Quatre ans après son premier album ("Amoureux de Paname", 1975) et deux ans après le deuxième ("Laisse béton", 1977), Renaud nous livre son troisième album, « Ma gonzesse » (1979). De l’univers du Titi Parisien à celui du loubard, nous allons passer à un autre personnage, celui du loubard Parisien amoureux.
Le titre de l’album de doit rien au hasard, il est dédié à sa femme Dominique. Le titre « Ma gonzesse » parle d’elle, avec des paroles que l’on n’aurait pu prêter à personne d’autre : « celle que j’suis avec, ma princesse, celle que j’suis son mec », « si tu m’dis qu’elle est moche tu lui manques de respect, je t’allonge une avoine ce s’ra pas du cinoche, mais si tu m’dis qu’elle est belle, comme je suis très jaloux, je t’éclate la cervelle, il faut rien dire du tout de ma gonzesse ». Le Renaud loubard amoureux, c’est ça. Pour le moment. On peut penser que les titres « J’ai la vie qui m’pique les yeux » et « Peau Aime » sont également dédiés à Dominique.
Un Renaud amoureux, c’est également un Renaud qui a des envies de paternité. « Chanson pour Pierrot » est une chanson sur ce thème, lui qui rêvait tant d’avoir un fils. Ce sera une fille, qu’il aimera au moins autant. Dans ce titre, tout son amour pour l’enfant à naître transpire. A sa manière à lui, encore une fois : « t’iras pas à l’école, j’t’apprendrai les gros mots, on jouera au football, on ira au bistrot », « Pierrot mon gosse, mon frangin, mon poto, mon copain tu m’tiens chaud », « depuis l’temps que j’te rêve, depuis l’temps que j’t’invente, ne pas te voir j’en crève mais j’te sens dans mon ventre, le jour ou tu t’ramènes j’arrête de boire promis, au moins toute une semaine, ce s’ra dur mais tant pis ». Après la déclaration d’amour à sa femme, la déclaration d’amour à sa future progéniture. Le ton est bien à lui, parfois un peu rustre, maladroit, mais les sentiments passent.
On trouve également sur l’album le fameux « C’est mon dernier bal », « ma dernière virée, demain dans l’journal, y’aura mon portrait ». Une chanson de loubard, de bagarre. Une chanson qui lui ressemble.
N’étant pas sans rappeler « la bande à Lucien », « la tire à Dédé » est une chanson magnifique de nostalgie : « dans la tire à Dédé, j’en ai fait des virées, quand j’y r’pense aujourd’hui, sur ma mob, je m’ennuie ». Une nostalgie renforcée par la fin tragique de son pote. Une vraie belle chanson trop méconnue.
Renaud ne néglige pas non plus le caractère humoristique auquel il tient tant et qui le caractérise si bien. Il manie en effet parfaitement humour et dérision dans des titres plus légers comme « Sans dec’ » (« les mecs qui disent qu’j’suis né sur un camion citerne parce que j’ai les jambes arquées et y parait qu’ça s’voit, j’vais t’dire c’est des conneries parce que le camion en fait il était pas si terne que ça »), « le Tango de Massy Palaiseau » (« et quand Landru ce vieux salaud coupa sa femme en p’tits morceaux, elle lui d’manda dans un sanglot je t’en prie me scie pas les os ») ou encore « Ch’timi Rock » (« avec deux trois copains aussi mauvais que moi, on assassine Mozart, Bethov’ et Chuck Berry »).
Une mention particulière enfin pour « Salut Manouche », chanson dans laquelle Renaud se range une nouvelle fois du côté des minorités opprimées : « ma mère m’a dit qu’t’avais l’air louche ». Une chanson pleine de tendresse elle aussi trop peu connue.
Cet album, convenons en, n’est pas le plus abouti du chanteur. Sans doute le moins réussi. Il contient néanmoins de très beaux et bons morceaux qui auraient ou mériteraient davantage d’attention et de reconnaissance.