sera de mettre tout sur la table le 23 juin. Bref, les discours ne sont pas contradictoires, mais il a mentionné les « eurobonds ». Bref, les discussions vont se poursuivre et les éventuels différends seront exposés fin juin.